dimanche 28 décembre 2008

Brèves

Le Comité Théodule formé des mieux élus de chaque liste à la Constituante a adopté le texte de la prestation de serment (il ne s'en est donc trouvé aucun-e, de ses " meilleurs élus ", pour se rendre compte du ridicule de l'exercice) et renoncé à une retransmission en direct, sur Léman bleu, de la séance d' " installation ". Mais l'installation sera tout de même filmée pour la postérité. Parce qu'on suppose qu'elle va s'y intéresser ?

J.-F. Mabut rappelle dans la Tribune du 14 novembre que la Constituante va entamer ses travaux en 2009, année du demi-siècle de la naissance de Calvin, pour les terminer (en principe) en 2012, année du tricentenaire de la naissance de Rousseau. On fait pas plus genevois que ces deux figures tutélaires, même si l'une d'elles n'est que d'un immigrant. On ne fait pas non plus moins féministe. Ni plus ancien (à part Clotilde et Adhemar Fabri). Bref, la Constituante est placée sous le patronage de deux vieux mâles. Au moins les patrons ressembleront-ils aux patronnés. A un étranger près.

Lors de la première " vraie " réunion de la Constituante, le 20 novembre, celle-ci s'est dotée d'un bureau provisoire composé d'un-e membre par groupe. Et comme il y a onze groupes, le bureau provisoire sera composé de onze personnes. C'est beaucoup, pour un bureau. Mais ça devrait au moins permettre d'éviter le jeu déprimant du " cherchez la femme et les jeunes " : faut bien " gonfler " le nombre des membres du bureau pour qu'on puisse le féminiser et le " jeunir " un peu, parce que vu la composition de la Constituante, si on se contentait d'un bureau de cinq membres, on aurait toute les chances d'avoir un petit Männerchor.

Avant même d'avoir entamé ses travaux, la Constituante genevoise a donné deux signaux forts de sa capacité de renouveler les formes du fonctionnement politique de la République, avant, n'en doutons pas, d'en renouveler le fond : Elle a été " installée " le 20 novembre à 17 heures dans la salle du Grand Conseil et du Conseil municipal de la Ville (voilà pour le renouvellement symbolique et géographique), et en février, on ne sait pas où, une cérémonie se tiendra, avec à l'appui une prestation de serment que personne ne demandait aux constituante de prêter, serment dont le texte écrit écrit par deux jeunes constituants connus pour leur ouverture aux idées nouvelles, Soli Pardo et Christian Grobet, voilà pour le renouvellement du personnel et du discours politique. On se demande pourquoi on n'impose pas aux Constituants le port de la queue-de-pie et du haut-de-forme, et aux quelques Constituantes celui du corset et de la robe baleinée, tant qu'à faire...

" Pourrais-je oublier cette précieuse moitié de la république qui fait le bonheur de l'autre, et dont la douceur et la sagesse y maintiennent la paix et les bonnes mœurs ? Aimables et vertueuses citoyennes, le sort de votre sexe sera toujours de gouverner le nôtre. Heureux ! quand votre chaste pouvoir, exercé seulement dans l'union conjugale, ne se fait sentir que pour la gloire de l'Etat et le bonheur public. C'est ainsi que les femmes commandent à Sparte, et c'est ainsi que vous méritez de commander à Genève. " Voilà. C'était le message de Jean-Jacques Rousseau à la République de Genève, en introduction à son " Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes ". Message qu'on adresse ici, avec le minimum d'ironie qui sied à une telle adresse, aux Constituants genevois fraîchement élus, et à celles et ceux qui les ont élus. Il faut honorer le Citoyen de Genève. Il le mérite. Mais il n'était pas forcément indispensable de le prendre à la lettre, jusque dans sa doucereuse misogynie.

"Huit femmes sur dix se tapent encore l'entier des tâches ménagères", résume "Le Matin Bleu" du 4 novembre...
... on sait donc qui va nettoyer la salle où se réuniront les papys de la Constituante.

Si on en croit les comptes publics des campagnes des deux candidats à l'élection présidentielle américaine, Barak Obama a dépensé plus de 763 millions de francs pour obtenir finalement plus de 63 millions d'électeurs, et John McCain a dépensé plus de 431 millions de francs pour obtenir un peu moins de 56 millions d'électeurs. Ce qui fait 12,10 franc s par électeur d'Obama et 7 francs 70 par électeur de McCain. A titre de comparaison, pour obtenir moins de 5000 électeurs, la liste patronale GEavance a dépensé, pour l'élection à la Constituante, plus de 40 balles par électeur (ou trice). Ce qui ne fait pas des patrons genevois des investisseurs particulièrement performants. Surtout si on les compare à l'AVIVO (4 francs par électeur)...

samedi 27 décembre 2008

Vive la Commune !

La Nation et l'Etat peuvent être des obstacles à la réalisation de la démocratie ; il y a deux manières de dépasser cet obstacle, ou de la contourner : le nomadisme ou la commune. Le dépassement de l'Etat et de la Nation, cela peut être le camp tzigane, qui ignore les frontières et se moque du droit territorial de l'Etat, ou la commune, qui ne prétend pas être une nation mais permet l'exercice immédiat, direct et permanent du contrôle démocratique. A l'Europe des tribus (" modernisées " en nations) et à l'Europe des appareils (l'Union européenne, qui additionne des Etats et leur juxtapose sa propre bureaucratie) peut ainsi être opposée, comme une alternative, l'Europe des Cités. A l'organisation de la stabilité s'oppose celle de la mouvance : la " République moderne " est à concevoir non comme un organisme, mais comme un réseau dont les villes et les communes forment la trame, et dont la logique institutionnelle se fonde sur le principe de subsidiarité et sur le plus " bas " niveau existant de l'institution politique démocratique : le niveau municipal.
La tradition politique occidentale est celle de la souveraineté territoriale de l'Etat, de l'exclusivité de ses compétences à l'intérieur de son territoire. Cette tradition a fait son temps : la souveraineté démocratique, qui lui fut longtemps liée, lui est aujourd'hui contradictoire, et ne peut plus s'exercer pleinement qu'au prix d'un renversement de la logique institutionnelle. C'est à une critique de l'Etat qu'il nous faut nous atteler -une critique qui soit celle de ses racines, et non de ses apparences. L'Etat est aujourd'hui la norme de l'organisation politique des sociétés humaines, mais il en est de cette norme comme de toute autre : arbitraire et contingente, elle est contestable, et contestables sont aussi les conditions de sa réalité, à commencer par cette prétention à l'exercice exclusif d'un pouvoir sans autres limites que celles qu'il se fixe lui-même, par son propre Droit. Au fond, il s'agit de conjuguer deux principes, l'un de légitimité et l'autre d'organisation : le principe de légitimité est celui de la souveraineté populaire, le principe d'organisation est celui de la subsidiarité institutionnelle.

Principe de légitimité et principe d'organisation

La légitimité populaire, d'abord : il ne s'agit pas seulement de proclamer que l'Etat ne doit rien pouvoir faire sans l'acquiescement des citoyens, mais aussi et surtout de proclamer que l'acquiescement ou le mandat de la majorité n'oblige que les institutions et cette majorité elle-même et donc, en d'autres termes, que celles et ceux dont le chois est autre que celui de la majorité ont un droit égal à celle-ci, et tout aussi fondamental, à concrétiser ce choix, si minoritaire soit-il, la seule distinction se faisant sur le mandat donné aux institutions politiques et sociales : ce mandat est donné par la majorité, et son contenu est celui que définit ou que soutient la majorité. Les institutions exécutent ce mandat, ce qui ne signifie nullement que ce mandat épuise la totalité des possibles sociaux et politiques.
La subsidiarité, ensuite : c'est poser comme règle que toute compétence publique est d'abord attribuée au plus " bas " niveau de l'organisation politique, que l'Etat ne doit avoir que les compétences que lui laissent les cités et les communes, qui elles-mêmes n'en doivent avoir que celles que leur laissent les citoyennes et les citoyens librement associés, et qu'au faîte de la structure politique, l'institution " supranationale " (c'est-à-dire supra-étatique, l'Union Européenne, par exemple) ne doit avoir ni plus, ni moins de pouvoir à l'égard des Etats qui la composent que ceux-ci n'en ont à l'égard des instances qui le composent (communes, régions, Etats fédérés etc.). Chaque niveau institutionnel n'abandonnant au niveau " supérieur " que ce que lui-même n'est pas en état d'assumer, le contrôle démocratique peut s'exercer réellement, sur des enjeux réellement maîtrisables par les citoyens, à des niveaux accessibles à un contrôle direct. Une telle règle vaut pour les rapports entre les individus et les groupes, les groupes et les institutions, les différents niveaux institutionnels. Son caractère mouvant, mobile (cette répartition des pouvoirs ne peut être fixée a priori et doit pouvoir être modifiée en tout temps, en fonction des enjeux) assure la sauvegarde de la souveraineté populaire -d'une souveraineté réelle, non d'une souveraineté théorique et rhétorique se réduisant, par le jeu des délégations et des représentations, au fur et à mesure que s'élargir le champ territorial de la compétence de décision : on voit bien en effet à quel point les possibilités de contrôle démocratique direct sont inégales selon qu'il s'agit du niveau municipal ou du niveau national, voire continental. La règle de la subsidiarité est enfin une règle de partage : si l'on part du principe que toute compétence politique est d'abord une compétence de l'échelon premier de l'institution politique, il n'est aucune compétence que cette échelon premier aurait déléguée qu'il ne puisse à tout moment récupérer : ainsi, par exemple, des relations extérieures, de la politique de sécurité ou de la politique monétaire, que l'on ne confiera à l'Etat central ou à une structure continentale (ou mondiale) qu'en gardant par devers soi la capacité de les établir soi-même si besoin est ou si ce qu'en fait l'échelon auquel on les a déléguées ne convient pas, ou plus.
C'est à ces conditions que la souveraineté populaire pourra à tout moment s'exercer réellement sur ce qu'elle est en droit et en mesure de déterminer, et que le pouvoir de l'institution sera ce qu'il ne devrait jamais cesser d'être : un mandat donné, et donc révocable, à un instrument politique. L'institution politique en effet n'est qu'un instrument, et l'Etat, comme toute autre institutions politique (comme la Commune, notamment) n'a de légitimité que dans sa capacité à faire ce que le " peuple souverain " lui enjoint de faire. Or, on sent bien aujourd'hui que toutes les institutions politiques atteignent les limites de leur efficacité, et donc de leur légitimité, qu'elles sont en passe de devenir des obstacles et respect et à l'exercice des droits démocratiques et des libertés fondamentales, et qu'il importe désormais de concevoir des formes d'organisation politique capables de les dépasser -et de dépasser aussi leurs soubassements territoriaux : la paix, le développement, l'équilibre écologique, l'universalité des libertés individuelles et collectives sont autant d'enjeux communs à toutes les nations existantes -et toutes les nations possibles, dès lors que la nation n'est pas une donnée des faits mais le produit d'une volonté.

L'urgence de la réforme

Ainsi voit-on à quoi l'exercice de la réforme institutionnelle peut et doit aboutir : non à " moderniser ", c'est-à-dire à rénover, les formes anciennes d'exercice de la responsabilité collective, mais à en changer fondamentalement. Et il y a urgence : l'exigence d'abolition des frontières territoriales des Etats -qui ne signifie nullement l'abolition du pluralisme des nations- suscite, partout, des oppositions irréductibles, fondées soit sur la vieille identification de l'Etat et de la nation, soit sur l'illusion, plus vieille encore, et infiniment plus dangereuse, de " spécificités nationales " (pour ne pas écrire : " ethniques ") si fondamentales que toute dilution de la souveraineté de l'Etat nation serait un péril collectif. Il se trouve depuis des années une majorité de Suissesses et de Suisses pour considérer, à chaque consultation populaire sur des thèmes liés à la souveraineté de l'Etat dans ses rapports avec " l'extérieur " (son extérieur à lui, l'Etat), que " plus de Monde, c'est moins de Suisse ". Et quand bien même serait-ce, qu'en faudrait-il conclure ? Que la défense de la Suisse telle qu'elle est (ou de la France, du Danemark ou de l'Irlande tel qu'il et elles sont) justifie un refus a priori de tout abandon de quelque pan de la souveraineté nationale ? C'est précisément parce que " plus de Monde ", c'est " moins de Suisse " telle que la Suisse est que nous avons à soutenir les propositions d'intégration continentale et internationale, pour peu qu'elles permettent une ouverture au monde des humains et pas seulement à celui des marchandises et des capitaux. Moins d'Etat-nation, plus de République, nous conduit à dire " oui " à l'Union Européenne ; moins de marchandise, plus de citoyenneté nous conduit à dire " oui " à une autre Europe que celle qu'on nous propose, et ce second " oui " n'annule pas le premier : il le précise.

Ouvrir un débat sur un changement des institutions politiques, c'est ouvrir un débat sur ce qui fonde ces institutions. Les mots de ce débat peuvent être de vieux mots, mais les réalités qu'ils revêtent sont bien de notre temps, et les projets qu'ils expriment sont toujours nôtres. D'entre ces réalités, la moins inquiétante n'est pas l'affadissement de la démocratie, son désarmement face aux puissances financières. Nous savons d'expérience historique à quoi mènent cet affadissement et ce désarmement : à l'emprise de populismes d'autant plus efficacement mobilisateurs qu'ils se fonderont sur cela même qu'ils menacent -la démocratie, précisément, en ce qu'elle suppose non l'adhésion à des mythes nationaux mais au contraire la permanente remise en question de ces mythes et de leur héritage. La réforme institutionnelle est donc bien autre chose qu'une rénovation des appareils de pouvoir, des structures administratives et des répartitions de compétence (et la révision de la constitution, par conséquent, bien plus que la modernisation d'un texte) : elle est une redéfinition, à partir des droits fondamentaux des personnes et des groupes, des règles du jeu politique. C'est en quoi, et seulement en quoi, elle doit nous requérir.

mercredi 17 décembre 2008

Brèves

L'Office cantonal de la statistique a produit une première analyse de l'élection de la Constituante. Une analyse qui porte sur la participation électorale en fonction de l'âge. Et c'est sans surprise (surtout si on garde le résultat de l'élection à l'esprit) : les vieux votent plus que les jeunes, la participation électorale croît constamment de 18 à 79 ans (elle décroît ensuite, mais reste supérieure chez les plus de 80 ans à ce qu'elle est chez les moins de 50 ans. La seule classe d'âge décennale où la majorité des personnes disposant du droit de vote ont effectivement voté est celle des 70-79 ans (50,4 % de participation, alors qu'on stagne à 20 % chez les moins de 30 ans). Comme les vieux votent plus que les jeunes, les hommes plus que les femmes (on a dit " plus ", on a pas dit " mieux "), sauf dans la classe d'âge des moins de 30 ans, et les universitaires plus (on n'a toujours pas dit " mieux ") que les prolos, faut pas s'étonner de se retrouver avec une Constituante de vieux mâles universitaires…

La Constituante a tenu sa première réunion. Bon, d'accord, pas toute la Constituante, seulement les élus et l'élue en tête de chaque liste, et la présidente de la première séance plénière, mais on va pas chipoter, c'est déjà une première réunion. Au bistrot. Ce qui résout par avance la grave question de savoir où donc va se réunir la Constituante. Après tout, faire la tournée des bistrots, de séance en séance, à raison d'une séance par bistrot, ça pourrait répondre à la proposition des Verts d'une Constituante " nomade "..

Les emplacements des groupes à la Constituante seront tirés au sort, comme le proposait l'AVIVO, histoire d'éviter un face-à-face gauche-droite. Avec un peu de pot, on retrouvera donc SolidaritéS entre l'UDC et les patrons, et le MCG entre les socialistes et les associations. A défaut de faire la révolution, la Constituante aura au moins réussi à faire bouger les fronts. En jouant aux chaises musicales.

La " Tribune " annonce que deux frétillants constituants, Christian Grobet et Soli Pardo, qui ont surtout en commun d'avoir été l'un et l'autre opposés à la révision de la Constitution et d'être aussi allergique l'un que l'autre à la liberté de circulation, ont été " chargés " (mais par qui ?) de rédiger le texte d'une prestation de serment (prévue nulle part dans la loi instituant la Constituante) pour les membres de la Constituante. On se réjouit de le lire, le texte du serment grobétopardiste ou pardogrobétiste. Surtout le passage sur la libre-circulation et la constitution d'une région franco-genevoise. Cela dit, vu que la loi n'oblige aucun-e constituante à prêter serment, que la Constituante elle-même n'a aucune compétence pour obliger ses membres à prêter serment, et qu'aucune instance légitime n'a mandaté Grobet et Pardo pour rédiger quoi que ce soit, celles et ceux qui ne voudront pas de leur texte, ou ne voudront pas prêter serment, pourront toujours s'abstenir, ou prêter serment sur le texte qu'ils veulent.

La comparaison entre les résultats de l'élection à la Constituante et ceux des élections cantonales de 2005 signale (compte tenu des spécificités du scrutin d'octobre) la possibilité de reconstituer une force parlementaire de gauche correspondant à la force électorale réelle de la gauche à Genève. Lors de l'élection à la Constituante, les trois partis de l'Entente ont, ensemble, reculé de 11,7 points par rapport au Grand Conseil et les deux partis populistes de droite ont reculé de 3,7 points. Tempéré par les résultats des listes " associatives " de droite (la liste patronale, Pic-Vert, Propositions.ch) et des Evangéliques, le recul de la droite entre 2005 et 2008 s'établit en gros à 3,5 points. A gauche, le recul des socialistes et des Verts (5.3 points ensemble), du PdT et des communistes (5.3 points) et de SolidaritéS (1.5) est plus que compensé par les scores des listes associatives de gauche (Avivo, associations, femmes, Expression citoyenne), la gauche au sens large progressant dans la mesure du recul de la droite. Si la " gauche de la gauche " arrive à joindre les forces de ses diverses composantes pour dépasser l'obstacle du quorum, elle a toutes les chances de faire son retour au parlement cantonal.

mardi 9 décembre 2008

Brèves

" Les élue-e-s du PS (à la Constituante) feront des propositions (pour garantir) effectivement une égalité de représentation des deux sexes " dans les institutions genevoises, annonce le PS dans un communiqué après l'élection de la Constituante. Vu le résultat de l'élection et la composition par genre du groupe socialiste (une seule femme pour dix hommes), par quelle proposition concrète le PS va-t-il entamer son long combat pour l'égalité des représentations dans les institutions en général et la Constituante en particulier ? L'élection d'une femme à la présidence de la Constituante ? La démission forcée de la moitié des élus socialistes pour laisser place aux femmes " viennent-ensuite " ? La dissolution et la réélection de la Constituante ?

Toute émoustillée par son succès à la Constituante, l'AVIVO envisage de présenter une liste au Grand Conseil en 2009. On craignait que la Constituante ressemble à un " Grand Conseil bis " ? On devrait se préparer à un Grand Conseil qui serait une " Constituante bis "…

La secrétaire permanente des syndicats patronaux genevois, Sabine von der Weid, déplore (dans " Le Courrier " du 20 octobre) que la campagne de la liste patronale " G[E]avance " pour l'élection de la Constituante ait été " gênée par les récents développements de la crise financière et ses retombées en Suisse " (dont les soixante milliards pompés pour sauver l'UBS)... Certes, mais on pouvait compter sur le masochisme des électeurs pour que le naufrage de l'UBS n'entraîne pas la noyade des chantres du libéralisme : la liste patronale a quand même décroché six sièges (en y mettant le prix : en gros cinquante mille balles par élu). Ajoutés aux treize sièges libéraux, ça fait tout de même une belle proportion de cocus et fiers de l'être dans l'électorat.

L'AVIVO demande que la première séance de la Constituante se tienne dans la " cathédrale Saint-Pierre ". Voilà ce que c'est que d'élire des vieux : ils ne se souviennent même plus que ça faiot bientôt 500 ans qu'il n'y a plus de cathédrale à Genève…

Sur son blog de la " Tribune ", Philippe Souaille fait un constat intéressant : le résultat de l'élection à la Constituante met en évidence la sous-représentation des grandes communes urbaines (Vernier, Onex, Meyrin, Lancy etc...), non pas tant à l'égard de la Ville (qui représente 42 % de la population du canton et où résident 49 % des élu-e-s) que des petites et moyennes communes rurbaines (il n'y a plus de communes rurales à Genève), qui, comme au Grand Conseil, sont sur-représentées. Ce qui ne les empêche pas de pleurer sur leur marginalisation. Faut croire que, déversés dans les urnes, ces sanglots longs se transforment en bulletins de vote.

" Pour la Constituante genevoise, le temps des préliminaires est terminé ", écrit Pierre Weiss dans l'hebdo patronal " Entreprise romande " du 24 octobre. Le temps des préliminaires étant terminé, on en déduit, logiquement, que celui du passage à l'acte est venu. La question est donc de savoir qui va se faire baiser, et par qui.

Souhail Mouhanna, élu à la Constituante sur la liste de l'AVIVO a fort justement constaté que le succès de sa liste avait eu pour effet de réduire de moitié le score de l'UDC et du MCG dans les quartiers populaires. Souhail a oublié d'ajouter que le succès de l'AVIVO avait aussi entraîné la chute du Parti du Travail, mais on pourra considérer cela comme une sorte de dommage collatéral. Parce que, toute ironie bue sur le côté légèrement gérontocratique de la Constituante, on préfère de beaucoup y voir neuf élu-e-s de l'AVIVO (dont un tiers de femmes) que vingt élus de l'UDC et du MCG (qui n'ont finalement fait élire que des hommes)...

" Le Courrier " relève " le succès des candidats protestants " (ou plutôt des candidats ayant exercé une fonction au sein de l'Eglise genevoise) à la Constituante, tels Michel Grandjean chez les Verts, Olivier Fatio chez les libéraux, Maurice Gardiol et Laurent Extermann chez les socialistes. Ben quoi, on va bien célébrer le 500e anniversaire de la naissance de Calvin, non ?

mardi 2 décembre 2008

Brèves

On aime bien le commentaire de Catherine Gaillard (dans le " Courrier " du 21 octobre) à propos de la composition (mûre et masculine) de la Constituante : " L'électorat est allé chercher les patriarches pour écrire les tables de la loi ". Bon, y'a aussi quelques matriarches, mais en 3000 ans, on a progressé dans la laïcité : ce n'est plus Dieu Soi-même qui écrit la loi, ce sont des hommes, et même, vade retro satanas, des femmes. Mais généralement d'âge canonique, tout de même. Les racines judéo-chrétiennes sont sauves.

Cruelle double page dans la " Tribune " du 22 octobre : les photos des 80 élu-e-s à la Constituante. On dirait le tableau d'honneur d'un EMS. Mais ça a donné à une camarade (qu'on ne dénoncera pas) l'idée d'un jeu : vous prenez la double page, vous la collez sur un carton et vous en faites la cible d'un jeu de fléchette. Si vous arrivez à planter votre fléchette sur une femme, vous obtenez un point; sur un-e jeune, deux points; sur un-e immigrant-e, dix points. Eh oui, la Constituante, c'est comme le Marché : la rareté créée la valeur.

On nous a abondamment ressorti, à la faveur des commentaires sur les résultats de l'élection à la Constituante, l'absurde expression de " société civile " pour désigner les listes déposées par d'autres acteurs politiques que les partis politiques. Comme si les partis politiques étaient autre chose que les instruments dont la " société civile " se dote pour agir dans le champ politique. Et comme si la liste de l'AVIVO ou la liste patronale étaient des listes apolitiques. Avant de rédiger une constitution, la Constituante pourrait peut-être éclairer les lanternes des commentateurs…

L'Assemblée générale de l'ONU a voté le 8 octobre une résolution sollicitant un avis juridique de la Cour internationale de justice sur la déclaration d'indépendance unilatérale prononcée par le Kosovo le 17 février 2008, l'Assemblée du Kosovo ayant adopté ensuite une " Constitution de la république du Kosovo ", entrée en vigueur le 15 juin. La CIJ, qui est le plus haut tribunal des Nations Unies, chargé de trancher des conflits et différends juridiques entre Etats, devra donc se pencher sur la question de savoir " si la déclaration unilatérale d'indépendance du Kosovo est conforme au droit international " et rendre un avis, qui n'est pas juridiquement contraignant pour les Etats membres de l'ONU. Si l'avis admet la légitimité du choix unilatéral de l'indépendance comme une conséquence du droit à l'autodétermination, on se fera un plaisir, à Genève (comme en Ossétie, en Abkhazie ou en Euzkadi) de s'y référer pour proposer à la Constituante une déclaration unilatérale d'indépendance (ou de restauration de l'indépendance) de la République...

Les vieilles marmites dans laquelle se fera la soupe constituante en ont marre de se faire traiter de vieilles marmites. Quatre d'entre elles, interrogées par " Le Matin ", se défendent: " Ce n'est pas parce que nous avons dépassé un certain âge que nous ne sommes plus capables d'ouverture ", plaide Françoise Saudan (68 ans), qui semble oublier qu'on ne fait jamais, une fois né, que dépasser un " certain âge "; Christian Grobet (67 ans) " signale qu'on peut être jeune et rétrograde " et qu'il se battait déjà pour le suffrage féminin quand il n'avait que onze ans. Ce qui ne nous rajeunit guère. Jacques-Simon Eggly (66 ans) se défausse sur " les citoyens genevois qui ont choisi " d'élire des vieux, alors que les deux tiers des citoyens genevois n'ont rien choisi du tout, sinon de s'abstenir de choisir. Beat Bürgenmeier (64 ans, un gamin) estime (modestement) que " les gens (ont voté) pour ceux qu'ils pensent capable de trouver une solution à la modernisation de la constitution " (ce qui n'explique pas le triomphe de l'AVIVO) et rappelle que " l'ancienne Constitution a tenu cent soixante ans ". Oui, mais en étant continuellement rafistolée pendant 160 ans. Bref, prenez garde, v'la la jeune garde…

mercredi 26 novembre 2008

Brèves

17,5 % de femmes à la Constituante, une seule élue socialiste, aucune élue de SolidaritéS ou des associations :
Le verdict des burnes

14 femmes, pas une de plus, ont été élues à la Constituante. Et cinq jeunes de moins de trente ans, pas un-e de plus. Une Constituante à plus de 80 % masculine, composée pour près de la moitié par des sexagénaires et des septuagénaires. L'âge moyen des futurs auteurs du projet de " Constitution genevoise pour le XXIe siècle " est de 56 ans. Pendant la campagne électorale, on nous avait jusqu'à plus soif asséné cette vérité première : on écrit une Constitution pour les générations futures. Version raccourcie : on écrit la Constitution de nos enfants. En fait, ça sera plutôt la Constitution des petits enfants ou des arrière-petits enfants de Constituants dont la majorité sera à la retraite (ou morts) quand la Constitution entrera en vigueur. Pour le renouvellement du personnel politique, c'est raté. Pour celui de la Constitution, on attend de voir.

Le Männerchor de Genf
Quatre des onze listes représentées à la Constituante, dont la liste associative et celle de SolidaritéS, ne comptent aucune élue (et la liste socialistes " pluraliste "n'en compte qu'une seule). La moyenne d'âge des élu-e-s elle est de plus de cinquante ans pour toutes les listes sauf celle des Verts, de plus de soixante ans pour celles de l'AVIVO et de SolidaritéS. Dans un communiqué, le PS exprime sa " grande déception " à propos de la " portion congrue réservée aux femmes ". Il a raison, le PS. D'autant qu'aimant se présenter comme à l'avant-garde du combat pour l'égalité des droits, il se retrouve dans la Constituante avec l'un des groupes faisant aux femmes la portion la plus " congrue ". Mais aussi, vu le grand nombre de candidates placées en tête des " viennent ensuite ", dans la meilleure position pour corriger cette situation lamentable et faire entrer quelques jeunes écrevisses dans ce panier de vieux crabes : il suffirait d'en faire renoncer trois ou quatre à leur élection. Et comme on ne fera ni au PS, ni à SolidaritéS, ni aux associations, l'injure du moindre soupçon d'hypocrisie, on attend avec une impatience non dénuée de scepticisme cette belle manifestation de cohérence et on félicite d'avance les vieux mâles dominants qui renonceront au bénéfice de la loi salique. Moins naïvement, on misera sur la mauvaise conscience de gauche pour espérer une éruption de féminisme compensatoire, et on attend donc ces propositions que le PS promet, pour forcer le Männerchor de Genf à devenir un chœur mixte. Il s'agit donc d'intégrer dans le projet de constitution des règles contraignant les institutions et les partis politiques à respecter concrètement l'égalité des droits, en changeant totalement de comportement pré-électoral. Mais on n'est pas vraiment sûrs qu'ils y soient prêts, ni qu'ils y aient intérêt.Le Männerchor de Genf
Quatre des onze listes représentées à la Constituante, dont la liste associative et celle de SolidaritéS, ne comptent aucune élue (et la liste socialistes " pluraliste "n'en compte qu'une seule). La moyenne d'âge des élu-e-s elle est de plus de cinquante ans pour toutes les listes sauf celle des Verts, de plus de soixante ans pour celles de l'AVIVO et de SolidaritéS. Dans un communiqué, le PS exprime sa " grande déception " à propos de la " portion congrue réservée aux femmes ". Il a raison, le PS. D'autant qu'aimant se présenter comme à l'avant-garde du combat pour l'égalité des droits, il se retrouve dans la Constituante avec l'un des groupes faisant aux femmes la portion la plus " congrue ". Mais aussi, vu le grand nombre de candidates placées en tête des " viennent ensuite ", dans la meilleure position pour corriger cette situation lamentable et faire entrer quelques jeunes écrevisses dans ce panier de vieux crabes : il suffirait d'en faire renoncer trois ou quatre à leur élection. Et comme on ne fera ni au PS, ni à SolidaritéS, ni aux associations, l'injure du moindre soupçon d'hypocrisie, on attend avec une impatience non dénuée de scepticisme cette belle manifestation de cohérence et on félicite d'avance les vieux mâles dominants qui renonceront au bénéfice de la loi salique. Moins naïvement, on misera sur la mauvaise conscience de gauche pour espérer une éruption de féminisme compensatoire, et on attend donc ces propositions que le PS promet, pour forcer le Männerchor de Genf à devenir un chœur mixte. Il s'agit donc d'intégrer dans le projet de constitution des règles contraignant les institutions et les partis politiques à respecter concrètement l'égalité des droits, en changeant totalement de comportement pré-électoral. Mais on n'est pas vraiment sûrs qu'ils y soient prêts, ni qu'ils y aient intérêt.

dimanche 23 novembre 2008

Brèves

Deux candidates et quatre candidats à la Constituante* avaient fait preuve d'une belle inconscience électorale en adhérant (librement) au Club des Montagnards Sentinelles de la liberté, séants à Genève, club créé en 1794 à Genève pour faire la révolution, et ayant contribué d'ailleurs à la faire, et recréé 214 ans plus tard (sur www.facebook.com) pour contribuer autant que faire se peut à empêcher la Constituante de dormir. Deux candidates et quatre candidats, et combien d'élues et d'élus ? un seul. Mais méritant. Bien fait pour les autres. Zavaient qu'à réfléchir avant de se coller un bonnet phrygien (seyant, mais pas discret ) sur la tête. On n'a pas idée quand on se proclame Montagnards de vouloir siéger dans un Marais.
* On les dénonce : Pascal Holenweg, Grégoire Carasso, Cyril Mizrahi, Martine Sumi-Viret (liste N° 7), Sébastien Bertrand (liste N° 4), Magali Orsini (Liste N° 18)

Evoquant la proposition d'instituer à Genève un Gouverneur, proposition lancée à l'époque par Guy Olivier Segond (qui s'y voyait déjà), reprise par Bernard Ziegler (qui s'y voit peut être aussi) mais combattue par Christian Grobet (qui n'en a pas besoin vu qu'il s'est déjà proclamé Gouverneur), la "Tribune" du 14 octobre écrit qu'il s'agirait d'une "véritable révolution culturelle, non seulement à Genève mais aussi en Suisse". Révolution ? Au sens astronomique du terme alors, parce qu'au sens politique, ça serait plutôt une contre-révolution : le restruration des baillis...

Se penchant sur le sort que fera la Constituante à la culture, la " Tribune de Genève " écrit qu'une " majorité de candidats " juge " absurde " la gestion de la " quasi totalité de la culture régionale " par le seule municipalité de Genève, et ressent comme une " incongruité " le statut municipal du Grand Théâtre. C'est une bonne nouvelle, mais on s'explique alors mal pourquoi depuis des années les socialistes et SolidaritéS se retrouvent à peu près seuls contre tous les autres pour défendre ce même point de vue…

Utile rappel historique dans la "Feuille d'Avis Officielle" distribués "tous ménages" pour l'élection de la Constituante : A son entrée en vigueur en 1847, après avoir été acceptée par 5547 votants contre 3187, la constitution (qui remplaçait une constitution adoptée seulement cinq ans auparavant) contenait 158 articles. 160 ans plus tard, elle compte 182 articles, et a été amendée 120 fois. On n'est donc pas dans l'"inflation" constitutionnelle dénoncée par certains partisans de la révision globale de la Charte de la République. On est seulement dans une évolution normale : 24 articles supplémentaires et 120 amendements en 160 ans, pas de quoi grimper aux rideaux.

Grande nouvelle : les radicaux ont un projet de nouvelle constitution. Bon, ils ne sont pas les seuls (tout le monde a le sien sous le coude, nous compris), mais ils sont les seuls à croire que ça intéresse les autres. Et à en faire un argument de campagne électorale. Donc, les radicaux ont " dévoilé " à un " Temps " particulièrement complaisant les 147 articles de leur constitution. Et y'a quoi, dedans ? Bof, c'est les radicaux, fallait pas s'attendre à de la nouveauté bouleversifiante. On a donc le " bouclier fiscal " pour hauts revenus et grosses fortune (la " Tribune de Genève " l'annonce juste au-dessus d'un " pavé " publicitaire proclamant que les radicaux veulent " l'ouverture pour une solidarité active avec les plus démunis "...), quelques bidouillages sur les communes, le Grand Conseil et les droits politiques, et quelques gadgets (genre gouverneur -pourquoi pas le retour du duc de Savoie ?). Mais on n'a pas le droit de vote et d'éligibilité des étrangers au plan cantonal (" le peuple n'est pas prêt ", commente courageusement l'un des rédacteurs du texte), on n'a pas non plus la région (" un enjeu secondaire ", estime le même visionnaire)... ça valait plus d'une demie-page dans " Le Temps " ? Faut croire. Mais au nom de la défense des espèces politiques en voie de disparition ou au nom de la contribution imaginative au débat ?

lundi 17 novembre 2008

A propos du contrôle démocratique

Poser la démocratie, c'est-à-dire les droits individuels et collectifs qui la fondent, comme la trame d'un projet politique (ce qui suppose d'ailleurs que l'on reconnaisse que ce projet n'est pas -encore- réalisé), c'est se poser la question des institutions politiques capables de garantir ces droits et ces libertés. Fondée sur le contrat (et non sur l'adhésion), sur la dissociation de l'Etat et de la Nation, et enfin sur une forme républicaine de définition des institutions et de leur légitimité, la revendication démocratique est une revendication de capacité de con trôle constant des institutions politiques par les citoyens, en même temps qu'un droit non moins constant de se soustraire à leurs décisions, voire de les combattre. Cette capacité de contrôle, ce droit à l'opposition, imposent des limites à ces institutions : il n'y a pas de contrôle démocratique possible, du moins au sens où nous l'entendons ici (où l'on ne saurait se satisfaire d'un processus de délégation de la souveraineté populaire), sur des institutions centralisées au niveau d'un Etat dès lors que les dimensions territoriales e/o démographiques de cet Etat excèdent les possibilités données aux citoyens d'exercer un contrôle direct sur lui et sur ce qui en relève. Ce contrôle est une condition de la souveraineté démocratique : si les citoyens ne peuvent pas déterminer, du plus haut au plus bas niveau de l'édifice politique, les actes, les conduites et les fonctionnements des institutions politiques, la démocratie n'est plus qu'un processus formel de désignation d'une chefferie, processus auquel les citoyens participeront de moins en moins -ou de moins en moins librement- au point que le terme inéluctable de ce processus est la désignation de la chefferie par les chefs et des chefs par eux-mêmes.

mardi 11 novembre 2008

Vive la Constituante ! Bolivienne….

Un véritable processus démocratique, accouchant d'une véritable réforme constitutionnelle, c'est possible...

Le 10 août dernier, les deux tiers des Boliviens ont confirmé, lors d'un référendum demander pour le révoquer, le président Evo Morales dans ses fonctions. Sitôt cette campagne référendaire terminée, une autre s'est ouverte : pour l'approbation d'une nouvelle Constitution, porteuse de changements fondamentaux : contrôle démocratique des ressources naturelles (la terre, le gaz, le pétrole), égalité des droits et donc émancipation des Indiens (60 % de la population) et des pauvres… Ces changements, la vieille oligarchie " blanche " de Bolivie n'en veut pas. Elle mène depuis l'élection d'Evo Morales une campagne violente et raciste, avec l'appui des Etats Unis et de 90 % des media du pays. Face à cette mobilisation " à la chilienne " (modèle 1973) de toutes les forces réactionnaires de Bolivie, les mouvements sociaux qui soutiennent le président Morales ont eux-mêmes besoin d'un soutien international. C'est à ce soutien que nous appelle le SOLIFONDS.

" Que pouvons-nous attendre d'un sale Indio ? "

Le " sale Indio " de cette élégante interpellation, c'est le président bolivien, Evo Morales, ainsi présenté par le comité des femmes de droite de Santa Cruz, lorsque Morales a annoncé la 28 août que le projet de nouvelle Constitution du pays sera soumis au vote populaire le 7 décembre. Il y a des processus de révision constitutionnelle qui aboutissent réellement à des projets de " réforme radicale " : c'est le cas du projet proposé par la Constituante bolivienne, et soutenu par les mouvements sociaux regroupés au sein du MAS à l'initiative des syndicats. Mais ces mouvements manquent de moyens, face à une opposition de droite qui détient la quasi totalité des media du pays, contrôle les provinces les plus riches, entretient des bandes armées et bénéficie du soutien actif des Etats-Unis. Pour la campagne référendaire sur le projet de nouvelle constitution, le syndicat des petits paysans, le CSCB, veut former 15'000 militants chargés d'expliquer l'enjeu du scrutin et le contenu du texte soumis au vote, et de mobiliser la " Bolivie d'en-bas ", la Bolivienne paysanne, indienne et pauvre qui a élu Morales.

Soutenez la collecte de fonds destinée par le SOLIFONDS au syndicat des Colonizadores :

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Compte de chèques postaux 80-7761-7

lundi 10 novembre 2008

Brèves

" Je formule le vœu que les élus du 19 octobre écriront bel et bien une Constitution pour nos enfants ", confie Pierre-François Unger dans le journal du PDC de septembre.
Voui. Une zoulie constitution pour les chtis nenfants, avec des zimages à colorier. Et on fera les réunions de la Constituante dans les crèches. Areuh.

" Nous avons mis sur pied une liste apolitique ", explique la secrétaire générale du Centre de liaison des associations féminines (CLAF), qui présente une liste à la Constituante. Il faudra quand même qu'elle nous explique aussi comment une liste électorale, pour l'élection (politique, par définition) d'une assemblée constituante (politique, par fonction) qui va rédiger le plus politique des textes juridiques, peut être une liste " apolitique ".

L'édito du bulletin d'information du Parti du Travail, " l'Encre rouge ", de septembre, proclame en titre que la liste du PdT pour la Constituante est " une liste d'union ". Une de plus. C'est fou ce qu'il y a comme listes d'union à gauche. Y'a même que ça, des listes d'union. Toutes concurrentes les unes des autres, mais toutes vachement unitaires. Tellement unitaires qu'à la gauche de la gauche, elles vont se bouffer unitairement les électeurs : la liste de l'AVIVO va cannibaliser la liste du PdT et des communistes, qui va grignoter la liste de SolidaritéS. Avec en arrière-fond trois listes associatives de gauche (celle de la Maison des Associations,. celle des Femmes, celle d' " expression citoyennes") qui vont elles aussi se cannibaliser les unes les autres, et ensemble cannibaliser les listes des organisations. Avec un peu de pot, on se retrouvera comme lors de l'élection du Grand Conseil de 2005, avec 15 % de l'électorat dispersé sur suffisamment de listes pour qu'aucune n'atteigne le quorum. Comme dirait l'autre, trop de listes d'union tue l'union.

Mercredi soir, lors d'un débat organisé par GHI entre représentants des dix-huit listes présentées à l'élection de la Constituante, un représentant de la liste patronale s'est lancé dans une diatribe contre les partis politiques, qui auraient selon lui dû s'abstenir de présenter des listes à l'élection pour laisser place aux pures et virginales listes dites de " la société civile ", à laquelle les partis politiques seraient donc ontologiquement étrangers. On rappellera donc à l'auguste représentant d'une liste patronale (sur laquelle figure un ancien président du parti libéral, soit dit en passant) que les partis politiques sont constitutifs de la démocratie depuis deux siècles, et que vouloir les exclure d'une assemblée politique, constituante ou non,relève d'un projet politique bien précis : le corporatisme. Qui a eu son heure de triste gloire dans le sillage du fascisme, et dont le modèle, l'Idealtype, se trouve avoir été le Portugal de Salazar. Et le Portugal corporatiste de Salazar, c'est un demi-siècle de sous-développement durable, de marasme social et de guerres coloniales foireuses.

" La Constituante prêtera-t-elle serment à la cathédrale ? ", s'interroge gravement la " Gazette de la Constituante " de la " Tribune " (http://constitution.blog.tdg.ch). Ben non, la Constituante ne prêtera pas serment à la cathédrale. D'abord parce qu'elle n'aura sans doute même pas à prêter serment (sur quoi le ferait-elle ? Sur la Constitution qu'elle doit changer ?) Ensuite parce que ça fait bientôt 500 ans qu'il n'y a plus de cathédrale à Genève. Vu qu'une cathédrale est l'église du siège d'un évêché (le siège sur lequel l'Evêque pose ses fesses s'appelle d'ailleurs une cathèdre), que Genève n'est plus le siège d'un évêché depuis la Réforme, et que Saint-Pierre n'est plus une cathédrale mais un temple. Et un problème fondamental de réglé, un ! La semaine prochaine, une autre question fondamentale : Est-ce qu'on pourra fumer à la Constituante ?

" L'Evènement Syndical " (l'hebdomadaire d'UNIA pour la Romandie) a demandé au PS de lui communiquer les noms des candidates et candidats socialistes membres, et plus si entente, d'un syndicat, histoire de les signaler aux masses laborieuses afin qu'elles les soutiennent. Le PS a donc communiqué les noms (nombreux) de ses candidates et candidats membres d'un syndicat. Et " L'Evènement syndical " a fait son tri : seuls les noms d'une candidate et d'un candidat seront signalés. Parce qu'eux, ils sont d'UNIA. Les autres, membres d'un autre syndicat ? Zexistent pas. Comme disait le camarade George Marchais, " l'Union est un combat ". Et comme disait le Vieux de la Montagne : " Nous, sectaires ? Pas plus que les sectaires d'à côté... ". Mais pas moins non plus. Le " Chacun pour soi " libéral, c'est devenu un précepte syndical ?

jeudi 30 octobre 2008

Brèves

Les libéraux (et associés) ont présenté à la presse une liste de 50 candidates et candidats pour la Constituante, et leur idée de Constitution : une Constitution " courte, légère et aérienne ". Courte, sûrement, avec le moins de droits sociaux possibles, et surtout pas de droits justiciables. Mais surtout " légère et aérienne ". Comme un fantôme de fonds de placement après le passage d'une crise financière libérale. " L'Etat doit être présent seulement là où on a besoin de lui ", précise le président libéral, Michel Halpérin. Comme l'Etat américain, présent lorsqu'il s'agit de balancer 700 milliards dans le trou du système financier américain.

A déambuler devant les panneaux d'affichage électoraux portant les placards des listes concourant à l'élection de la Constituante, on ne peut qu'être frappé (au coin du bon sens) par la récurrence de la référence " à nos enfants " : un bon tiers des listes (à moins qu'on en ait oubliées) font campagne " pour l'avenir de nos enfants " (les Verts y ajoutant bibliquement les quarante générations suivantes). Mais pour l'avenir de qui d'autre pourrait-on faire campagne ? celui de nos grands parents décédés ?

Dans GHI (du 17 septembre), on apprend qu'entre la liste la plus riche et la liste la plus pauvre, les budgets de campagne pour la Constituante se situent dans un rapport de trente contre un : 200'000 balles pour la liste patronale, 5000 balles pour la liste féministe. Utiliser ses droits démocratiques, c'est pas à la portée de tout le monde, ce qui est déjà un problème. Et ce qui en est un autre, c'est que de petits malins voulaient se faire du pognon sur le dos des potentiels constituante, en les invitant à un " Forum de la Constituante " auquel on ne pouvrait accéder qu'en payant 4000 balles. Si c'est une manière de proposer à la Constituante la rétablissement du suffrage censitaire, faudrait le dire clairement.

L'AVIVO, qui présente une liste à la Constituante, lance aussi un appel, d'ailleurs intéressant, à la Constituante à laquelle elle se présente -un appel " pour le maintien et le renforcement des prestations sociales ", qui demande à la Constituante d'insérer dans la constitution un article garantissant les droits sociaux des habitants de la République (on peut obtenir l'appel à l'AVIVO, CP 155, 1211 Genève 8). Mais bon : lancer un appel à une instance dans laquelle on veut entrer, ça témoigne pas d'un très grand optimisme sur ses chances d'y entrer.

Pour l'heure (mais le concours continue, et on ne désespère pas de trouver encore pire), la palme de la proposition constitutionnelle la plus stupide peut être décernée à celle d'instituer à Genève, République de 500'000 habitants, un système bicaméral, avec en plus du Grand Conseil un Sénat dans lequel chaque commune disposerait d'une voix, au prétexte de faire " perdre à la Ville de Genève sa pesante majorité ". Quelle " pesante majorité " ? La Ville est minoritaire partout (du Grand Conseil à l'Association des communes genevoises), et n'est déjà nulle part représentée conformément à son importance réelle…

La Constituante genevoise aura quatre ans pour pondre un projet (et un seul) de nouvelle Constitution. Putain, quatre ans... quand on pense que les plus grandes constitutions de l'histoire (l'Américaine de 1776, les françaises de la Révolution), et même de l'histoire locale (la genevoise de 1847, la Suisse de 1848...) ont été rédigées en quelques semaines, quelques mois tout au plus, on se demande pourquoi il faudrait quatre ans au début du XXIe siècle grégorien pour faire ce qu'on faisait dix fois plus vite il y a deux siècles. Le temps de laisser tiédir les projets ? de noyer les poissons ? de consensualiser les idées ? de lasser les imaginations ? de ramollir les textes ?

L'édito du bulletin d'information du Parti du Travail, " L'Encre rouge ", de septembre, exprime l'ambition de la " liste d'union " du PdT et des Communistes de " porter haut et fort les revendications légitimes de tous les laissés pour compte de la Genève des banquiers et des multinationales ". Si avec ça la liste n'obtient pas à elle seule la majorité absolue à la Constituante, c'est que Cerrutti a encore bourré les urnes (non, y'a pas de contrepèterie). Et le PdT d'ajouter que " notre liste est la seule à présenter des ouvriers, des candidats issus du peuple plutôt que des juristes et des représentants de l'élite économique ". C'est ça, voui. Sur les autres listes, y compris les listes associatives et les listes de gauche, y'a que des " juristes et des représentants de l'élite économique ". On est bien contents : on aura peut-être pas une Constitution de gauche, mais grâce au PdT, on a déjà tous grimpé dans la hiérarchie sociale.

mardi 28 octobre 2008

Brèves

Les libéraux (et associés) ont présenté une liste de 50 candidates et candidats pour la Constituante, et leur idée de Constitution : une Constitution " courte, légère et aérienne ". Courte, sûrement, avec le moins de droits sociaux possibles, et surtout pas de droits justiciables. Mais surtout " légère et aérienne ". Comme un fantôme de fonds de placement après le passage d'une crise financière libérale. " L'Etat doit être présent seulement là où on a besoin de lui ", précise le président libéral, Michel Halpérin. Comme l'Etat américain, présent lorsqu'il s'agit de balancer 700 milliards dans le trou du système financier américain.

A déambuler devant les panneaux d'affichage électoraux portant les placards des listes concourant à l'élection de la Constituante, on ne peut qu'être frappé (au coin du bon sens) par la récurrence de la référence " à nos enfants " : un bon tiers des listes (à moins qu'on en ait oubliées) font campagne " pour l'avenir de nos enfants " (les Verts y ajoutant bibliquement les quarante générations suivantes). Mais pour l'avenir de qui d'autre pourrait-on faire campagne ? celui de nos grands parents décédés ?

Dans GHI (du 17 septembre), on apprend qu'entre la liste la plus riche et la liste la plus pauvre, les budgets de campagne pour la Constituante se situent dans un rapport de trente contre un : 200'000 balles pour la liste patronale, 5000 balles pour la liste féministe. Utiliser ses droits démocratiques, c'est pas à la portée de tout le monde, ce qui est déjà un problème. Et ce qui en est un autre, c'est que de petits malins voulaient se faire du pognon sur le dos des potentiels constituante, en les invitant à un " Forum de la Constituante " auquel on ne pouvrait accéder qu'en payant 4000 balles. Si c'est une manière de proposer à la Constituante la rétablissement du suffrage censitaire, faudrait le dire clairement.

L'AVIVO, qui présente une liste à la Constituante, lance aussi un appel, d'ailleurs intéressant, à la Constituante à laquelle elle se présente -un appel " pour le maintien et le renforcement des prestations sociales ", qui demande à la Constituante d'insérer dans la constitution un article garantissant les droits sociaux des habitants de la République (on peut obtenir l'appel à l'AVIVO, CP 155, 1211 Genève 8). Mais bon : lancer un appel à une instance dans laquelle on veut entrer, ça témoigne pas d'un très grand optimisme sur ses chances d'y entrer.

Pour l'heure (mais le concours continue, et on ne désespère pas de trouver encore pire), la palme de la proposition constitutionnelle la plus stupide peut être décernée à celle d'instituer à Genève, République de 500'000 habitants, un système bicaméral, avec en plus du Grand Conseil un Sénat dans lequel chaque commune disposerait d'une voix, au prétexte de faire " perdre à la Ville de Genève sa pesante majorité ". Quelle " pesante majorité " ? La Ville est minoritaire partout (du Grand Conseil à l'Association des communes genevoises), et n'est déjà nulle part représentée conformément à son importance réelle…

La Constituante genevoise aura quatre ans pour pondre un projet (et un seul) de nouvelle Constitution. Putain, quatre ans... quand on pense que les plus grandes constitutions de l'histoire (l'Américaine de 1776, les françaises de la Révolution), et même de l'histoire locale (la genevoise de 1847, la Suisse de 1848...) ont été rédigées en quelques semaines, quelques mois tout au plus, on se demande pourquoi il faudrait quatre ans au début du XXIe siècle grégorien pour faire ce qu'on faisait dix fois plus vite il y a deux siècles. Le temps de laisser tiédir les projets ? de noyer les poissons ? de consensualiser les idées ? de lasser les imaginations ? de ramollir les textes ?

On a ironisé ici sur la propension des affiches électorales pour la Constituante à enfoncer des portes ouvertes (du genre : " une Constitution pour nos enfants ", comme si on pouvait en pondre une pour nos ancêtres). On y revient, parce qu'il n'y a pas que les affiches pour faire dans le truisme. Il y a les discours, aussi. Celui du PDC qui veut " écrire une constitution pour les générations futures ", comme si on pouvait en écrire une pour les générations défuntes, ou du PS, qui proclame que ses candidates et candidats sont des " bâtisseurs d'avenir ". Ben, c'est-à-dire que " bâtisseur de passé ", c'est pas simple comme boulot.

lundi 20 octobre 2008

Genève accouche d'une Constituante de vieux mâles universitaires

Genève accouche d'une Constituante de vieux mâles universitaires :
Qu'en faire ?

De tous les processus politiques, le processus constituant devrait être le plus démocratique -à Genève, il sera oligarchique : 80 personnes représentant 15 % de la population vont rédiger la Constitution de tout le monde. L'assemblée chargée de rédiger une nouvelle charte fondamentale de la République n'aura finalement été élue que par un-e habitant-e de la République sur six : la majorité de la population en avait été exclue d'emblée, la majorité de celles et ceux qui pouvaient malgré tout participer à cette élection ne l'ont pas fait, et une bonne partie de celles et ceux qui l'ont fait, l'ont fait pour rien, leurs listes préférées n'ayant pas obtenu le quorum. Et la question reste posée : Genève a mollement consenti à élire une Constituante. Mais pour en faire quoi ?

" Ni rire, ni pleurer " (Spinoza)
Si l'abstention a été aussi importante que prévu, si les listes des partis représentés au Grand Conseil ont comme prévisible raflé près de 80 % des sièges, la plupart des listes " associatives " échouant devant l'obstacle du quorum (on ne pleurera d'ailleurs pas sur " Halte aux déficits ", " Pic Vert " et " propositions.ch "), l'élection de la Constituante genevoise a tout de même été marquée par quelques surprises -et elles sont généralement bonnes. D'abord, l'échec de la liste patronale et le succès de celle de l'AVIVO : avec dix fois moins de moyens financiers que la première, la seconde obtient moitié plus de sièges : la compétence en matière d'investissement productif ne se niche pas là où on la proclame. Ensuite, le fait que, menacées par la barre du quorum, les listes de SolidaritéS et des Associations l'ont finalement franchie. Enfin, un rapport de force équilibré s'établit au sein de l'Assemblée constituante entre la gauche (au sens large) et la droite (toutes tendances confondues) : on est loin de la Chambre introuvable dont le Grand Conseil fournit l'image depuis trois ans. Ce bilan " globalement positif ", comme disait l'autre, recèle néanmoins quelques lignes saumâtres : on regrettera, sans en être surpris, l'échec de la liste des femmes et d' " Expression citoyenne " : ces listes étaient de trop (elles auraient dû se joindre à la liste des associations et la renforcer). On regrettera aussi la place très réduite faite aux femmes et aux jeunes au sein des élus socialistes -et d'une manière générale, de la Constituante : cette assemblée sera mâle, mûre et notabiliste. Et si la menace d'un projet de constitution totalement réactionnaire s'estompe, la chance d'un projet de constitution radicalement réformiste se dissout dans le même temps. A élection tiède, assemblée tiède : on n'attendait guère mieux, et on craignait bien pire.

samedi 18 octobre 2008

Constituer l'autre Constituante

Il faudra forcément nous y mettre :
Constituer l'autre Constituante

On saura demain de quoi sera faite la Constituante. Disons-le : nous n'attendons pas grand'chose de ces résultats. Les conditions posées à l'élection de cette assemblée en ont, avant même que la première des listes ait été déposée, dévalué la légitimité : l'instauration d'un quorum, même abaissé, l'exclusion des étrangers du corps électoral, à elles-seules ces deux restrictions pèsent lourd : la Constituante ne pouvait être élue que par une minorité de la population; l'abstention s'ajoutant aux restrictions légales, l'assemblée ne sera finalement élue que par une minorité de la minorité -de laquelle il faudra encore retrancher toutes celles et tous ceux dont les suffrages se seront portés sur des listes n'ayant pas obtenu le quorum, et qui auront finalement " voté pour rien ". La nouvelle Constitution de la République sera donc vraisemblablement rédigée par une assemblée élue par 15 % de la population de ladite République. A moins de trouver le moyen de faire sortir le travail constituant de l'assemblée constituante. Et de constituer l'autre Constituante : la vraie. De celle-là, en tous cas, nous voulons être.

Des " Sentinelles de la liberté " aux " Sentinelles de la Constituante "
Quel que soit le résultat de l'élection de dimanche, quel que soit le rapport des forces politiques qui s'y établira, que les listes " associatives " y soient représentées ou non, que la gauche y soit représentée en proportion de sa force électorale ou, comme au Grand Conseil, de son incompétence tactique, et que nous mêmes y soyions, (invraisemblablement) élus ou (vraisemblablement) non, il nous faudra faire sortir le débat constituant de la Constituante. Les vases clos peuvent convenir aux mictions ou aux cendres des aïeux, pas à des choix démocratiques. Sitôt l'assemblée constituante élue, il faudra donc commencer à la subvertir. De l'intérieur et de l'extérieur (comme il convient de le faire de nos propres organisations politiques). Et puisque nous nous sommes appropriés la fonction de " Sentinelles de la liberté ", il nous faudra être " Sentinelles de la Constituante " : surveiller les travaux de l'assemblée, en rendre compte, y participer d'une manière ou d'une autre, qu'on y siège ou non, faire nos propositions, les relayer, organiser régulièrement des réunions et des débats pour finalement opposer à la Constitution mollement consensuelle qui sortira probablement du cénacle un projet de constitution " radicalement réformiste " (à défaut de désir de révolution), et trouver le moyen de faire de cette opposition un véritable choix offert au " peuple souverain " au moment du vote populaire final. Subvertir la constituante, parce que la Constitution est une chose trop sérieuse pour être laissée à des constituants patentés.

mercredi 15 octobre 2008

L'appropriation républicaine de la politique

La République n'est pas seulement, il s'en faut de beaucoup, l'altérité de la monarchie (nous connaissons des monarchies républicaines et des républiques monarchiques) : elle est surtout l'affirmation de l'appropriation de la politique par tous. La question est simple à poser, dont la réponse détermine si l'on a affaire ou non à une République : face à quelle institutionnalité politique affirmai-je mes droits de citoyen, et de quel type de pouvoir ces droits sont-ils la borne ? Car les droits démocratiques sont toujours, fondamentalement, des droits d'opposition, négateurs et limitateurs du pouvoir qui s'exerce sur ceux qui jouissent de ces droits -que ce pouvoir s'exerce avec ou sans leur consentement, qu'il soit démocratique ou autoritaire, pluraliste ou totalitaire. La République naît de la contradiction des droits fondamentaux des personnes et des groupes et de la souveraineté collective de l'ensemble qu'ils forment. C'est en quoi elle est une réponse au délire nationalitaire, écraseur des différences et des contradictions et donc des droits que les individus et les groupes constitutifs d'une nation ont à opposer au pouvoir national -c'est-à-dire au pouvoir d'Etat. Si la République est la chose de tous -la res publica- elle est aussi la capacité de chacun à s'opposer à la décision collective, à nier la norme acceptée par la majorité, à s'extirper des obligations socialement admises. La démocratie républicaine implique une défiance rigoureuse à l'égard de toute institution donnée pour intangible, indispensable, fondatrice même -Nation, Roi, Etat, Peuple ou Livre, cela se vaut. Il n'y a pas de République dans l'unanimité. La République implique la possibilité de sa propre négation, et de la négation des liens qu'elle tisse avec ses citoyens, entre ses citoyens et avec les autres souverainetés politiques. Un contrat social peut se rompre, un contrat politique se dissoudre.

samedi 11 octobre 2008

Consigne de vote

Votez pour elles et eux, candidates et candidats à la Constituante qui ont fait preuve d'un beau désintéressement électoral en adhérant (librement) au " Club des Montagnards Sentinelles de la liberté, séants à Genève ", club créé en 1794 à Genève pour faire la révolution, et ayant contribué d'ailleurs à la faire, et recréé 214 ans plus tard (sur facebook) pour contribuer autant que faire se peut à empêcher la Constituante de dormir :
Pascal Holenweg, Grégoire Carasso, Cyrl Mizrahi, Martine Sumi-Viret (liste N° 7), Sébastien Bertrand (liste N° 4), Magali Orsini (Liste N° 18)
Bon, on n'est pas vraiment sûrs que ça va leur profiter, cet appel... mais elles et ils n'avaient qu'à réfléchir avant de se coller un bonnet phrygien sur la tête. C'est seyant, mais pas discret.

mercredi 8 octobre 2008

Brèves

Les socialistes avaient choisi de présenter leur liste pour la Constituante devant le mur des Réformateurs, la " liste des associations " a choisi de la présenter au pied de la statut de Jean-Jacques Rousseau. On progresse. Parce que le mur des Réformateurs, comme symbole de laïcité moderne c'est pas évident. Et qu'à tout prendre, on préfère chanter la démocratie aux pieds de Rousseau qu'à ceux de Cromwell. N'empêche qu'annoncer comme l'ont fait les candidats " associatifs " que " Rousseau serait sur notre liste ", c'est osé : Rousseau ne serait sur aucune liste. Il se conterait de balancer le " Contrat Social " aux constituants. Qui, en effet, feraient bien de le lire avant de constituer.

Le Parti radical " fourmille d'idées " pour une nouvelle Constitution, le congratule la " Tribune " du 10 septembre, qui donne, à titre d'exemple de ces idées fourmillantes, celle d'attribuer la totalité de l'impôt communal à la commune de résidence des contribuables, au lieu que d'en réserver une partie à la commune de travail. Ce qui priverait la Ville et les grandes communes qui assument des tâches dont la population de tout le canton profite, des moyens de les financer. Et permettrait aux communes déjà les plus riches de l'être encore plus et de dormir paisiblement sur leur magot pendant que se creusent les déficits des grandes communes urbaines.

L'UDC part au combat électoral pour la Constituante avec de solides propositions. Qui répondent à d'impérieuses nécessités. Par exemple : rendre obligatoires les drapeaux suisses et genevois dans les classes des écoles " pour montrer aux enfants et aux enseignants qu'ils sont dans des bâtiments civils et concrets ", au cas où ils se croiraient dans des bâtiments militaires et abstraits. Autre proposition : agrandir les prisons. Et mettre des drapeaux suisses et genevois dans les cellules " pour montrer aux gardiens et aux détenus qu'ils sont dans des bâtiments civils et concrets " ?

Pour annoncer son soutien à quelques candidates et candidats des partis de l'Entente à la Constituante, " Ecologie Libérale " est montée sur le Salève. Histoire, dit-elle, de " prendre de la hauteur " (ou " de l'hauteur ", comme l'ont transcrit des Verts furax de ne pas se retrouver sur la liste des nominés de leurs faux-frères de droite). Mais pour prendre la hauteur (et donc de la distance) avec quoi ? Avec l'écologie ou avec le libéralisme ? Parce qu'à vouloir concilier les deux, c'est pas de la hauteur qu'on prend. C'est juste un torticolis.

mardi 30 septembre 2008

UNE CONSTITUANTE, POUR QUOI FAIRE ?

Avec plus de résignation que d'enthousiasme, les citoyennes et yens genevois ont accepté d'élire une assemblée constituante et de la charger de réécrire la Charte fondamentale de la République. Non que les dits citoyennes et yens aient ressenti le besoin impérieux de réformer les institutions genevoises : ils ont seulement pris acte de ce que ce besoin était impérieusement ressenti par d'autres (le groupe formé autour du professeur Andreas Auer), et n'ont vu aucune objection à laisser 80 personnes s'ébrouer dans une assemblée mandatée pour produire un texte qui de toute façon sera soumis au vote populaire -et que le vote populaire pourra donc renvoyer à ses auteurs. Tous les partis, et une palanquée de groupes s'affirmant non partisans et "issus de la société civile" (comme si les partis politiques étaient issus d'ailleurs -mais d'où ? de la cléricature religieuse ? de l'armée ?), présentent des listes à l'élection de la Constituante (le PS présente quarante candidates et candidats, dont un tiers ne sont pas membres du parti). Le 19 octobre, on saura de quoi et de qui la Constituante sera faite. Mais pas vraiment à quoi elle va servir. A réformer les institutions ou à lisser leurs règles de fonctionnement ? A étendre les droits politiques et sociaux ou à les conformer à un cadre juridique réputé "supérieur" (le cadre fédéral, tant qu'on ignore que ce cadre "supérieur" est lui-même soumis à un cadre encore plus "supérieur" : les grands textes du droit international) ?

La droite n'a pas fait mystère de ses intentions de réduire les engagements de la République au strict nécessaire -et le strict nécessaire, pour la droite, c'est toujours l'Etat gendarme, et rien que l'Etat gendarme, ne garantissant qu'un droit : celui à la propriété privée; l'extrême-droite, elle, mettait les pieds au mur -non que l'actuelle Constitution lui convienne, mais parce qu'elle craint une avancée des droits politiques pour les étrangers, et une avancée des droits sociaux pour tous; enfin, la "gauche de la gauche" (ou réputée telle, par elle-même) craignait, à l'inverse, une réduction des droits politiques et des droits sociaux. Quant au PS, il s'est avancé en faveur de la révision constitutionnelle, avec une "feuille de route" énonçant, sans les préciser, les grands axes de ses revendications (extension de droits politiques et sociaux, construction d'un espace politique régional, transfrontalier et démocratique, prise en compte des changements sociaux)...

Une Constitution, cela peut être un programme politique ou un constat notarial. Le programme politique dit où l'on veut aller, le constat notarial dit où on en est. L'exercice du constat est donc le plus aisé : il ne consiste après tout qu'à décrire l'état des choses. Mais dès lors que les ambitions constituantes s'élèvent au-dessus de celles de l'arpenteur institutionnel, les grands débats et les grands clivages surgissent, entre la gauche et la droite, à l'intérieur de la gauche et de la droite, et, transversalement, selon des lignes de front qui rompent l'opposition des camps politiques constitués : libertaires contre autoritaires, laïques contre confessionnels, libre-échangistes contre protectionnistes, autonomistes contre centralistes, internationalistes contre nationalistes, et j'en passe... De toutes ces lignes de fracture, celle qui devrait nous importer le plus est celle qui va opposer les forces qui veulent renforcer le champ du politique (et de la démocratie) face à l'économie et à la marchandise, d'une part. et les forces qui se satisfont pleinement (ou qui veulent l'étendre encore) de l'emprise du marché, d'autre part. La Constituante, ça pourrait être le champ (pas clos, puisque la joute se livre devant la Cité) de l'affrontement de la République et du Marché.

mercredi 24 septembre 2008

Souveraineté nationale et souveraineté populaire

La dilution de la " souveraineté nationale " par le développement d'institutions " supranationales " n'a rien en soi qui devrait nous inciter à le combattre par principe ; or des scrutins portant précisément sur l'adhésion à des entités supranationales, ou au renforcement de telles entités, ou sur l'abandon de tel ou tel attribut traditionnel de la souveraineté étatique, ont fait apparaître les opinions publiques des pays démocratiques, et au sein de ces opinions publiques, la gauche, comme étant profondément divisées, au point que l'on a pu évoquer avec quelque apparence de pertinence l'opposition de " deux Suisse ", de " deux France ", de " deux Irlande " ou de " deux Danemark " -bref, de deux " pays réels " dans un seul " pays légal ", un " pays réel " pour qui l'affirmation de soi implique la conjonction à l'autre et un " pays réel " pour qui cette affirmation nécessite la protection face à l'autre. Le débat n'est cependant pas si simple que l'on puisse le réduire à l'affrontement d'une logique d'ouverture et d'une logique d'enclosure (les oppositions au FMI, à la Banque Mondiale, à l'OMC ou au Forum de Davos ne sont pas des refus de l'ouverture au monde, mais des refus de la réduction de cette ouverture au libre-échange des marchandises et des capitaux). Mais il n'empêche : à chaque fois qu'ont été mis en cause des attributs traditionnels de la souveraineté des Etats, l'expression (par le vote) de la souveraineté populaire a exprimé un clivage profond et sans doute irréductible, entre celles et ceux pour qui la souveraineté populaire a tout à gagner à la dilution de la souveraineté étatique, et celles et ceux pour qui la souveraineté étatique est garante de la souveraineté populaire. Il ne nous paraît pas que la dilution de la souveraineté étatique soit une dilution de la souveraineté populaire ; au contraire, il nous semble qu'elle peut être l'occasion de son renforcement, que moins d'Etat puisse signifier plus de République et plus de Commune, c'est-à-dire plus de citoyenneté.

mardi 2 septembre 2008

Nouvelle Constitution : les propositions

"Nul n’est tenu de respecter une décision prise en violation de la souveraineté populaire"

"La langue officielle de la République est le français. Seul le texte français de tout acte public fait foi. Aucun acte public n’est valide s’il n’a été communiqué en français par et à qui de droit."

"Les droits politiques, civils et sociaux garantis par la Constitution sont justiciables. Toute personne se voyant privée de l’un ou l’autre de ces droits est en droit de demander à la collectivité publique de lui en assurer le respect."

" Les droits politiques, civils et sociaux garantis par la Constitution sont justiciables. Toute personne se voyant privée de l’un ou l’autre de ces droits est en droit de demander à la collectivité publique de lui en assurer le respect."

" Principe de paix
a. La République fait prévaloir la paix et la justice dans ses actes, et
soutient la prévention des conflits sur son territoire et à l’extérieur.
Elle développe, promeut, soutient et approfondit une culture de paix,
généralise l’éducation à la paix, à la résolution non-violente des
conflits et à la communication non-violente, promeut et soutient
financièrement la recherche dans le domaine de la paix.
b. La République ne se reconnaît ni le droit de faire la guerre, ni
celui de participer aux guerres d’autrui. Elle ne constitue ni
n’entretient de force armée permanente, et ne participe à la
constitution ni à l’entretien d’aucune force armée permanente.
c. Nul citoyen ne peut être tenu d’accomplir un service militaire ou policier armé."


"Droit à la vie, la liberté, la sûreté et l’intégrité
a. Toute personne a droit dès la naissance à la vie, la liberté , la
sûreté et l’intégrité physique et mentale.
b. Nul ne peut être condamné à la peine de mort ni exécuté ni remis aux
autorités d’un Etat où sa condamnation à mort a été prononcée ou
pourrait l’être. Les autorités de la République ont le devoir se
s’opposer à toute remise d’une personne condamnée à mort ou risquant de
l’être aux autorités d’un Etat prévoyant la peine de mort.
c. Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitement
inhumains ou dégradants, ou expulsé vers un pays où il risquerait de l’être.
d. Nul ne peut être tenu en esclavage ou en servitude, ou expulsé vers
un pays où il risquerait de l’être.
e. Le consentement libre et éclairé de la personne doit être respecté
dans le cadre de la médecine et de la biologie, tant des soins que de la
recherche.
f. Toute pratique eugénique est prohibée.
g. Toute pratique tendant à faire du corps humain, de ses parties et de
ses constituants génétiques une source de profit est prohibée.
h. Toute pratique de clonage reproductif des êtres humains est prohibée.
i. Toute pratique tendant à priver une personne civilement majeure du
droit de mettre fin à sa propre vie est prohibée."

"Droit d’asile
a. Toute personne persécutée dans son pays a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile auprès de la République.
b. Le droit d’asile ne peut être invoqué en cas de poursuites exercées par un Etat de droit et fondées sur des agissements contraires aux droits fondamentaux proclamés par la présente Constitution et par les textes internationaux auxquels elle se réfère.
c. Aucune autorité, instance ou force de la République ne doit concourir à l’expulsion vers un pays où elle court un risque sérieux de mort, de torture ou de traitement in humain ou dégradant, d’une personne ayant sollicité l’asile de la République."

"Droit au choix du mode de vie
a. Toute personne civilement majeure a le droit de choisir son mode de
vie et d’en changer.
b. Toute personne civilement majeure a le droit de contracter et de
rompre mariage ou partenariat, librement, avec toute autre personne
civilement majeure, sans distinction de sexe. Nulle personne, civilement
majeure ou mineure, ne peut être contrainte au mariage ou au
partenariat, ni à leur dissolution.
c. Les époux et partenaires ont des droits égaux dans le mariage ou le
partenariat, et leur dissolution."

"Droit à la justice
a. Nul ne peut être arbitrairement arrêté, condamné, détenu ou expulsé
du territoire de la République.
b. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement
et publiquement par un tribunal civil, indépendant et impartial.
c. La justice militaire est abolie."

"Droit à la vie privée
a. Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa
famille, son domicile ou sa correspondance et ses communications, ni
d’atteintes à son honneur et à sa réputation.
b. Toute personne a droit à la protection des données à caractère
personnel la concernant. Toute personne a droit à connaître les données
la concernant et dont autrui dispose, et le cas échéant d’obtenir
rectification de ces données."

"Liberté de circulation et d’établissement
a. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa
résidence à l’intérieur du territoire de la République.
b. La liberté de circulation n’implique pas la liberté absolue du choix
du mode de transport. La loi établit les limites de ce choix.
c. Toute personne a le droit de quitter la République et d’y revenir."

"Droit à la propriété
a. Toute personne physique ou morale a droit à la propriété des biens dont elle a l’usage et qu’elle a acquis légalement.
b. La loi détermine les limites du droit de propriété de biens, notamment fonciers et immobiliers, dont le propriétaire potentiel n’a pas l’usage.
c. Toute personne physique a droit à la propriété des créations intellectuelles dont elle est l’auteur."

"Droit à l’insoumission
a. Nul n’est tenu d’obéir à un ordre contraire à la loi.
b. Quand une autorité viole un droit individuel ou collectif
fondamental, l’insoumission individuelle ou collective est elle-même un
droit fondamental."

"Libertés de pensée, de conscience et de religion
a. Toute personne dispose de la liberté de pensée, de conscience, de conviction et de religion.
b. Toute personne dispose de la liberté de changer de religion ou de conviction.
c. Toute personne dispose de la liberté d’exprimer sa pensée, sa conviction ou sa religion, seule ou en commun, en public ou en privé.
d. Nul ne peut être tenu de déclarer ses convictions religieuses ou philosophiques pour pouvoir exercer un droit ou bénéficier d’une prestation.
e. Nul ne peut imposer ses convictions relieuses ou philosophiques à autrui."

"Droit à l’éducation
a. Toute personne a droit à l’éducation. La République assure
l’éducation et la formation gratuites, laïques et obligatoires jusqu’à
l’âge de la majorité civile.
b. Toute personne a droit à un enseignement technique et professionnel,
aux études supérieures et à la formation professionnelle et continue. La
République assure l’égalité de l’accès à l’éducation et à la formation
non obligatoire.
c. La République, les communes et leurs services et entreprises ne
subventionnent aucune école privée."

"Droits civiques et politiques
a. Toute personne a le droit de prendre part à la direction et la
gestion des affaires publiques de la République, soit directement, soit
par l’intermédiaire de représentants librement choisis.
b. Toute personne habitant sur le territoire de la politique a le droit
de pétition devant le Grand Conseil et le Conseil municipal de sa
commune. Le Grand Conseil ou le Conseil municipal ne peut refuser de
recevoir et d’examiner une pétition.
c. Toute loi adoptée par le Grand Conseil est susceptible d’être soumise
à référendum sur demande de 5000 personnes disposant du droit de vote au
plan cantonal. Le référendum doit être demandé dans un délai de 40 jours
après la publication de la loi. La demande de référendum peut contenir
une proposition alternative à celle qu’elle demande de soumettre au vote
populaire. En ce cas, la proposition des référendaires est opposée au
projet contre lequel la demande de référendum a été lancée. La
proposition qui obtient le plus de suffrages est adoptée pour autant
qu’elle ait obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés.
d. Toute proposition adoptée par le Grand Conseil de modification de la
Constitution est obligatoirement soumise à référendum.
e. Toute loi impliquant une restriction de l’exercice d’une liberté
fondamentale ou d’un droit fondamental est soumise à référendum
obligatoire.
f. Tout arrêté adopté par un Conseil municipal est soumis à référendum
sur demande de 5 % des personnes disposant du droit de vote dans la
commune. Le référendum doit être demandé dans un délai de 40 jours après
la publication de l’arrêté. La demande de référendum peut contenir une
proposition alternative à celle qu’elle demande de soumettre au vote
populaire. En ce cas, la proposition des référendaires est opposée au
projet contre lequel la demande de référendum a été lancée. La
proposition qui obtient le plus de suffrages est adoptée pour autant
qu’elle ait obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés.
Aucune clause d’urgence ou d’exception ne peut soustraire une loi ou un
arrêté au référendum populaire, obligatoire ou facultatif."

"Droits syndicaux et droits des travailleurs
a. Toute personne a le droit de fonder avec d’autres un syndicat, de s’affilier à un syndicat, de soutenir les actions d’un syndicat et d’y participer, pour la défense de ses intérêts, l’amélioration de ses rapports de travail, la défense et l’élargissement de ses droits.
b. Nul ne peut être sanctionné de quelque manière que ce soit pour son affiliation, ses activités ou ses responsabilités syndicales. Toute entrave à la mise en oeuvre des droits syndicaux est punie par la loi, ses effets annulés et une réparation ordonnée.
c. Le droit de grève et de débrayage est garanti."

Salaire minimum, égalité des salaires
a. Quiconque travaille pour autrui a droit à une rémunération égale au moins à un minimum fixé par la loi après concertation des partenaires sociaux, et ne pouvant être inférieure à 75 % du plus bas salaire prévu par l’échelle des traitements de la fonction publique cantonale. Cette rémunération minimale est applicable à l’ensemble des secteurs, branches et professions et est régulièrement adaptée à l’évolution du coût de la vie et à celle des besoins sociaux.. Les personnes en apprentissage ne peuvent recevoir une rémunération inférieure au tiers du salaire minimum.
b. Toutes et tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail de même nature et de durée égale.

"Revenu minimum
a. Toute personne a droit à un revenu permettant la couverture de ses besoins essentiels, soit le logement, l’alimentation, l’habillement, les soins médicaux et les déplacements. La République assure à toute personne dont le revenu n’atteint pas le niveau du revenu minimum le versement de la différence entre son revenu réel et le revenu minimum. La loi règle les modalités.
b. Le montant du revenu minimum est fixé par la loi et doit être au moins égal à 75 % de celui du salaire minimum."

"Droit au travail
a. Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail et de sa profession, à des conditions équitables de rémunération de son
travail et à la protection contre le chômage et l’incapacité de travail.
Ces droits sont reconnus et s’exercent sans discrimination de nationalité.
b. Tout licenciement doit être motivé, et être susceptible de recours.
c. Toute personne, sans discrimination de nationalité,. a droit à
accéder à un service public gratuit de placement professionnel.
d. Nul ne peut être contraint au travail.
e. Le travail des enfants est interdit. Nul ne peut être mis au travail avant l’âge où cesse l’obligation de scolarité.
f. Les personnes mineures ne peuvent être mises au travail ni de nuit, ni les jours fériés, ni plus de trois jours consécutifs par semaine, ni plus de neuf mois consécutifs par an."

"Conseil général
a. Le Conseil général est le pouvoir suprême de la République et des communes. Il est formé de toutes les personnes civilement majeures résidant sur le territoire de la République, respectivement de la commune, ainsi que des citoyennes et citoyens de la République résidant à l'étranger et des personnes à qui la République a accordé une citoyenneté d'honneur.
b. Le Conseil général élit et révoque au suffrage universel direct le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif, les conseils municipaux et administratifs, le pouvoir judiciaire et la Cour des comptes. Il se prononce sur tous les changements apportés à la Constitution et sur toutes les propositions qui lui sont soumises par référendum populaire obligatoire ou facultatif, ou par initiative populaire."

"Grand Conseil
a. Le parlement de la République est un Grand Conseil de 100 membres, élus par le Conseil général pour un mandat de quatre ans au scrutin proportionnel de liste, sans apparentement, avec un quorum de 3 % et répartition des restes.
b. Sont éligibles au Grand Conseil les personnes civilement majeures résidant sur le territoire de la République.
c. Nul ne peut être candidat au Grand Conseil pour un quatrième mandat entier consécutif.
d. Le Grand Conseil peut, dès la deuxième année de son mandat, être dissout pour réélection intégrale dans les trois mois, si la majorité des électrices et électeurs le demandent, sur proposition d’une initiative populaire cantonale.
e. Le Grand Conseil ne peut délibérer valablement que si la moitié au moins de ses membres sont présents. Ses séances sont publiques.
f. Les députées et députés au Grand Conseil jouissent de l’immunité pour ce qui relève de leur action et de leur fonction de parlementaires.
g. Le Grand Conseil exerce le pouvoir législatif. Il adopte, amende ou rejette les projets qui lui sont présentés par le Conseil d’Etat, par les députés ou par motions populaires. Il propose les lois et rend des décrets sur
1. la législation civile et pénale ;
2. les mesures de sûreté et de sécurité publiques ;
3. les droits fondamentaux ;
4. l’administration générale des dépenses et revenus de la République. Il vote les impôts, décrète les dépenses et les emprunts, reçoit et arrête les comptes de la République.
5. les biens de la République ;
6. la nature, le montant et la perception des contributions fiscales ;
7. l’organisation et l’aménagement du territoire de la République ;
8. l’instruction publique, la formation professionnelle et la culture ;
9. la sécurité et les prestations sociales.
Le Grand Conseil exerce le droit de grâce et accorde les amnisties particulières, partielles ou générales.
Le Grand Conseil ratifie les traités.
h. Les arrêtés précisent et appliquent les lois. Ils ne peuvent avoir une durée de validité supérieure à quatre ans. Ils sont soumis à référendum facultatif, sauf s’ils sont munis sur décision du Grand Conseil d’une clause d’urgence. En ce cas, leur validité est limitée à la période qui sépare leur adoption de l’élection générale du Grand Conseil.
i. Tout projet de délibération soumis au Grand Conseil doit être rendu public sous une forme et par des moyens permettant à toute la population d’en prendre connaissance, avant d’être soumis à discussion au sein du plénum.
j. Le Grand Conseil tient chaque trimestre une séance plénière dans une commune de la République, autre que la Ville de Genève, et par tournus entre les communes."

Conseil d'Etat
a. Le gouvernement de la République est un Conseil d'Etat de neuf membres, élus par le Conseil général pour un mandat de quatre ans au scrutin majoritaire plurinominal à deux tours avec exigence de la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, et de la majorité relative des suffrages exprimés au second tour.
b. Sont éligibles au Conseil d'Etat les électrices et électeurs civilement majeurs de nationalité suisse, résidant sur le territoire de la République.
c. Nul ne peut être candidat au Conseil d'Etat pour un quatrième mandat entier consécutif.
d. Le Conseil d'Etat peut, dès la deuxième année de son mandat, être dissout pour réélection intégrale dans les trois mois, si la majorité des électrices et électeurs le demandent, sur proposition d'une initiative populaire cantonale.
e. Le-la président-e et le-la vice-président-e du Conseil d'Etat sont nommés pour une année par le Conseil d'Etat. Ils sont rééligibles annuellement pour d'autres mandats annuels consécutifs, sous condition d'approbation par le Grand Conseil.
f. La charge de Conseiller d'Etat est incompatible avec tout mandat d'administrateur dans une société privée en relations d'affaires avec l'Etat.
g. Le Conseil d'Etat est chargé de la direction et de la surveillance de l'administration publique, de l'exécution des lois et de l'exécution des décisions du Grand Conseil et du Conseil Général. Il nomme et révoque les hauts fonctionnaires et les dirigeants des services publics et des entreprises publiques.

Exécutifs municipaux
a. L'administration des communes est confiée à un Conseil administratif de trois membres, respectivement de cinq membres en Ville de Genève, élus par les membres du Conseil général résidant sur le territoire de la commune, pour un mandat de quatre ans au scrutin majoritaire plurinominal à deux tours avec exigence de la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, et de la majorité relative des suffrages exprimés au second tour.
b. Sont éligibles au Conseil administratif les électrices et électeurs civilement majeurs de nationalité suisse, résidant sur le territoire de la commune.
c. Nul ne peut être candidat au Conseil administratif pour un quatrième mandat entier consécutif.
d. Le Conseil administratif peut, dès la deuxième année de son mandat, être dissout pour réélection intégrale dans les trois mois, si la majorité des électrices et électeurs le demandent, sur proposition d’une initiative populaire municipale.
e. La charge de Conseiller administratif est incompatible avec tout mandat d’administrateur dans une société privée en relations d’affaires avec la commune.
f. Le Conseil administratif est présidé par le ou la Maire. Le ou la Maire et son-sa premier-ère adjoint-e sont désignés pour une année par le Conseil administratif. Ils sont rééligible annuellement pour d’autres mandats annuels consécutifs, sous condition d’approbation par le Conseil municipal."

Conseils municipaux
a. L’instance délibérative des communes est le Conseil municipal. Il est composé de 12 membres pour les communes de moins de 1000 habitants, de 20 membres pour les communes de 1000 à 4999 habitants, de 28 membres pour les communes de 5000 à 9’999 habitants, de 36 membres pour les communes de plus de 10'000 habitants et de 80 membres pour la Ville de Genève.
b. Le Conseil municipal est élu par les membres du Conseil général résidant sur le territoire de la commune, pour un mandat de quatre ans au scrutin proportionnel de liste, sans apparentement, avec un quorum équivalent à l'obtention de trois sièges, et répartition des restes.
c. Sont éligibles au Conseil municipal personnes civilement majeures résidant sur le territoire de la commune.
d. Nul ne peut être candidat au Conseil municipal pour un quatrième mandat entier consécutif.
e. Le Conseil municipal peut, dès la deuxième année de son mandat, être dissout pour réélection intégrale dans les trois mois, si la majorité des électrices et électeurs le demandent, sur proposition d’une initiative populaire municipale.
f. Le Conseil municipal ne peut délibérer valablement que si la moitié au moins de ses membres sont présents. Ses séances sont publiques.
g. Les membres du Conseil municipal jouissent de l’immunité pour ce qui relève de leur action et de leur fonction de Conseillers municipaux.
h. Le Conseil municipal rend des arrêtés sur toutes mesures concernant des domaines de compétence municipale, notamment sur
1. les mesures de sûreté et de sécurité publiques sur le territoire de la commune ;
2. l’administration générale des dépenses et revenus de la commune ;
3. les biens de la commune ;
4. la nature, le montant et la perception des contributions fiscales municipales ;
5. l’organisation et l’aménagement du territoire et des voies de circulation de la commune.
i. Tout projet de délibération soumis au Conseil municipal doit être rendu public sous une forme et par des moyens permettant à toute la population d’en prendre connaissance, avant d’être soumis à discussion au sein du plénum.

Commission genevoise des droits fondamentaux
a. Une commission indépendante est instituée, chargée d’établir et de rendre publique tous les deux ans une évaluation du respect des droits proclamés par la Constitution, et de faire toute proposition utile pour étendre et renforcer ce respect.
b. La Commission peut en outre être saisie par toute personne habitant sur le territoire de la République, tout organe ou service de la République ou des communes de cas de violation avérée ou supposée des droits proclamés par la Constitution. Elle peut également s’en autosaisir.
c. La Commission peut saisir la Justice des cas de violation des droits proclamés par la Constitution.
d. La Commission détermine quelle loi restreignant un droit fondamental doit être soumise au référendum obligatoire, selon l’importance de la restriction opérée.
e. La composition de la commission est déterminée par la loi.

Médiation de la République
a. Une Médiation de la République est instituée. Elle reçoit, enquête et fait rapport sur toute plainte relative au fonctionnement des institutions, organes, services publics et entreprises publiques de la République et des communes.
b. La médiation de la République est nommée par le Grand Conseil. Elle ne peut exercer de fonction élective publique. Elle exerce ses fonctions en toute indépendance.
c. La Médiation de la République peut être saisie par toute personne physique ou morale habitant ou ayant son siège sur le territoire de la République.

Culture
a. La République mène une politique culturelle soutenant la création et sa représentation, favorisant l’accès aux lieux et modes de représentation de la création culturelle, encourageant la diversité des formes et contenus de la création culturelle et la sauvegarde du patrimoine culturel. Elle se dote des instruments légaux et des moyens financiers et structurels nécessaires. Elle affecte au moins 1 % de son budget de fonctionnement à l’action culturelle.
b. La République coordonne l’action culturelle, en étroite collaboration avec l’ensemble des communes. Elle établit à cette fin une Commission culturelle permanente, réunissant les représentants de toutes les collectivités publiques de la région, y compris celles sises hors du territoire de la République, ainsi que des représentants des artistes, créateurs et acteurs culturels.
c. Un fonds de financement des grandes institutions culturelles existantes et à créer est institué. Il est alimenté par les contributions de la République et de chaque commune. Ces contributions sont fixées en fonction de la capacité financière des communes et tempérées en fonction de leurs dépenses en matière culturelle.
d. La République assure financièrement la pérennité des grandes institutions culturelles, notamment par la prise en charge des subventions d’exploitation qui leur sont accordées. Elle garantit la représentation des artistes et acteurs culturels dans les instances de décision de ces institutions. Elles est représentée dans ces instances.
e. La République et les communes assurent la plus large gratuité possible de l’accès à l’offre culturelle.
f. La République assure un enseignement artistique dans la totalité du cursus scolaire obligatoire.
g. Les communes soutiennent matériellement les lieux, les associations et les moments d’expression culturelle et artistiques des populations immigrées.
h. La République assure aux artistes et acteurs culturels la protection sociale garantie à tous les travailleurs et tous les actifs, et se dote des instruments et des moyens nécessaires.
i. La République et les communes affectent à des espaces culturels utilisables comme lieux de travail, de production, de représentation ou d’exposition, une part minimale du volume de tout projet d’aménagement important, et d’espace des plans d’utilisation des sols.

Parité des genres
Toutes les listes plurinominales présentées à des élections au suffrage universel doivent respecter le principe de la parité des genres à une personne près, les nombres respectifs de femmes candidats et d’hommes candidats ne pouvant donc différer de plus d’une unité.

Incompatibilités et limitation des mandats
a. Les mandats soumis à élection populaire sont incompatibles entre eux. Nul ne peut exercer en même temps plus d'un mandat électif public.
b. Nul ne peut exercer sans interruption dans la même fonction plus de trois mandats consécutifs soumis à élection populaire.
c. Les fonctions de Chancelier d'Etat et de dirigeant de services publics et d'entreprises publiques sont incompatibles avec un mandat soumis à élection populaire.

" Elections complémentaires
a. En cas de non acceptation du mandat, d’annulation de l’élection d’une
personne candidate, de démission, de départ hors de l’espace de
résidence prescrit pour pouvoir être élu ou de décès, d’une personne
élue à une fonction pourvue au scrutin majoritaire, une élection
complémentaire est organisée selon le même mode de scrutin que
l’élection normale, et dans les plus brefs délais, à moins que
l’élection générale ait lieu dans les six mois

Exclusion des élections générales tacites
a. Les élections générales tacites sont exclues. Si lors d’une élection
générale au Conseil d’Etat, au Grand Conseil, au Conseil administratif,
au Conseil municipal ou au pouvoir judiciaire, le nombre de candidatures
ne dépasse pas le nombre de postes à pourvoir, l’élection est reportée
de trois mois et toute personne éligible est réputée candidate, sauf
déclaration écrite, explicite et préalable de sa part."

vendredi 29 août 2008

Le lien politique : adhésion ou contrat ?

Ce qui est en cause dans tout débat sur la réforme des institutions politiques est la nature du lien ou du contrat politiques, et l'identité de qui le tisse ou le conclut. Qui est le Souverain ? Sur quoi s'exerce sa souveraineté ? Le choix se fait entre l'adhésion et le contrat : l'adhésion qui se fait à ce qui déjà existe, et le contrat qui créée ce qui sans lui n'existerait pas, et avant lui n'existe pas. De la nature de ce choix découle la nature du lien politique, le type d'institutions matérialisant ce lien, l'étendue des droits et des libertés des individus formant le corps politique. Nos institutions, comme celles de toutes les démocraties contemporaines, nous viennent d'un temps où la confusion de l'adhésion et du contrat aboutissait à l'identification de la Nation et de l'Etat là où la nation existait déjà, ou à la création volontariste d'une nation encore inexistante par un Etat né d'une autre source que d'une réalité nationale (de l'intérêt des puissances voisines, par exemple, ou du refus de communautés culturelles, sociales, économies, d'être parties prenantes d'un Etat créé par d'autres).
L'adhésion ou le contrat fondent des rapports très différents aux institutions politiques, et au corps politique lui-même -deux types idéaux qui sont un peu l'un à l'autre ce que la communauté est à la société, ou la détermination à l'autonomie. Là où l'adhésion entraîne l'appartenance, le contrat établit un rapport d'autonomie ; quand l'appartenance fonde une communauté ou une nation, le contrat crée une république. Ainsi est-on membre de ce à quoi l'on adhère, et sujet du pouvoir qui y règne, quand on est citoyen de ce que l'on a créé par contrat : le sujet est un composant du corps politique, le citoyen constitue ce corps. Il s'agit bien de deux logiques différentes, contradictoires : dans le première, l'individu n'est rien sans ce à quoi il adhère, nation ou tribu ; il n'est " quelque chose " politiquement que par ce dont il est membre. Sa liberté, ses droits, son identité politique lui sont octroyés en échange de son adhésion, et sont le prix du lien qu'est cette adhésion. En revanche, la logique du contrat est d'autonomie individuelle et collective : l'individu est fondateur d'un ordre politique dont il reste, pour tout ce qui le concerne, le maître, comme il est maître de son association aux autres ; il est seul juge de son propre respect des termes du contrat qu'il a passé, qu'il peut renégocier ou rompre. On reconnaît certes ici la différence entre des régimes politiques fondés sur le principe de soumission et des régimes politiques fondés sur le principe d'autonomie, mais plus profondément encore, à l'intérieur même des normes formelles de la démocratie et des régimes qui s'y réfèrent, une contradiction radicale entre la nation et la cité : l'apparente submersion historique de la seconde par la première, depuis plus de deux siècles, n'a rien résolu de cette contradiction, pas plus que la " supranationalité " continente (l'Union Européenne), mondiale (l'ONU) ou économique (l'ordre marchand et financier) n'a est le dépassement. Nous sommes toujours confrontés à la nécessité d'un choix entre deux conception antagoniques du politique, et donc des institutions : celle qui privilégie l'appartenance, et celle qui privilégie l'autonomie. Nous choisissons la seconde, mais nous savons vivre dans un monde bâti sur la première, cela seul suffisant à justifier la volonté de le changer -et d'en changer les institutions.