samedi 5 mars 2011

Consultation sur l'avant-projet de nouvelle constitution genevoise : Une Constitution ou un travail de séminaire ?

La Constituante ayant consenti à demander leur avis aux citoyennes et citoyens avant de leur balancer un projet de nouvelle constitution, son avant-projet est soumis à consultation jusqu'au 25 mars. Elle fera du résultat de cette consultation ce qu'elle veut, le peuple faisant lui-même du projet final ce qu'il voudra. Autant dire que si l'exercice consultatif n'est pas décisif, ni, compte tenu d'une certaine platitude du texte, franchement jouissif, on ne perd pas grand chose, sinon un peu de temps, à y participer... On attendait une nouvelle constitution ? On doit pour l'instant se contenter d'un travail de séminaire de droit constitutionnel. Qu'on nous demande de noter. Bah, pourquoi pas ?
(les documents utiles sont disponibles sur http://www.ge.ch/constituante, et on peut répondre en ligne à la consultation sur http://www.link.ch/constituante).

Quand deux impuissances se font face

Après deux ans de travaux, la constituante présente un bilan intermédiaire : son avant-projet de constitution. Et au terme de ces deux ans de travaux, deux impuissances se font face : celle de la droite à imposer son projet aux citoyennes et citoyens, celle de la gauche, à faire accepter son projet à la constituante. La consultation en cours pourrait bien n'être que la médication de ces impuissances, le moyen, pour la droite comme pour la gauche, de trouver une porte de sortie honorable afin de présenter, finalement, un texte acceptable par une majorité de celles et ceux à qui il sera soumis au vote populaire. L'avant projet de nouvelle constitution fait « bonne impression », juge « de prime abord » le chef du groupe groupe socialiste, Cyril Mizrahi qui y lit un texte « structuré et rédigé dans une langue moderne et claire». Certes, mais pour dire quoi ? Et à qui ? Même le très centriste Le Temps est frappé par le « côté raisonnable, peu inventif » de l'avant-projet, à quelques lignes (ainsi du droit à la résistance face à des violations des libertés fondamentales), quelques gadgets (les députés suppléants, la législature quinquennale, la présidence du gouvernement pendant ces 5 ans, les districts) et quelques prudentes ouvertures (la région, le salaire parental, la laïcité) près. Reste qu'en l'état, aucun groupe de la constituante ne soutient la totalité du texte, et les quelques apports de gauche que la droite a laissé passer (l'éligibilité municipale des étrangers) n'équilibrent de loin pas les recul et les silences qu'elle a imposés, sur le droit aux moyens de vivre, sur le droit au logement, sur l'interdiction des centrales nucléaires, sur les droits politiques des fonctionnaires, sur les freins à la spéculation immobilière, sur le « frein à l'endettement », sur l'égalité des droits entre femmes et hommes, sur les établissements publics, sur la Banque cantonale). La gauche menace donc de rejeter un texte « régressif en matière écologique et sociale», un texte « aux lacunes criantes et aux régressions inacceptables », et la droite traditionnelle (mais pas l'UDC ni le MCG, qui y trouvent d'autres motifs de rejet) de rejeter un texte final qui maintiendrait les quelques avancées que contient l'avant-projet en ce qui concerne les droits démocratiques (avancées pourtant compensées, si l'on peut en écrire ainsi, par des reculs). Mais qu'aurait-on à perdre à un refus ? Si le projet de la constituante est refusé, Genève ne se retrouvera pas sans constitution : la République gardera sa constitution actuelle. Le choix est donc simple : ou bien le projet représente une avancée par rapport au statu quo (en termes de droits politiques, de droits sociaux, de fonctionnement des collectivités, des institutions et des entreprises publiques, d'ouverture à la réalité régionale), et on pourra le soutenir, ou bien il représente un recul par rapport à la constitution actuelle, et il faudra le combattre. Or le projet soumis à consultation est clairement, sur presque tous les enjeux qui importent, régressif. Il a beau être écrit dans une langue qui satisfait les juristes, ce que cette langue exprime nous est, pour l'instant, inacceptable.