jeudi 1 août 2013

Dansons la Carmagnole !







Révision globale de la Constitution genevoise : DANSONS LA CARMAGNOLE !


"Je suis en république, et pour roi j'ai moi-même"
(Victor Hugo)

"Et  qui devient Seigneur d'une cité accoutumée à vivre libre et ne la
détruit point, qu'il s'attende d'être détruit par elle, parce qu'elle a
toujours pour refuge en ses rébellions le nom de la liberté et ses
vieilles coutumes, lesquelles ni par la longueur du temps, ni pour aucun
 bienfait ne s'oublieront jamais. Et pour chose qu'on y fasse ou qu'on y
 pourvoie, si ce n'est d'en chasser ou d'en disperser les habitants, ils
 n'oublieront point ce nom ni ces coutumes".
(Nicolas Machiavel)


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le "Club des  Montagnards Sentinelles de la liberté, séants à Genève",
 Club créé en  1794 à Genève pour faire la révolution, et ayant
contribué d'ailleurs à  la faire, et recréé 214 ans plus tard pour la
refaire. Et contribuer  autant que faire se peut à empêcher la
Constituante de dormir.

Une nouvelle Constitution pour Genève ? Chiche ! Le texte complet de nos propositions peut être téléchargé (au format *.pdf) sur www.perso.ch/troubles/constitution.pdf>






AVERTISSEMENT
Compte tenu des heures, franchement nocturnes, qui sont celles de la rédaction
 de ce blog, de la possible consommation de substances psychotropes par
le rédacteur avant la rédaction, et de l'obsolescence du matériel
informatique dont il s'obstine à faire usage, il est inévitable que les
textes qui suivent soient émaillés de fautes de frappes, d'inattention,
d'orthographe, de grammaire et de syntaxe. Le rédacteur prie le lecteur,
 et plus encore la lectrice, de bien vouloir l'en excuser. Et de l'en
excuser durablement, vu qu'il n'a aucune intention de se plier bêtement
aux rythmes circadiens communs, ni de signer la temponne, ni de changer
de matériel informatique avant que le sien n'ait définitivement cessé de
 faire semblant de fonctionner.



















Elle est née, la nouvelle constitution genevoise...

Le changement,  c'est pas maintenant...

Depuis le 1er juin, Genève a une nouvelle constitution, mollement acceptée le 14 octobre dernier par la petite part du peuple qui consentit à choisir entre le texte proposé par l'Assemblée constituante et le texte alors en vigueur. Ou pour, comme nous le suggérions, voter blanc, l'ancienne et la nouvelle constitution, ne méritant ni l'une, ni l'autre, notre soutien.  Cette nouvelle constitution,  il faudra attendre encore cinq ans pour qu'elle puisse déployer ses effets, même si les Verts la proclament déjà  « la Constitution la plus écologiste de Suisse » (en oubliant au passage qu'elle a repris de l'ancienne charte la proclamation absurde de la  « liberté de choix du mode de transport »...), et on ne sait même pas quel ordre de priorités le Conseil d'Etat, chargé de la traduire en projets de lois, va donner à ce chantier qui va occuper pendant toute une législature le Grand Conseil élu cet automne, et qui devra adapter 287 lois et 448 règlements à la nouvelle donne constitutionnelle, quelques référendums n'étant pas exclus si les modifications proposées sont contestées.


Faire croire qu'on va tout changer pour que rien ne change ?

Genève a donc depuis deux mois une nouvelle constitution cantonale. Elle va changer quelques habitudes, elle ne changera évidemment pas le système politique. Elle ne pouvait d'ailleurs le faire, corsetée qu'elle était à la fois par le droit supérieur, fédéral, et par les rapports de force à l'intérieur de l'assemblée constituante. Un esprit plus chagrin que le nôtre en dirait que ce fut « beaucoup de bruit pour rien ». Ou du moins pour pas grand'chose. On se contentera d'en dire ce que Tancrède disait au prince de Salina : il faut faire croire qu'on va tout changer pour que rien ne change.
Car en effet, au-delà de la cosmétique institutionnelle, cette nouvelle constitution ne va pas changer au cadre politique genevois.. Le « corps électoral » n'a pas changé : les étrangers n'ont toujours pas de droits politiques au niveau cantonal, l'âge de la majorité politique n'a pas été abaissé, la parité des genres sur les listes électorales relève toujours du bon ou mauvais plaisir des partis, l'exclusion, par le quorum, de milliers de citoyennes et citoyens de toute représentation parlementaire subsiste... quelques modifications vont cependant s'imposer aux acteurs politiques de la République : les mandats parlementaires et exécutifs cantonaux et communaux passent de quatre à cinq ans, le Conseil d'Etat et les Conseils administratifs seront désormais élus avec l'exigence d'une majorité absolue au premier tour, des député-e-s suppléant-e-s vont pouvoir remplacer les titulaires pendant leurs absences et le nombre de signatures exigibles pour les référendums et initiatives populaires sera désormais fixé en proportion du corps électoral. C'est le « pas grand chose » du changement... Quant aux droits fondamentaux, plus nombreux à être proclamés, si le nouveau texte les pose comme références, il n'impose (encore) rien à l'Etat en ce qui concerne leur concrétisation -et on doute encore qu'ils puissent être « opposables », c'est-à-dire utilisés pour saisir la justice de leur violation. Leur proclamation, cependant, ne peut être tenue pour inutile : à défaut de pouvoir s'en servir pour intenter des actions judiciaires, on peut s'en servir pour justifier des actions politiques et mettre les institutions de l'Etat devant leurs responsabilités, en même temps que les partis politiques qui ont appelé à approuver ce texte mais n'entendent pas concrétiser les droits qu'il proclame, devant leurs contradictions, leurs hypocrisies et leurs pusillanimités.
Et puis, il y a tous les sujets « chauds » sur lesquels les constituants ont délibérément choisi de faire l'impasse, rendant leur projet nettement moins intéressant pour le rendre moins clivant et désarmer quelques oppositions, tous ces sujets sortis par la porte et qui vont néanmoins rentrer par la fenêtre : ainsi des droits politiques des étrangers (les Verts ont déposé un projet de loi pour les accorder aux étrangers résidant en Suisse depuis plus de cinq ans) et de l'imposition sur le lieu de résidence seulement (là, c'est le Conseil d'Etat qui a déposé un projet, privant notamment la Ville de Genève d'au moins 113 millions de francs de recettes fiscales).

Bref, la nouvelle constitution, on va politiquement vivre avec, comme on avait vécu avec l'ancienne constitution. On aura à y ajouter ce qui y manque, à y changer ce qui doit l'être, à en extirper ce qui n'a rien à y faire, mais on va s'en servir comme on s'était servis de la précédente, on va utiliser ses dispositions comme on avait utilisé les dispositions de la défunte. On a changé d'instrument, pas de travail, ni d'objectifs. Et le nouvel instrument n'est ni meilleur, ni pire, que l'ancien. D'ailleurs, le Parti socialiste vient de l'inaugurer en lançant la première initiative populaire selon les nouvelles dispositions, et, comme lui, qui était favorable au changement de charte fondamentale, la « gauche de la gauche », qui y était plus que défavorable, qui y était totalement allergique, en usera comme elle avait usé de celle qu'elle avait cru bon de sanctifier, alors qu'elle ne le méritait guère. Entre les apologies extatiques des uns et les condamnations caricaturales des autres, va se dessiner le trait majeur de la nouvelle constitution genevoise : la continuité, non dans le « changement », mais, bien plus modestement, dans l'adaptation. On a donc rafraîchi le tableau, sans changer le cadre.
ça valait bien la peine de se faire pour si peu des procès respectifs en trahison et en archaïsme...

dimanche 18 novembre 2012

Constitution : Ne pas tourner la page, la réécrire !

Les lendemains d'hier ont certes été difficiles pour certains, et les rancœurs peinent peut-être encore à se dissiper, mais il n'est tout de même pas trop tôt pour essayer à la fois de comprendre ce qui s'est passé, pourquoi cela s'est passé, et ce qu'il convient de faire maintenant  - d'autant que dans le camp du « non de gauche » comme dans celui du « oui mais », ce qui prévaut désormais, au moins publiquement, est bien l'attitude qui convient :se remettre au travail, lancer les propositions qui intégreront dans la nouvelle constitution ce qui y manque, en expurgeront ce qui la dépare et y reformuleront ce qui mérite de l'être. Il s'agit donc moins de tourner la page que de la réécrire. En attendant, comme l'assassin, paraît-il, revient toujours sur les lieux de son crime, il convient que le traître revienne sur ceux de sa traîtrise, ne serait-ce que pour en savourer les quelques effets positifs (moins déterminants qu'espérés, mais tout de même... ). Et ce regard retrospectif posé, Judas pourra s'en aller se ressourcer sur une terre où règne un débat politique apaisé, serein, portant sur de grands enjeux rationnellement analysés et incitant à des actes militants porteurs d'espérance et d'alternative. En Corse, donc.

« Et maintenant, que vais-je faireuh... »


Résumons donc : ce qui nous a séparé du reste de la gauche, à la fois du PS et des Verts (pour autant que l'on puisse encore placer ces derniers à gauche) et de la « gauche de la gauche », mais également des syndicats ou de l'Avivo etc... tient en deux divergences : l'une sur la nature du scrutin, l'autre sur la nature du texte proposé et celle du texte qu'il devait remplacer. La nature du scrutin : formellement, on n'avait à se prononcer que sur un seul texte, celui issu de la Constituante. Et c'est sur ce seul texte que s'est arqueboutée la campagne de la gauche de la gauche. Or pour nous, il y avait deux textes en jeu, puisque celui proposé devait en remplacer un autre, et qu'on avait donc le choix entre les deux -celui en vigueur, la constitution de 1847 et ses 130 modifications, et celui en suspens, le projet de la constituante. La nature des textes, ensuite : pour les tenants du « non » de gauche, le texte de la constituante était si mauvais, si dangereux, si régressif, que tout devait être fait et dit pour qu'il soit rejeté; pour les tenants du « oui » de gauche, le texte en vigueur était si confus, si contradictoire, si obsolète, qu'il s'imposait de le renvoyer aux archives. Et pour nous, les deux textes étant, quoique inégalement, mauvais, il ne convenait d'en soutenir aucun -le seul moyen de le faire savoir étant d'appeler à voter blanc.

Notre objectif était double : arithmétique et politique. Arithmétiquement, il s'agissait de se glisser comme un coin entre le « oui » et le « non » pour faire en sorte que ni l'un, ni l'autre ne soit majoritaire sur l'ensemble des bulletins rentrés. Ce premier objectif n'a été atteint que dans trois grandes communes : Genève, Carouge et Lancy, et dans ces trois communes, où le « non » ne l'a emporté que de justesse, c'est le déplacement d'intentions de votes « oui » vers un vote blanc qui a permis au « non » de s'imposer. Dans les autres grandes communes (Vernier, Meyrin, Onex, trois bastions du MCG qui appelait à voter «non», et trois communes où la gauche de la gauche est inexistante) le « non » eut suffisamment d'avance pour que le vote blanc ait été inutile et indolore.
Politiquement, il s'agissait par le vote blanc de délégitimer les deux textes concurrents, en les renvoyant dos à dos, côte à côte ou face à face, en faisant montre d'un refus de soutenir l'un ou l'autre, faute de pouvoir les refuser les deux ensemble. Avec 2,1 % du total des bulletins rentrés, le vote blanc n'a certes pas été massif (comment aurait-il pu l'être, alors qu'il n'était recommandé que par la seule Jeunesse Socialiste ?), mais a tout de même pesé trois fois plus lourd qu'à l'habitude.

Genève se retrouve avec une nouvelle charte fondamentale, mollement acceptée le 14 octobre par un petit bout de l'électorat et un plus petit bout encore de la population, qui entrera en vigueur le 1er juin 2013, jour du 200e anniversaire du débarquement des rupestres au Port Noir. D'ici au 1er janvier 2014, le Conseil d'Etat soumettra au Grand Conseil un programme de révision de toute la législation actuelle pour la mettre en conformité avec la nouvelle constitution. Ce programme devra être réalisé le 1er juin 2018.  Les cinq ans à venir vont donc être politiquement passionnants, d'autant que non seulement toutes les nouvelles lois seront soumises à référendum, mais surtout que du camp des opposants défaits le 14 octobre, et du camp des partisans de gauche de la nouvelle constitution, vont sourdre de nombreuses initiatives destinées, les unes à rétablir dans la nouvelle constitution ce qui, venant de l'ancienne, le mérite, les autres à purger le nouveau texte des dispositions contestables qu'il contient, et d'autres encore à y intégrer les réformes qui ont été abandonnées en cours de route par la Constituante au nom de la nécessaire (?) « convergence » centriste nécessaire pour faire passer le texte en vote populaire : l'extension des droits politiques aux étrangers, par exemple. Parce que s'il a fallu raboter le texte pour qu'il passe par l'huis étroit d'un vote populaire dénué de tout enthousiasme, il y est finalement passé et peut être repris, et s'il va définir le cadre général dans lequel l'action politique légale va se situer, il va être modifié par cette action même, comme la constitution de 1847 le fut, plus de 130 fois en 165 ans.

Une constitution, ce n'est qu'un texte, et un texte qui n'a rien de sacré, ni de définitif, ni d'immuable. Un tel texte se travaille, se change, se complète. Bref, se transforme. Et ce sont bien toutes celles et tous ceux qui ne se satisfont pas de ce texte qui vont le reprendre. Toutes et tous, y compris nombre de celles et ceux qui l'ont voté faute de mieux, et toutes celles et tous ceux qui ont voté blanc parce qu'ils ne se contentaient pas de ce piètre avantage du neuf sur le vieux.

vendredi 16 novembre 2012

Genève : Molle adoption d'une constitution molle...

Et d'une ! (reste l'autre...)

Verre à moitié vide ou à moitié plein ? On pariait, ici, sur le rejet de la nouvelle constitution -pari perdu : elle a été acceptée. On pariait sur une abstention de l'ordre des deux tiers, pari gagné : on y est, largement. On voulait des votes blancs plus nombreux que la différence entre les « oui » et les « non », on y est en Ville de Genève mais pas au plan cantonal (où la proportion de votes blancs est tout de même trois fois supérieure à l'habituelle)... Il y avait deux constitutions auxquelles faire le sort qu'elles méritent : l'une était en vigueur, l'autre était proposée pour remplacer la première. On ne pouvait les refuser les deux, on devait en accepter ou en confirmer une, et refuser ou accepter l'autre. C'est fait : la constitution proposée a été acceptée, la constitution en place transférée aux archives et la dépouille de James Fazy enfin laissée à la paix des dépouilles.


On n'a pas sauvé le Palais Idéal du Facteur Cheval...


Dali avait inventé la montre molle, Genève a mollement inventé la constitution molle. Déception quand au projet soumis ? Indifférence au choix proposé ? Disons que le « paquet ficelé » qu'est forcément un projet de constitution n'a pas emballé grand monde -juste un peu plus que celui qu'il va remplacer. En 2003, les Vaudois avaient approuvé leur nouvelle constitution avec une participation de 44,4 %, neuf ans après, les Genevois acceptent la leur avec une participation de treize points inférieure. Il est vrai qu'en 2008, ce ne fut qu'avec une participation de 33 % que la Constituante genevois fut élue  : le résultat des travaux de la constituante n'a donc pas plus intéressé que son élection. Qui est allé voter ? La base militante et les élu-e-s des partis, les militant-e-s et les cadres des associations et des mouvements qui ont fait campagne (ou au nom desquelles leurs directions ont fait campagne), sans doute. Et puis ? Et puis, pas grand monde, notamment dans les quartiers populaires (les bastions du « non »). Et on ne peut, par définition, rien dire de l'abstention, sinon qu'elle ne dit rien par elle-même et qu'elle laisse donc les autres dire à sa place. C'est la différence avec le vote blanc que nous recommandions, voire avec le vote nul quand il n'est pas le fruit d'une erreur : les 1600 votes blancs disent un refus du processus, ou un refus du système, ou un refus du choix...  et en Ville de Genève, à Carouge et à Lancy, le vote blanc a sans doute permis au « non » de prendre un léger ascendant sur le « oui »... Avec un enseignement au passage, à l'intention de la gauche de la gauche : quand on construit une campagne sur des arguments foireux, on obtient des résultats foireux, car nous n'avons pas, de notre côté du champ politique, le talent de l'UDC à faire passer de sombres conneries pour vérités d'Evangile (ou de Coran) : la Constitution n'a pas été prise pour un minaret... Mais quelle moquette quelques un-e-s de nos camarades avaient bien pu fumer pour croire (peut-être) et tenter de faire croire qu'avec la nouvelle constitution, la chasse allait être rétablie, les centrales nucléaires autorisées, l'armée mobilisée contre nos manifs et les curés mettre la main au panier de la République ?


31 % de participation d'un corps électoral ne représentant que la petite moitié de la population, cela nous fait dans les 15 % de participation de la population. La « charte fondamentale de la République » n'aura donc été approuvée que par 8 % de sa population... On en est ainsi revenu au temps de l'oligarchie, au temps, avant 1794, où 2000 citoyens décidaient pour les 20'000 habitants de la République, lorsque les femmes n'avaient pas le droit de vote, ni les « natif », ni les étrangers, ni les indigents, ni les catholiques, ni les juifs... On devait par le projet de nouvelle constitution « entrer dans le XXIème siècle » ?  A s'en tenir au taux de participation, on est plutôt revenu au début du XVIIIème...


La Constitution de 1847 et ses 130 modifications n'ont pas survécu à leur première (gageons qu'elle ne sera pas la seule...) révision globale. Elle ne le méritait pas, mais ce que l'on proposait à sa place ne méritait pas non plus de s'y retrouver, et Genève ne l''a sans doute approuvé que pour renoncer à garder en guise d « charte fondamentale » un texte illisible, boursouflé, contradictoire, fait de couches politiques empilées, de bricolages, d'inserts de textes législatifs, voire réglementaires, dans un texte constitutionnel.

Le texte que la gauche de la gauche et la droite de la droite voulaient confirmer ce dimanche n'avait plus grand chose d'une constitution : c'était un élément patrimonial inutilisable politiquement par les citoyennes et les citoyens elles et eux-mêmes. Une sorte de Palais Idéal constitutionnel. comme il en est un anarchitectural. En fait, ce que la gauche de la gauche a échoué à sauver hier, c'est l'équivalent politique du Palais du Facteur Cheval. Un monument très décoratif, et totalement inhabitable. Un geste artistique, pas un programme politique.

Genève s'est dotée hier d'une constitution 100 % légale mais à moins de 10 % de légitimité, et des deux constitutions dont nous souhaitions la défaite sans pouvoir l'obtenir pour les deux,  il nous en reste une, la plus récente, à refaçonner...

lundi 15 octobre 2012

Genève : Molle adoption d'une constitution molle...

Et d'une ! (reste l'autre...)

Verre à moitié vide ou à moitié plein ? On pariait, ici, sur le rejet de la nouvelle constitution -pari perdu : elle a été acceptée. On pariait sur une abstention de l'ordre des deux tiers, pari gagné : on y est, largement. On voulait des votes blancs plus nombreux que la différence entre les « oui » et les « non », on y est en Ville de Genève mais pas au plan cantonal (où la proportion de votes blancs est tout de même trois fois supérieure à l'habituelle)... Il y avait deux constitutions auxquelles faire le sort qu'elles méritent : l'une était en vigueur, l'autre était proposée pour remplacer la première. On ne pouvait les refuser les deux, on devait en accepter ou en confirmer une, et refuser ou accepter l'autre. C'est fait : la constitution proposée a été acceptée, la constitution en place transférée aux archives et la dépouille de James Fazy enfin laissée à la paix des dépouilles.


On n'a pas sauvé le Palais Idéal du Facteur Cheval...


Dali avait inventé la montre molle, Genève a mollement inventé la constitution molle. Déception quand au projet soumis ? Indifférence au choix proposé ? Disons que le « paquet ficelé » qu'est forcément un projet de constitution n'a pas emballé grand monde -juste un peu plus que celui qu'il va remplacer. En 2003, les Vaudois avaient approuvé leur nouvelle constitution avec une participation de 44,4 %, neuf ans après, les Genevois acceptent la leur avec une participation de treize points inférieure. Il est vrai qu'en 2008, ce ne fut qu'avec une participation de 33 % que la Constituante genevois fut élue  : le résultat des travaux de la constituante n'a donc pas plus intéressé que son élection. Qui est allé voter ? La base militante et les élu-e-s des partis, les militant-e-s et les cadres des associations et des mouvements qui ont fait campagne (ou au nom desquelles leurs directions ont fait campagne), sans doute. Et puis ? Et puis, pas grand monde, notamment dans les quartiers populaires (les bastions du « non »). Et on ne peut, par définition, rien dire de l'abstention, sinon qu'elle ne dit rien par elle-même et qu'elle laisse donc les autres dire à sa place. C'est la différence avec le vote blanc que nous recommandions, voire avec le vote nul quand il n'est pas le fruit d'une erreur : les 1600 votes blancs disent un refus du processus, ou un refus du système, ou un refus du choix...  et en Ville de Genève, à Carouge et à Lancy, le vote blanc a sans doute permis au « non » de prendre un léger ascendant sur le « oui »... Avec un enseignement au passage, à l'intention de la gauche de la gauche : quand on construit une campagne sur des arguments foireux, on obtient des résultats foireux, car nous n'avons pas, de notre côté du champ politique, le talent de l'UDC à faire passer de sombres conneries pour vérités d'Evangile (ou de Coran) : la Constitution n'a pas été prise pour un minaret... Mais quelle moquette quelques un-e-s de nos camarades avaient bien pu fumer pour croire (peut-être) et tenter de faire croire qu'avec la nouvelle constitution, la chasse allait être rétablie, les centrales nucléaires autorisées, l'armée mobilisée contre nos manifs et les curés mettre la main au panier de la République ?


31 % de participation d'un corps électoral ne représentant que la petite moitié de la population, cela nous fait dans les 15 % de participation de la population. La « charte fondamentale de la République » n'aura donc été approuvée que par 8 % de sa population... On en est ainsi revenu au temps de l'oligarchie, au temps, avant 1794, où 2000 citoyens décidaient pour les 20'000 habitants de la République, lorsque les femmes n'avaient pas le droit de vote, ni les « natif », ni les étrangers, ni les indigents, ni les catholiques, ni les juifs... On devait par le projet de nouvelle constitution « entrer dans le XXIème siècle » ?  A s'en tenir au taux de participation, on est plutôt revenu au début du XVIIIème...


La Constitution de 1847 et ses 130 modifications n'ont pas survécu à leur première (gageons qu'elle ne sera pas la seule...) révision globale. Elle ne le méritait pas, mais ce que l'on proposait à sa place ne méritait pas non plus de s'y retrouver, et Genève ne l''a sans doute approuvé que pour renoncer à garder en guise d « charte fondamentale » un texte illisible, boursouflé, contradictoire, fait de couches politiques empilées, de bricolages, d'inserts de textes législatifs, voire réglementaires, dans un texte constitutionnel.

Le texte que la gauche de la gauche et la droite de la droite voulaient confirmer ce dimanche n'avait plus grand chose d'une constitution : c'était un élément patrimonial inutilisable politiquement par les citoyennes et les citoyens elles et eux-mêmes. Une sorte de Palais Idéal constitutionnel. comme il en est un anarchitectural. En fait, ce que la gauche de la gauche a échoué à sauver hier, c'est l'équivalent politique du Palais du Facteur Cheval. Un monument très décoratif, et totalement inhabitable. Un geste artistique, pas un programme politique.

Genève s'est dotée hier d'une constitution 100 % légale mais à moins de 10 % de légitimité, et des deux constitutions dont nous souhaitions la défaite sans pouvoir l'obtenir pour les deux,  il nous en reste une, la plus récente, à refaçonner...

samedi 13 octobre 2012

Fonds de tiroirs

Le comité unitaire (de gauche, y'a pas le MCG et l'UDC dedans) contre le projet de nouvelle constitution genevoise appelle (lundi 1er octobre à 18 heures place Saint-Gervais, si ça vous dit) à un rassemblement en hommage à la constitution de 1847. Née d'une révolution, certes, mais quand même : ce qui était révolutionnaire en 1847 a largement eu le temps de devenir réactionnaire en 2012. Heureusement qu'on n'a plus que trois semaines à tenir avant le vote sur le projet de nouvelle constitution, parce que sinon, la gauche de la gauche aurait encore le temps de nous organiser une manif de soutien aux Franchises d'Adhémar Fabri ou à l'arrivée de Jules César sur le pont du Rhône...

« Six partis déclarent leur flamme à la Constitution », titre la « Tribune » d'aujourd'hui. Sur les six, les quatre partis gouvernementaux, plus le parti pirate et les Verts libéraux. Avec comme argumentation : « le projet (...) fruit d'un compromis offre un contrat social renouvelé». Déjà que « déclarer sa flamme » à un compromis, ça respire pas franchement la passion romantique... c'est pas franchement mobilisateur tout ça... quoique... en fait, ça mobilise, mais contre le projet de la Constituante, toutes les oppositions possibles et imaginables, vu qu'en ce moment, les coalitions de gouvernementaux, même garnies de quelques plumes marginales, ça suscite pas vraiment l'enthousiasme populaire... mais bon, hein, nous ce qu'on en dit, on est contre les deux constitutions, alors que ça soit l'une ou l'autre qui se gaufre, on aura gardé une bouteille de blanc au frais pour fêter cette (forcément) demi-victoire avec la Jeunesse Socialiste... et oublier le déferlement de conneries que nous promet la campagne avant le 14 octobre.

Le Manifeste pour la fermeture du centre de rétention de Frambois et l'arrêt des expulsions forcées est disponible sur www.itprojects.org/stop-dead/ Et au cas où le projet de nouvelle constitution genevoise était accepté (ce qui n'est pas l'hypothèse la plus vraisemblable) on notera que son article 18 prescrit que « nul ne peut être refoulé sur le territoire d'un Etat dans lequel il risque la torture ou tout autre traitement ou peine cruels et inhumains ou toute autre atteinte grave à son intégrité ». Sur ce point, l'actuelle constitution genevoise est d'un silence... fédéral...

La couverture du journal du Groupe pour une Suisse sans armée (GSSA), illustrée d'une photo d'un poste de mitrailleuse après le massacre du 9 novembre 1932, nous sert ce titre : « 9 novembre 1932, plus jamais ça ! - NON à la nouvelle constitution qui fait appel à l'armée pour la «sécurité intérieure » (article 112)». Eh, les gars, faudra vous le rappeler combien de fois que le massacre du 9 novembre 1932, c'est la constitution actuelle, celle que vous voulez garder, qui l'a permis ? Quant à l'évocation du projet de nouvelle constitution que vous combattez (et qui me mérite en effet pas d'être soutenu, s'il ne mérite pas non plus d'être combattu), où diable est-ce que vous y avez vu qu'il « fait appel à l'armée pour la sécurité intérieure   (art. 112) ? Dans vos cauchemars ? L'article 112 autorise seulement le Conseil d'Etat à « solliciter l'appui de l'armée, d'autres services fédéraux ou d'autres cantons à des fins civiles » ... pas à tirer dans le tas de manifestants antiofacistes comme l'autorisait (et, formellement, l'autorise toujours) l'actuelle constitution...  Des arguments contre le projet de nouvelle constitution, il y en a assez, et d'assez pertinents, pour qu'on évite d'en bidouiller d'insanes. Non ? Ah bon. ben on va se servir un coup de blanc pour oublier que des copains ont décidé de prendre les gens pour des cons...

Hier matin, dans un geste résiolument jobinesque, 900 ballons multicolores ont été lâchés par les partisans du projet de nouvelle constitution sur la jetée qui mène au Jet d’eau, pour «  redonner des couleurs à notre République ». Ouais. Ben on voudrait pas médire, c'est pas notre genre, mais lâcher des ballons pour soutenir une baudruche, c'est pas un peu faire campagne avec du vent ?

Or donc, sur les douze juristes de l'Asloca, onze, dont le député socialiste Christian Dandrès, ont pris position publiquement contre le projet de nouvelle constitution genevoise, l'Asloca elle-même s'étant prononcée en faveur de la liberté de vote. Liberté dont les onze juristes ont donc fait usage (comme d'ailleurs le président d'honneur de l'organisation, Grobitou, qui appelle à voter «non», et le vice-président, Calimero Velasco, qui appelle à voter « oui », qui reproche (dans la « Tribune »  de mercredi) aux onze juristes d'appeler à voter «non», mais autorise l'abstention. Le vote blanc, on sait pas. Voilà, on a fait (provisoirement) le tour. Et dire qu'il y a des gens à gauche qui craignent que si la gauche occupait les cinq sièges du Conseil administratif de la Ville, on se retrouverait avec une Municipalité «monocolore»  alors que polychromes, on l'est à nous tout seuls et qu'on n'a même pas besoin de la droite pour ça...

On constatera que le Conseil d'Etat a pris les devants, dans la perspective de l'annonce du résultat, le 14 octobre vers midi, du vote sur la future ex-nouvelle constitution genevoise :
« Alliance contre la dépression : aide financière aux Hôpitaux universitaires de Genève
Le Conseil d’Etat a accordé une aide financière de 66'000 francs aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) dans le cadre du programme cantonal «Alliance contre la dépression».
Cette aide financière permettra au département de psychiatrie des HUG de poursuivre ses activités dans le cadre du programme cantonal de lutte contre la dépression, qui vise à favoriser la détection précoce de cette maladie, faciliter l'accès aux soins et informer la population sur cette maladie. Un site Internet dédié à la problématique viendra ainsi compléter le dispositif existant et notamment la ligne téléphonique d'écoute, de conseil et d'orientation (022 305 45 45) à destination des personnes concernées, de leur entourage ainsi que des professionnels de la santé.»

La section genevoise du Touring-Club n'est pas contente du projet de nouvelle constitution : elle lui reproche d'avoir renvoyé à la loi la disposition de la constitution actuelle qui impose d'organiser le stationnement des bagnoles « de manière à répondre aux besoins propres des divers types d'usagers». Le front du refus s'étend donc à un nouvel argument fondamental : le droit constitutionnel à parquer sa caisse.


jeudi 11 octobre 2012

Constitution genevoise : Ce n'est qu'un débat, continuons le confus !

On s'était promis de ne pas y revenir pendant une semaine, et puis voilà, mille excuses, mais on craque. Parce que le débat constitutionnel genevois commence sérieusement à nous gonfler. Non par ce qui devrait être son objet et son enjeu, mais par la forme qu'il prend. Celle, qu'on nous pardonne la vulgarité de la métaphore, d'un débat de merde, mené à coup d'invectives, et de procès d'intentions, de caricatures des enjeux et de prédictions paranoïaques. ça pleurniche d'un côté, ça agonit de l'autre, et ça nous pompe l'air des deux.

Qu'est-ce que j'ai fait de mon linceul de réserve, moi ?


Et encore un argument massue pour nous faire voter le projet de la Constituant, un ! Celui-là nous est servi en édito par la Tribune d'hier : «Entrons dans le XXIe siècle», nous enjoint son red-en-chef ... ... voui, bon, d'accord, mais on n' y est déjà entré il y a bientôt douze ans, dans le XXIe siècle : le 1er janvier 2001 dans le calendrier vulgaire... A enfiler ce genre de perles de rhétorique creuse, les partisans du projet de la Constituante croient-ils pouvoir convaincre quelque hésitant de la nécessité d'aller voter (et d'aller voter « oui » ?)...
Donc, on vous le résume, l'état de ce débat où partisans et adversaires du projet de constitution se valent en se dévaluant :
Si le projet de la constituante passe, la chasse sera rétablie, Genève sera cernée de centrales nucléaires, des bandes de curés armés ratisseront la ville à la recherche des mécréants et tout rassemblement de plus de trois personnes sera dispersé par les mitrailleuses.
Si la constitution actuelle est confirmée, on reviendra au XIXème siécle, on s'éclairera à la bougie, on communiquera par le télégraphe de Chiappe, on se soignera sous le portrait de James Fazy avec les tisanes de mémé et on défuntera de la goutte à 50 ans après avoir fait huit enfants (dont quatre morts-nés) à son épouse défunte en couches à 35 ans.
Est-ce que par hasard, on ne nous prendrait pas un peu pour des cons ?

Nous avons ici à réitérées reprises conviés celles et ceux qui tenaient à produire ce vote « informé » dont Rousseau considérait qu'il était la condition d'un prononcement démocratique, à lire le texte qui leur était soumis, à le comparer avec le texte qu'il prétend remplacer, et à se souvenir des engagements politiques clairs pris au moment de l'élection de la Constituante. A lire les prises de positions qui nous tombent dessus comme la vérole sur le bas-clergé breton, à voir les affiches prônant le « oui » ou le « non », un intense et inhabituel sentiment de modestie nous étreint : on a prêché notre méthode socratique dans le désert déserté de la raison raisonnante. Et on finit par se dire que peu importe le résultat qui tombera dimanche en dix : le travail sera à refaire complètement.
Il y a d'ailleurs à cela un précédent : celui de la Constitution de 1847,  révisée 120 fois en 165 ans. Quelle que soit la constitution dont Genève se (re)trouvera affublée le 14 octobre à midi, le rythme de ses révisions ne se ralentira pas, et quelles que soient les conditions posées par l'une ou l'autre des deux constitutions en lice à l'exercice des droits démocratiques, on ne se fera pas faute d'user de ces droits pour proposer ce qui a été refusé par la Constituante et qui était pour nous autant de revendications fondamentales, ou pour extirper de la constitution ce qui mérite de l'être (et qui est sous une forme ou une autre généralement présent dans les deux textes). Mais en écrivant cela, on écrit à peu près rationnellement d'un travail politique rationnel. Or le débat qui s'est instauré depuis quelques semaines sur l'enjeu constitutionnel cantonal est largement sorti du rationnel -disons qu'il s'en est émancipé vers le bas, l'approximation, le procès d'intention, voire l'injure, et une louche de paranoïa. On ne débat plus des textes pour ce qu'ils contiennent, mais, sans les avoir lus, pour ce qu'on croit qu'ils contiennent, ou qu'on suppose qu'ils contiennent, ou qu'on a dit qu'ils contenaient entre les lignes, ou derrière les textes...
On ne débat d'ailleurs plus, on anathémise (se dit-ce ?), on excommunie, on instruit les procès en trahison... tel député socialiste est menacé d'exclusion et condamné au silence parce qu'il a appelé à voter « non », les partisans du vote blanc sont convoqués sur le front des troupes pour y être châtiés de leur désertion, les partisans de gauche du projet sont présentés par les adversaires du projet comme les « idiots utiles » de la droite, les opposants de gauche du projet comme des Néanderthaliens par les partisans du projet...  Genève, terre de contrastes politiques : tu dois considérer le texte qui est soumis au vote comme le meilleur texte possible même s'il ne contient rien de ce tu voulais y trouver, ou le pire texte possible même si ce qui t'y déplaît est déjà présent dans le texte actuel... C'est l'enfer, ou le paradis. Le Purgatoire ? On y est, pas besoin de nous le promettre... et puis Calvin le nie...
Et pour nous, qui ne croyons ni à l'un, ni à l'autre, ni au troisième, ni à Dieu ni à Diable, on nous promet quoi ? le châtiment réservé aux traîtres... Après tout, pourquoi pas? Rien jamais ne s'est fait qui vaille sans trahison de ce qui s'était fait avant et que cela remplace...

Qu'est-ce que j'ai fait de mon blanc linceul de réserve, moi? Ah oui : un bulletin de vote...

mercredi 10 octobre 2012

A cambiare, radicalmente e da capo

Le moins que l'on puisse écrire est que le projet de nouvelle constitution genevoise a du plomb dans l'aile (surtout dans l'aile gauche, mais l'aile droite est également touchée), et qu'il serait vraiment fort surprenant qu'il soit accepté dans deux semaines par la majorité de la petite minorité de Genevoises et de Genevois qui non seulement auront le droit de voter, mais auront consenti à en user. Après quelques semaines d'attente précautionneuse, et ayant pris le temps de humer le vent pour déterminer sa direction, les résistants de la dernière heure sont sortis du bois et, à visage découvert, flinguent désormais sans risque le texte de la Constituante et le dernier carré (héroïque : les chants désespérés sont les chants les plus beaux) de ses défenseurs. Bref, tout indique que le 15 octobre, Genève se retrouvera avec la même constitution  que l'avant-veille. Et qu'il faudra remettre l'ouvrage (car il en a besoin) sur le métier. Mais cette fois, notre ouvrage, sur notre métier. Radicalmente e da capo.

Ecrivez vous-même votre propre constitution


Le comité unitaire de gauche contre le projet de nouvelle constitution genevoise (y'a pas le MCG et l'UDC dedans, ces deux partis étant d'une étonnante discrétion dans le débat, ce qui n'exclut d'ailleurs pas que ce soit eux qui capitaliseront politiquement le probable refus du texte de la Constituante)  appelle (lundi 1er octobre à 18 heures place Saint-Gervais, si ça vous dit) à un rassemblement en hommage à la constitution de 1847. Née d'une révolution, certes, mais tout de même, faut pas en rajouter sur la nostalgie : ce qui était révolutionnaire en 1847 a largement eu le temps de devenir réactionnaire en 2012. Heureusement qu'on n'a plus que dix jours à tenir avant le vote sur le projet de nouvelle constitution, parce que sinon, la gauche de la gauche aurait encore le temps de nous organiser une manif de soutien aux Franchises d'Adhémar Fabri... après tout, elles n'ont qu'à peine un peu plus de six siècles, et quand on aime le patrimoine politique, on l'aime d'autant plus qu'il est plus ancien.

Tout ça pour vous rappeler, au cas peu probable où vous l'auriez oublié, que le 14 octobre, Genève aura choisi de garder sa vieille constitution ou d'y substituer celle que lui propose l'assemblée constituante élue il y a quatre ans.
Enfin... quand on dit que c'est Genève qui aura choisi, disons, le 15 % de la population qui dispose du droit de voter (la moitié de la population n'en dispose pas), qui aura décidé d'en user (la majorité de celles et ceux qui en disposent n'en useront vraisemblablement pas), et d'en user en votant pour le projet de la constituante, ou de voter contre, c'est-à-dire de voter pour la constitution actuelle, mais pas en votant blanc ou nul.
Dans ses conditions, elle va peser quoi, et de quel poids de légitimité démocratique, la constitution, ancienne ou nouvelle, qui sortira des urnes le 14 octobre à midi ? Le poids des invectives que ses partisans ont déversées sur ceux de la constitution concurrente ?

On n'exprimera donc ici à nouveau que ce souhait, puisque ni la vieille ni la jeune constitution ne nous agrée, que la différence entre les « oui » et les «non» soit si ténue qu'elle soit inférieure au nombre de bulletins blancs -et que ceux-ci aient alors, dans un sens ou dans un autre, fait la décision. Ce qui serait la meilleure des entrées en matière pour une véritable réécriture de la constitution, comme y appelle la Jeunesse Socialiste (www.js-ge.ch/?page_id=1533&fb_source=message): « écrivez-vous même votre propre constitution ». On notera d'ailleurs avec gourmandise que si elle était acceptée, la nouvelle constitution n'entrerait en vigueur que le 1er juin 2013. Et qu'on aurait donc huit mois pour lancer et faire aboutir une initiative populaire prévoyant son abrogation à la même date. De même, les modifications législatives requises par la nouvelle constitution auraient cinq ans pour être adoptées, et seraient toutes soumises à référendum populaire. De quoi s'amuser encore un moment...

Le vrai travail constituant, celui qui reste à faire et que la Constituante a été incapable de faire, commence le 15 octobre. Et il devra être fait, d'une manière ou d'une autre, par une révision globale ou une succession de révisions partielles de l'actuelle constitution ou du projet de la Constituante, par les citoyennes et les citoyens eux-mêmes. Parce que ce texte doit être le leur, ce que n'est aucun des deux qui leur sont soumis le 14 octobre. L'un est un bricolage patrimonial, l'autre un bricolage politique, les deux se situent quelque part entre le Palais du Facteur Cheval et une machine à Tinguely. On aime les deux. Mais comme œuvres artistiques, pas comme charte politique fondamentale, qui ne vaut que par la possibilité donnée au peuple de se l'approprier.

vendredi 5 octobre 2012

Brèves

On a sous les yeux la liste des prises de position des partis politiques, associations et groupements sur le projet de nouvelle constitution genevoise, pour le vote du 14 octobre, et c'est jouissif. 80 prises de positions (une cinquantaine pour le OUI, une trentaine pour le NON, une (la JS) pour le vote blanc et une (les associations) pour le vote, mais sans consigne de vote. Dans les trucs rigolos, on a par exemple les deux positions du MCG, celle du parti qui dit NON et celle du groupe constituant qui dit OUI... celle dite « 9 novembre 1932, plus jamais ça!» n'est pas mal non plus, qui dit NON, alors que la constitution qui a permis le 9 novembre 1932 est celle qui sera maintenue si le NON est majoritaire... on a pas moins de huit positions (toutes pour le NON) des amis des animaux... on a l'UDC qui dit NON alors que son groupe à la Constituante a dit OUI... on a deux prises de positions «laïques», qui disent NON, comme les Evangéliques... Ce n'est qu'un débat, continuons le confus, comme on ne disait pas en mai 68...

La Constituante genevoise aura donc finalement coûté moins de 15 millions de francs pour produire les 237 articles de son projet de nouvelle constitution genevoise soumise au vote le 14 octobre prochain. Le PLR Thomas Büchi est plutôt fier de la performance: « On est loin des 20 millions que prédisaient de vilaines rumeurs au printemps 2009 ». C'est en effet juste un peu plus (mais pour trois ans) que ce ce coûte le Grand Conseil en un an. Et c'est grosso modo, mais toujours pour trois ans, trois fois moins que ce que coûte le Grand Théâtre chaque année à la Ville... Bon évidemment, le spectacle n'était pas forcément à la hauteur, mais au Grand Théâtre aussi, y'a des spectacles un peu chiants, non? Cela dit, ça nous fait quand même dans les 60'000 balles par article du projet... à ce prix là, nous, une nouvelle constitution, on vous en pond une tous les matins... D'ailleurs, on vous en avait pondu une : elle est sur www.perso.ch/troubles/constitution.pdf. Quant au projet issu de la Constituante, on le saluera comme il le mérite : par un chti coup de blanc (www.js-ge.ch/?p=1435)...

 Intéressant papier de la Communauté Genevoise d'Action Syndicale, dans « Le Courrier » de lundi, sur les raisons de l'appel lancé par la CGAS, qui réunit tous les syndicats du canton, à refuser le projet de nouvelle constitution cantonale. Intéressant papier, et intéressants arguments, sauf un, qui, pour expliquer ce refus du projet malgré que celui-ci introduise le droit de grève dans la Constitution (l'actuelle constitution ne ne reconnaît pas), mais en le limitant à ce qui se rapporte aux « relations de travail », nous assène qu' « on ne pourrait plus aujourd'hui faire une grève générale comme en 1918 »... ce qui est doublement idiot : d'abord parce que la grève générale de 1918 était nationale et pas cantonale, mais surtout parce qu'elle avait à l'époque été déclarée illégale, et réprimée comme telle, la constitution fédérale pas plus que la constitution cantonale ne reconnaissant le droit de grève... Des fois, camarades, faut faire attention à ce qu'on écrit si on ne veut pas passer pour des amnésiques...

 La dernière livraison du journal des socialistes de la Ville de Genève, « Causes Communes » est consacrée au vote du 14 octobre sur le projet de nouvelle constitution genevoise, et à la défense du « oui » à ce projet. Elle s'ouvre sur une première page portant en titre : « Constituante : oui ». Quelqu'un pourrait-il rappeler aux socialistes de la Ville de Genève qu'on ne vote pas le 14 octobre sur la Constituante (ça, ça a été fait il y a quatre ans déjà) mais sur la Constitution ?

mercredi 19 septembre 2012

Contrairement à l'AVIVO, l'Asloca n'appellera pas à voter contre le projet de nouvelle constitution. Et contrairement au PS, elle n'appellera pas non plus à voter pour : en fait, elle n'appellera à rien du tout, et elle laisse princièrement à ses membres une « liberté de vote » dont ils disposent de toute façon. L'organisation de défense des locataires a examiné le projet sous l'angle de leurs droits, de la politique du logement et des droits démocratiques, et n'y a rien trouvé qui soit une régression qui justifierait un appel à voter « non », et rien qui soit un progrès suffisant pour justifier un appel à voter « oui ». Ben alors, en ce cas, pourquoi ne pas faire comme nous et appeler à voter blanc ?

Près de 80 prises de position (pour le « oui » , le « non » ou le vote «blanc» -mais là, y'en à qu'une, celle de la JS, seule contre tous, c'est bô) ont été déposées en prévision du vote du 14 octobre sur le projet de nouvelle constitution cantonale genevoise. Comme il y aura en gros 2000 espaces réservés à l'affichage de campagne, si chaque groupe qui a déposé une prise de position pond une affiche, on se retrouvera avec une douzaine d'affiches par groupe non représenté au parlement ou à la Constituante, disséminées dans tout le canton (va falloir faire fonctionner la boîte à idées pour qu'on les remarque, ces affiches). Le Conseil d'Etat avait initialement, et bêtement, décidé d'appliquer les dispositions de la loi sur l'exercice des droits politiques concernant les processus parlementaires ordinaires, alors que le processus constituant est exceptionnel. Du coup, les six partis représentés au parlement (quatre sont pour le « oui » au projet de la Constituante, deux sont pour le «non») auraient monopolisé la majorité des emplacements d'affichage, ne laissant aux plus de 70 autres prises de position que l'autre moitié. Mais heureusement, l'AVIVO veillait (les vieux, c'est insomniaque) : elle a contesté la décision du Conseil d'Etat, et a à moitié gagné. Si les groupes de la Constituante, dont la moitié ne sont pas représentés au parlement cantonal, n'ont pas obtenu d'être traités avec faveur, groupes parlementaires et groupes constituants seront traités sur pied d'égalité (c'est-à-dire également privilégiés face aux autres groupements) dans la répartition des espaces d'affichage. Reste plus qu'à savoir si on les dédoublera ou non, c'est-à-dire si les socialistes (par exemple)  auront ou non droit à deux fois plus d'emplacements que l'AVIVO (par exemple) puisqu'ils ont un groupe au Grand Conseil et à la Constituante alors que l'AVIVO n'en a qu'un à la Constituante... Bon, ben voilà, mais si les uns et les autres croient que tout ça va tirer plus de citoyennes et de citoyens aux urnes, on va pas, nous, les désillusionner, déjà que la pré-campagne sur le projet de constitution ressemble à une cacophonie entre « oui » euphoriques et « non »  tétanisés... « Votez blanc», on vous dit !

Ce qu'il y a de bien, dans le débat sur le projet de nouvelle constitution genevoise, c'est la hauteur que prennent ses protagonistes pour dominer le sujet et inciter les citoyennes et yens à aller voter : on est tout de suite au coeur battant du sujet, sur les enjeux fondamentaux : le nombre d'affiches auquel les groupements ont droit pour clamer leur mot d'ordre. Le Conseil d'Etat a décidé d'en accorder 135 aux partis représentés au Grand Conseil, et 135 également aux groupes de la Constituante. Résultat : les partis représentés dans les deux instances auront (auraient) 270 emplacements. Ce qui fâche un parti (solidaritéS) et un groupe (l'AVIVO) représentés seulement à la Constituante (les autres groupes dans le même cas n'y voient pas d'inconvénient majeur), qui réclament donc pour eux une égalité de traitement (vers le haut ou le bas, on sait pas) avec les partis parlementaires. Passionnant, non ? Et les autres groupements qui ont pris position mais qui ne disposent ni d'un groupe parlementaire, ni d'un groupe constituant, ils ont droit à quoi ? Ben, aux miettes : Quinze affiches par groupe. Et encore, c'est parce qu'on est bien bon avec ces loqueteux, faudrait quand même pas pousser le pluralisme trop loin...

mercredi 12 septembre 2012

Enfumages

Heureuses citoyennes et heureux citoyens que vous êtes :  vous avez le choix, car ça y'est, le débat sur la nouvelle constitution genevoise est lancé, par ses partisans sur le mode de l'éloge du consensus et de la «politique des petits pas», et par ses opposants sur le mode de la caricature :  leur conférence de presse de rentrée fut en effet un grand moment de rhétorique fossilisée, de réflexions ligneuses et de déni de lecture du texte soumis à l'approbation du bon peuple. Quant aux partisans du projet, présentant le lendemain leur coalition, c'est en le posant comme « rassembleur, moderne et novateur » qu'ils tentent de le vendre. Rassembleur ? Il ne l'est déjà plus. Moderne ? la modernité a toujours été une forme politique creuse, dans laquelle on peut mettre n'importe quoi. Novateur ? il faut le dire vite... Entre appel au consensus mou et falsification des textes, le débat commence dans l'enfumage.

Rhétorique fossilisée, réflexions ligneuses et déni de lecture : la bêtise au front bovin

Octobre, c'est encore la saison des gâteaux aux pruneaux. Et à Genève, cette année, d'un vote pour des prunes ? Si le projet de nouvelle constitution soumis le 14 octobre peuple genevois (ou plutôt à la portion congrue de ce peuple qui a le droit de faire, et aura accepté de faire, acte de vote), était acceptée, elle devrait encore, pour être ratifiée, passer un examen lors duquel le peuple genevois n'aura plus rien à dire ni à faire : celui de la « garantie fédérale ». En clair, c'est le Parlement fédéral  suisse qui dira si la constitution  de la République de Genève lui convient ou pas. Et si elle ne lui convient pas, le peuple de la République aura beau avoir voté ce projet, il se retrouvera le vote dans l'eau, avec un texte annulé ou amputé de ce qui ne convient pas à nos Chers Confédérés. Pour dire les choses autrement: au final, le vote de quelques dizaines de députés fédéraux zurichois pèsera plus que celui de plusieurs milliers de citoyen-ne-s de la République de Genève. Un vote pour des prunes, en somme. Mais un vote au niveau du débat qui est en train de s'instaurer entre partisans et adversaires du projet, et donc adversaires et partisans de la constitution actuelle, puisqu'il s'agit de la remplacer et que c'est bien, n'en déplaise à ceux qui refusent de le comprendre, sur deux textes que l'on vote : l'un en vigueur, l'autre devant l'abroger.

Au départ, le choix paraît simple, clair : le projet de la Constituante vous sied plus que la constitution actuelle ? alors votez oui. La constitution actuelle vous convient mieux que le projet de la Constituante ? Alors votez non. Vous attendez autre chose d'une Charte fondamentale de la République que ce que vous trouvez dans le projet ou dans le texte actuel ? Alors votez blanc... Mais bon sang de bois ! ne votez pas sans savoir sur quoi vous votez, et en prenant pour argent comptant ce que les uns disent du projet des autres, et les autres de la constitution des uns. Car si dans un camp on fait silence sur les faiblesses du texte qu'on propose, dans le camp d'en face, on tord carrément ce texte et la comparaison entre le projet de constitution et la constitution en vigueur, pour sortir de cette torsion quelques gouttes de parfaite mauvaise foi et de confusion volontaire entre «reculs» (il faut faire accroire que le projet est «rétrograde») et statu quo (il n'est que trop fidèle à la constitution actuelle).
Et c'est ainsi que les syndicats appellent à voter « non »  parce que le projet de la constituante ne dit rien sur le salaire minimum alors que la constitution actuelle n'en dit pas plus, que l'on dénonce un article posant l'action publique comme «complémentaire» de l'action privée alors que la constitution actuelle la pose comme « subsidiaire», c'est-à-dire secondaire, que l'on arrive à trouver un attentat contre la laïcité dans un texte qui affirme que l'Etat est laïc quand le texte en vigueur n'ose même pas prononcer le terme de « laïcité », et que le groupe pour une Suisse sans armée dénonce un scandale dans le fait que le projet de la Constituante rende possible l'utilisation de l'armée « à des fins civiles » mais oublie de préciser que c'est la constitution en vigueur qui autorise carrément le Conseil d'Etat à l'utiliser pour le « maintien de l'ordre public », comme le 9 novembre 1932...

Dans chacun des deux camps fortifiés qui catapultent l'un sur l'autre leurs paquets d'insanités péremptoires, on nous accusera -on nous accuse déjà- de trahison. Appeler à voter blanc, ce serait, pour les partisans du projet de constitution, favoriser son rejet -et pour les adversaires du projet, favoriser son acceptation. Le PS appelle à voter « oui »  ? en tant que socialistes nous trahirions le PS en appelant à voter blanc... la « gauche de la gauche » appelle à voter « non »? en tant que socialistes de gauche, nous trahirions la gauche socialiste.
Soit, acceptons l'étiquette de traître. C'est une belle étiquette, après tout : l'histoire n'a jamais avancé et n'a jamais été rendue supportable, que par les trahisons. Sans Judas, pas de christianisme. Sans trahison de l'ordre établi, pas de réforme, et moins encore de révolution. Et sans trahison de la révolution, la révolution mène plus sûrement au génocide qu'à l'avenir radieux. On se pare certes là un peu des plumes du paon, mais après tout, en trahissant le camp des « oui »  comme celui des « non » à la nouvelle constitution, on ne trahira jamais que la bêtise au front bovin de leurs argumentaires.


jeudi 12 juillet 2012

Projet de nouvelle constitution genevoise : Chaud, chaud, chaud, le débat sera chaud !

Le 18 juin,  le PS et les Verts se sont prononcés sur le projet de nouvelle constitution genevoise, issu des travaux de l'Assemblée Constituante -un prononcement qui vaut mot d'ordre pour le vote d'octobre prochain. Les socialistes appellent, par 32 voix contre 18, à soutenir ce projet, les Verts le soutiennent également, à une majorité moindre (45 voix contre 11), les deux groupes au sein de la Constituante l'ayant préalablement accepté.  Mais le jeudi précédent, la Communauté genevoise d'action syndicale (une Genferei dont nous pouvons être heureux, puisqu'il s'agit d'un regroupement de tous les syndicats du canton, à une temporaire bouderie du SSP près) a quant à elle appelé, à l'unanimité de son assemblée des délégués, au refus du projet de nouvelle constitution, pour sanctionner la méthode de la droite consistant à imposer un rapport de force pour pondre un avant-projet inacceptable pour la gauche, mais aussi pour dénoncer les manques du texte, notamment l'abandon du droit d'éligibilité des étrangers et la restriction du droit de grève. SolidaritéS et l'AVIVO appelant également à refuser le projet que soutiennent socialistes et verts, le débat à gauche va être plus chaud que le texte tiède dont il est l'enjeu...

« Les socialistes tiendront cependant un certain nombre de points comme suffisamment fondamentaux...»


A l'Assemblée générale socialiste, on n'avait le choix qu'entre deux mots d'ordre pour le vote sur le projet de nouvelle constitution genevoise : le « oui »  et le « non ». On a voté « non ». Et on appellera ici à voter blanc. Logique ? D'une certaine manière (la nôtre) et d'une certaine logique (la nôtre), les seules à vrai dire qui nous importent, en tout cas. Car sur quoi peut se fonder le choix d'un mot d'ordre sur un projet de nouvelle constitution, opposé au texte de la constitution en vigueur ? D'abord, sur une comparaison entre ces deux textes, l'actuel et le projeté; ensuite, sur une comparaison entre le projet issu de la Constituante et ce que nous en attendions. De la première comparaison, celle entre la vieille constitution genevoise et celle qu'on propose pour la remplacer, et de la question « le projet est-il meilleur que le texte en vigueur », la réponse sera normande : oui, et non. Oui, sur la forme. Et non, ou plutôt : pas suffisamment, sur le fond. Il contient des avancées, mais aussi au moins trois reculs : le nombre de signatures exigibles pour faire aboutir un référendum «normal» et une initiative va augmenter (alors que nous proposions de le réduire), la durée d'une législature passe de quatre à cinq ans, ce qui réduit forcément le contrôle populaire sur la composition du parlement et du gouvernement, et on nous inflige une chefferie quinquennale de gouvernement (une présidence du Conseil d'Etat) parfaitement superfétatoire (sauf, évidemment, pour qui l'exercera).


On ne part pas de zéro, et on n'y aboutira pas si le projet de la Constituante devait être refusé : on maintiendrait simplement la constitution actuelle en son rôle et son état, et en celui des garanties qu'elle donne, ou ne donne pas, aux droits qu'elle proclame. En fait,. on ne risque pas plus à dire « non » au projet de nouvelle constitution qu'à lui dire « oui »... Et on ne trahit pas plus nos « fondamentaux » en acceptant le projet qu'en le refusant. Mais en appelant, comme nous le faisons, à voter « blanc »  à ce texte, on dit deux choses : d'abord, qu'il n'est pas l'abomination néolibérale de la désolation fascisante en quoi une partie de la gauche joue à le voir. Ensuite, qu'il est fort loin d'être ce que nous en attendions. Et que dès lors, il nous importe finalement assez peu qu'il soit ou non accepté, puisque dans l'un ou l'autre cas il faudra multiplier les initiatives pour y mettre, ou mettre dans l'actuelle constitution, ce qui y manque et que nous proposions dans notre « feuille de route » de 2008 (élection de la Constituante...) qui avertissait que « les socialistes tiendront un certain nombre de points comme suffisamment fondamentaux pour que leur respect conditionne leur approbation du texte final ». D'entre ces points, sans doute: le développement des droits justiciables, l'éligibilité municipale (et cantonale) des étrangers, la motion populaire, le référendum des communes et des villes, le taux d'imposition communale unique, la parité des genres sur les listes électorales, la limitation des mandats électifs et l'interdiction de leur cumul. Or aucun de ces points n'est contenu dans le projet de nouvelle constitution... la conclusion devrait s'imposer d'elle-même : le compte n'y est pas -et de loin.


Voter « blanc », ce n'est pas s'abstenir. C'est dire que ce texte ne nous révulse ni ne nous convient. Qu'il ne mérite ni l'exécration que lui vouent les uns, ni l'enthousiasme dont font mine les autres. Et surtout qu'il n'est nullement, ni à la hauteur des enjeux d'une constitution pour Genève en 2012, ni, et encore moins, à la hauteur de nos attentes.Disons qu'il est à la hauteur de la dépense consentie pour qu'il ait été pondu : 15 millions, en trois ans. L'équivalent, mais en trois ans, d'une subvention municipale annuelle au Grand Théâtre -mais pour une production finale plus proche du "Postillon de Longjumeau" que d'un grand Wagner...

mardi 3 juillet 2012

Constituante : les jeux sont faits, rien ne va plus ?

Impairs, impasses et manques 

Comme l'annonçait, sans grand risque de se tromper, « Le Temps », la Constituante genevoise « ne déclenchera pas de révolution » avec son projet de nouvelle constitution cantonale. Un projet de constitution « sans audace » après que le choix ait été fait du « raisonnable », selon le mot de la coprésidente verte de l'assemblée, Marguerite Contat Hickel. Le choix du « raisonnable » ou le calcul délibéré du terne, pour assurer au texte une majorité, même plus résignée qu'enthousiaste, lorsqu'il sera soumis au vote populaire, en octobre prochain ? Les fronts sont déjà presque dessinés pour ce vote : la droite démocratique, le PS, les Verts appelleront à voter « oui », solidaritéS et l'AVIVO à voter « non » et on n'a plus guère d'incertitudes, mesurées, que sur le prononcement de l'extrême-droite et des associations. Mais quelque mot d'ordre que l'on finisse par donner, la question qui se posera est bien : « A quoi bon cet exercice de réécriture ? »... Et donc à quoi bon l'accepter ? Et même : à quoi bon le refuser ? 

Ni l'honneur d'un enthousiasme, ni l'indignité d'une réprobation... 

La Constituante genevoise n'est pas seule, ni même première, responsable de la grisaille de sa proposition : la loi l'instituant ne lui laissait la possibilité que de présenter un seul texte, lui donnait un temps largement excessif pour le faire, et la faisait pratiquement élire sur le même mode que le Grand Conseil (les apparentements en moins, et avec un quorum un peu plus bas, mais sans ouverture aux étrangers, sans abaissement du droit de vote et d'élligibilité, sans parité des genres sur les listes, et sans assez d'incompatibilités entre les mandats de constituants et d'autres mandats politiques). Résultat : une assemblée élue avec une abstention atteignant les deux tiers du corps électoral, à 80 % masculine, où les plus de 60 ans étaient sur-représentés et les vieilles gloires politiques pouvaient reproduire leurs vieilles querelles. Le résultat final coule de cette source. Ses principales innovations tiennent du gadget pour ce qui concerne l'architecture institutionnelle de la République : la législature serait prolongée d'un an, les député-e-s seraient flanqué-e-s de suppléant-e-s, les élections aux exécutifs se feraient à la majorité absolue au premier tour, le Conseil d'Etat serait présidé par la même personne pendant cinq ans, Genève se doterait d'une Cour constitutionnelle... des changements formels, sans grande incidence sur la qualité d'une démocratie... sauf à la péjorer (comme le fait la fixation du nombre de signatures en fonction du corps électoral) ou à atténuer le contrôle que peut exercer le peuple sur ses élus (c'est à cela qu'aboutit, en l'absence d'un droit populaire de révocation des élus, l'allongement de la législature). 

Le texte qui sera soumis au peuple en octobre contient cependant certaines avancées. Il implique aussi des reculs. Il pèse surtout de son poids de renoncement aux changements. Le « bon » l'emporte-t-il sur le «mauvais» ou ne fait-il que le compenser ? Le «mauvais» l'emporte-t-il sur le bon ou ne fait-il que le contrebalancer, comme dans un marchandage de souk (les fameux « accords de convergences » entre groupes pour minimiser le risque d'un refus populaire ? Certaines associations ont déjà soupesé le texte, et ont déduit de cette pesée leur mot d'ordre pour octobre : La Fédération genevoise des associations de personnes handicapées a pointé d'importantes innovations dans le projet de nouvelle constitution cantonale, ce qui la conduit à soutenir ce projet: accès garanti aux lieux publics, adaptabilité des nouvelles constructions, droit à l'assistance personnelle, reconnaissance de la langue des signes, meilleure protection des droits politiques des personnes sous tutelle... En revanche, la campagne ViVRe (Vivre Voter Représenter), qui a défendu l'extension des droits politiques aux étrangers et considère que le refus final de cette extension dévalue totalement le projet de constitution, appellera à refuser ce projet. Mais le travail des partis politiques est autre que celui, parcellaire, des associations, des lobbies et des groupes d'intérêt : il est, il doit être, un travail d'examen global. 
Alors, qu'en faire, et qu'en dire,  de ce texte ? Qu'on le confronte à nos ambitions (la « feuille de route » socialiste, par exemple), au statu quo (la constitution actuelle) ou à nos craintes (un recul sur des enjeux essentiels), et le brandir avec enthousiasme paraîtra aussi ridicule que le présenter comme un manifeste néo-libéral : il ne mérite ni cet honneur, ni cette indignité. Pour que l'on puisse le soutenir avec enthousiasme ou le condamner avec fureur, il lui faudrait une force, une ambition, une radicalité qu'il n'a pas. Ni dans un sens (de gauche), ni dans l'autre (de droite) : cette eau tiède ne brûle ni ne glace. Et qu'au final, le peuple souverain l'accepte ou la refuse ne changera pas grand chose : si elle était refusée,. ses quelques avancées pourraient faire l'objet d'initiatives modifiant la constitution actuelle, si elle était acceptée ses nombreuses insuffisances pourraient être compensées par la même méthode. 
On n'appellera pas ici à l'abstention en octobre prochain, lorsque le texte sera soumis au peuple : ce serait une solution de facilité, trop confortable pour être significative, l'abstention s'annonçant d'ores et déjà, sinon massive, du moins majoritaire. 
Dire « oui » ? Ce serait manifester une adhésion à un texte qui ne mérite guère qu'une indulgence. 
Dire « non » ? La tentation en est forte, mais ce « non » témoignerait plus d'une attente déçue que d'un refus fondamental. 
Et si la réponse à la question « tout ça pour ça ? » passait par un appel au vote blanc ?

dimanche 10 juin 2012

Projet de nouvelle constitution genevoise : Tout ça pour ça ?




La troisième débat sur le projet de nouvelle constitution genevoise est terminé et l'Assemblée constituante lance une campagne d'information pour sensibiliser la population à ses travaux et à leur (glorieux) résultat en vue de la votation populaire du 14 octobre prochain. Six « soirées thématiques » sont donc prévues pour permettre aux constituants de rencontrer la population (au nom de qui ils ont pondu leur texte) et à la population d'apprendre leur existence et de rencontrer les constituants qu'elle a élus, ou, plus majoritairement, laissé élire. Les deux premières de ces soirées sont organisées à Genève : la première, hier soir, la seconde, le 23 mai, à la Maison de retraite du Petit-Saconnex. Vu la composition générationnelle de la Constituante, directement du producteur au consommateur.... Mais on n'ironisera pas plus, c'est pas notre genre, sur le choix du lieu. Ce genre d'ironie n'est d'ailleurs plus de notre âge. 

Produire du confit pour éviter le conflit ?

Le 31 mai, l'Assemblée constituante a voté l'ensemble du projet de constitution qui sera soumis au vote populaire le 14 octobre. Et si les fronts ne sont pas encore connus dans leur détail, au sein de l'assemblée le vote ne faisait aucun doute : le texte a été accepté à une forte majorité (la droite démocratique, le PS et les Verts, en tout cas). Mais des oppositions sont déjà annoncées : le groupe AVIVO, par exemple, n'aura pas attendu la fin de la troisième lecture du projet de constitution pour dire tout le mal qu'il en pense -et en pensait depuis longtemps : il appelle d'ores et déjà à refuser ce qui sortira le 31 mai de l'assemblée.

Les efforts pour gommer les aspérités possibles du texte et désarmer les oppositions prévisibles ont été nombreux, et deux propositions faisant conflit politique, de celles qui permettraient réellement de distinguer à la fois une constitution de gauche d'une constitution de droite, ont été sorties du projet : le droit d'éligibilité des étrangers au niveau communal, la taxation fiscale sur le seul lieu de domicile. La droite ne voulait pas de la première, la gauche ne voulait pas de la seconde, le projet sera expurgé des deux et on attend de cette purge le désarmement de deux oppositions qui, additionnées, menaçaient de condamner purement et simplement le résultat du travail de la Constituante. Pour des raisons semblables (désarmer les oppositions), plusieurs autres propositions ont été purement et simplement abandonnées : le transfert des grandes institutions culturelles et sportives au canton, la réduction de l'autonomie des communes, la radicalisation du « frein à l'endettement ». Enfin, des articles concernant la politique énergétique et l'engagement antinucléaire du canton, que la droite avait initialement refusés vont être réintégrés dans le texte, histoire d'amadouer une partie de la gauche. Sur ces points, comme sur le droit d'éligibilité des étrangers et l'imposition au lieu de travail, on en revient donc à la constitution actuelle. Pas de régression, pas de progrès, le statu quo. Pour éviter le conflit, la constituante a produit du confit.

Des reculs, cependant, les opposants déjà déclarés au projet de nouvelle constitution en pointent : la réduction des droits et des possibilités de contrôle démocratiques (élections plus espacées, chefferie quinquennale du Conseil d'Etat, augmentation programmée du nombre de signatures requises pour les référendums et les initiatives populaires), le rôle de l'Etat défini comme complémentaire de celui de l'«initiative privée», la suppression de la garantie de couverture des déficits des établissements publics médicaux, l'absence du rôle de l'Etat dans la concrétisation du principe d'égalité entre femmes et hommes...  Et puis, en sus des reculs, il y a le refus des avancées : le quorum électoral n'est pas abaissé, la parité femmes-hommes sur les listes électorales n'est pas imposée, l'égibilité municipale des étrangers n'est pas accordée.

Et nous, alors, qu'en diras-t-on, de ce projet ? On en dira qu'il faut en juger en le comparant à la fois à la constitution actuelle (quels sont les progrès, quels sont les reculs, qui l'emporte des progrès et des reculs ?) et aux engagements pris lors de l'électiion de la constituante (pour les socialistes : leur « feuille de route ») : quels engagements ont été tenus, quels engagements ont été oubliés, quels reculs proclamés comme inacceptables ont été effectués, quelles avancées proclamées comme nécessaires ont été refusées ? C'est le résultat de ces comparaisons qui devrait dicter nos mots d'ordres : un NON clair si le projet de nouvelle constitution est, sur le fond, plus mauvais que la constitution actuelle, un OUI s'il est meilleur, une indifférence polie et un vote blanc si la seule différence entre les deux textes tient de la cosmétique ou du ravalement de façade. Parce qu'enfin, si mal élue qu'elle ait été, on n'a pas élu une constituante pour passer du ripolin sur la constitution actuelle, mais pour en changer. Pour produire un texte véritablement neuf. Qu'il soit de gauche ou de droite, mais qu'il tienne debout tout seul, qu'on puisse en débattre sur le fond, et pas sur la forme, et qu'on puisse débattre de propositions fortes, et pas de compromis mollachus.
Mais à nous qui voulions du piment, on sert de la guimauve...

jeudi 24 mai 2012

Fonds de tiroirs


L'Assemblée constituante genevoise lance une campagne d'information pour sensibiliser la population à ses travaux et à leur (glorieux) résultat en vue de la votation populaire du 14 octobre prochain, sur le projet de nouvelle constitution cantonale. Six « soirées thématiques » sont donc prévues pour permettre aux constituants de rencontrer la population (ah bon, il faut leur organiser des soirées pour qu'ils rencontrent la population ?) et à la population de rencontrer les constituants. Et pour commencer : d'apprendre leur existence.  Les deux premières de ces soirées sont organisées à Genève : la première, le 10 mai, à Uni Bastions, la seconde, le 23 mai, à la Maison de retraite du Petit-Saconnex.  Et c'est un excellent choix, le bac à sable et l'EMS. Directement du producteur au consommateur, en somme...

Elle pensait avoir trouvé un truc infaillible pour faire passer son projet de nouvelle constitution, la Constituante genevoise : en sortir les deux propositions qui susciteraient le plus d'oppositions (l'éligibilité municipale des étrangers, qui donne des boutons à la droite de la droite, et l'imposition au seul lieu de domicile, qui mobilise contre elle les communes et la gauche), et les soumettre aux citoyens et yennes en un vote séparé. Ben non, a rétorqué le Conseil d'Etat, c'est pas possible, vous n'avez pas le droit de tronçonner le résultat de vos cogitations, la loi vous oblige à ne présenter qu'un seul projet, en une seule votation. Bref, vous ne pouvez pas vous défiler : soit les deux propositions contestées sont définitivement sorties du projet, et pas question de voter sur elles ensuite, soit elles y sont réintégrées (les deux, ou une seule des deux) et elles sont votées avec le reste. Non mais, qu'est-ce que c'est que cette constitution en kit que la Constituante voudrait proposer ? Du droit constitutionnel façon Ikéa ?

Bon, finalement, on ne votera pas sur les deux dispositions (le droit d'éligibilité municipale des étrangers et la fin de l'imposition au lieu de travail que la Constituante a sorties de son projet de Constitution parce qu'elles risquaient d'ajouter deux oppositions à ce projet au moment de sa soumission au peuple. Les deux dispositions ont donc été sorties du projet une fois pour toutes.  De mauvaises langues de gauche (si, si, y'en a) se sont empressées d'ajouter que si on devait sortir du projet toutes les dispositions qui risquaient de susciter une opposition, il n'y resterait plus grand chose de neuf, dans le projet. Des mauvaises langues, on vous dit...
 

Nouvelles de la Constituhante : Le groupe « Radical Ouverture » regrette l'acceptation du droit d'éligibilité municipale des étrangers par la Constituante, en deuxième lecture. Le groupe « Radical Ouverture » a l'ouverture congrue. Il a surtout peur, le groupe Radical Entrebaillement que cette disposition «  avant-gardiste »  (tu parles d'une avant-garde : donner le droit d'éligibilité à des gens qui avaient déjà le droit de vote...) risque de faire échouer tout le projet de constitution. Dans lequel y'a des dispositions auxquelles le groupe Radical Pied dans la porte tient mordicus. Notamment celle qui prive la Ville de Genève de dizaines de millions de francs de ressources fiscales par an. C'est d'ailleurs pour faire soutenir le projet final par au moins une partie (la plus molle) de la gauche qu'une partie (la plus intelligente) de la droite a laissé passer le droit d'éligibilité des étrangers. Apparemment, le groupe Radical Soupirail ne fait pas partie de la partie la plus intelligente de la droite de la Constituante. C'est Kunz qui a écrit le communiqué du groupe Radical Meurtrière ?

Il y a au moins une institution politique genevoise qui ne nous décevra jamais : la Constituante. Le 9 février, elle a successivement voté la suppression de l'imposition au lieu de travail (pour ne garder que celle au lieu de domicile) et refusé, à l'appel de Longfavre,  de transférer au canton la charge financière des infrastructures culturelles et sportives d'importance cantonale et régionale. Résultat, si on acceptait le pensum de la Constituante : les communes qui assument la charge financière de ces grandes infrastructures (le Grand Théâtre, par exemple cité au hasard) devraient continuer à les payer, mais avec des ressources réduites (la Ville de Genève perdrait 120 millions par la suppression de l'imposition au lieu de travail : en gros, ce qu'elle consacre aux grandes institutions culturelles sises sur son territoire, mais ujtilisées par la population de toute la région). Elle est simple comme un racket, la méthode de la constituante : je décide, tu paies...

La droite avait pensé faire un bon coup, à la Constituante  : elle avait proposé d'inscrire carrément dans la constitution la réalisation d'une traversée routière du lac, comme l'une des tâches de l'Etat. Comme elle est majoritaire à la constituante, la droite, elle pensait que l'affaire était dans le sac. Las ! quelques UDC ont voté contre l'amendement proposé par l'Entente, le MCG et soutenu par le reste de l'UDC (qui vient d'ailleurs de lancer une initiative populaire demandant précisément une traversée routière du lac, ce qui pourrait avoir inciter quelques udécistes à ne pas vouloir lâcher cet os). D'où une grosse grosse colère, sur leurs blogs, du MCG Patrick Dimier et du PLR Pierre Kunz, qui annonce carrément que, du coup, la droite appellera à voter contre le projet de constitution (chiche !)... On n'a pas souvent l'occasion de se marrer, avec la Constituante, alors quand l'UDC nous en donne une aux dépens du reste de la droite, on va pas la louper...

On sait que vous en êtes friands, alors on vous en donne : des nouvelles de la Constituante. Ben si, elle existe toujours, elle siège toujours, et elle va encore siéger. Donc voilà, elle a terminé la deuxième lecture, à haute voix, et même sans images, de son projet de nouvelle constitution genevoise. Elle en a profité pour tirer le projet un peu plus à droite (renforcement du frein à l'endettement, purge des articles relatifs aux établissements de droit public). Elle doit encore le relire une fois, la troisième (elle ne s'en lasse pas), mais ne pourra plus le modifier, sauf décision d'une majorité absolue des membres de l'assemblée, absents compris, pour entamer à nouveau une discussion sur un article. Quatre sessions sont encore prévues pour cette troisième lecture, le vote final aura lieu le 31 mai, le texte sera ensuite remis au Conseil d'Etat, qui dira ce qu'il en pense (le Grand Conseil ne sera pas consulté), puis au peuple. Qui le refusera, le 14 octobre prochain. Soit le 23 vendémiaire, jour des navets. ça ne s'invente pas, ce genre de coïncidences...

Petit marchandages dans le souk constituant genevois : la droite vire l'une des rares avancées du projet de nouvelles constitution,  le droit d'éligibilité communale des étrangers,  et en échange réintègre l'imposition au lieu de travail. But de l'exercice : désarmer deux oppositions potentielles au projet, celle de l'extrême-droite au droit d'éligibilité, celle de la gauche à la réforme de la fiscalité. C'est qu'on ne veut pas se retrouver en octobre avec le résultat de deux ans de palabres balancés à la poubelle par les citoyennes et yens au nom de qui on a palabré. Et qu'on va donc leur servir une bouillasse tiède, « un texte qui manque de souffle », comme le qualifie déjà le Constituant associatif Yves Lador (dont le groupe a (sauf erreur) participé aux négociations avec la droite pour un « accord de convergence ». On sent qu'il va être exaltant, le débat sur le projet final. Et qu'on va pouvoir se dire qu'après tout, elle aura au moins servi à une chose, mais une seule, la Constituante : à alimenter les caisses des partis grâce aux jetons de présence des constituants. De là à en tirer la conclusion politique qu'il faudra dire «oui» à ce qui en est ressorti, même par gratitude financière, on hésite...


mercredi 22 février 2012

Le projet de nouvelles constitution genevoise en deuxième lecture : Bricolages et rabotages

L'Assemblée Constituante genevoise « construit la future constitution », annonce la dernière livraison de la « Lettre de la Constituante ». C'est au pied du mur qu'on reconnaît le maçon : en septembre dernier, l'entrée en matière sur l'avant-projet avait été acceptée, et l'assemblée a entamé ce mois la deuxième lecture du projet de nouvelle Constitution. Et elle l'a entamé par une polémique sur le statut de « déclarations interprétatives » dont des constituants souhaitent garnir le projet au prétexte de clarifier les intentions de ses auteurs (c'est-à-dire d'eux-mêmes). Le problème, c'est que ces déclarations, qui ne devraient avoir aucune valeur n'étant pas votées par le peuple, ni même sérieusement débattues par la Constituante, ont tout de même un poids et pourraient servir de référence au Tribunal fédéral pour jauger du respect ou non de telle ou telle disposition constitutionnelle. Bref, les bricolages continuent. Et le rabotage des belles intentions initiales, notamment en termes de droits démocratiques sociaux, aussi...

Le vain est tiré et on peut ne pas le boire...


En octobre dernier, constatant qu'à Genève, la Constituante était « passée d'un projet d'avenir à une machine à remonter le temps », et que « pour changer ce cours des choses, il (fallait) plus qu'une réponse institutionnelle visant la dissolution » de cette assemblée, ce qu'avait proposé alors le président du PS genevois, Carlo Sommaruga invitait à un « acte symbolique fort, qui permette de reprendre l'initiative politique et mettre fin à l'hégémonie idéologique des anciens combattants de la droite réactionnaire » (chacun sachant qu'il n'y a, évidemment, pas de gauche réactionnaire) : que l'ensemble des forces « progressistes » suspendent leur participation à la Constituant et fondent une « Constituante alternative, la Constituante du progrès social et de l'avenir durable ». Trois mois plus tard, on en est où ? Ben, au même point qu'en octobre. Autant dire : nulle part.


L'élargissement des droits politiques, l'un des enjeux principaux, voire l'enjeu essentiel d'un débat constitutionnel, dans une démocratie, n'a pas été relevé. Autant dire que sur ce point fondamental, l'exercice constituant genevois aura été inutile... Ainsi, la Constituante tente de se débarrasser de la revendication de l'élargissement des droits politiques des étrangers en la sortant du projet de nouvelle constitution pour la faire voter à part, alors même que la loi instaurant la constituante impose à celle-ci de ne présenter qu'un seul et unique texte de nouvelle constitution (mais il manquait sans doute une « déclaration interprétative » à la loi pour faire comprendre à la droite ce que cela signifie); la facilitation de l'exercice des droits d'initiative et de référendum par la diminution du nombre de signatures nécessaires est également passée à la trappe. S'agissant des droits sociaux, les syndicats ont dressé la liste des contentieux (dont la privation du droit des étrangers à être juges prud'hommes et la limitation du droit de grève par une obligation de « service minimum » qu'on ne définit pas et dont on ne précise rien) qui, s'ils n'étaient pas réglés, provoqueraient un appel de la Communauté genevoise d'action syndicale à refuser le projet.


Carlo Sommaruga plaidait pour « une sortie fracassante des forces progressistes » de la Constituante, afin de délégitimer cette assemblée de vieux mâles réactionnaires, et suggérait à ces forces de s'assembler en une Constituante « alternative » capable de donner « un nouveau souffle aux débats sur les enjeux sociaux et sociétaux » et d'élaborer une charte fondamentale « progressiste et durable » (tout discours socialiste ne contenant pas le qualificatif de « durable » étant un discours incomplet). Trois mois plus tard, les «forces progressistes» sont restées rivées à leurs sièges à la Constituante et continuent d'y jouer les utilités. Et la seule constituante alternative que nous ayons à opposer à ce qui sortira des débats du cénacle constituant reste celle (durable, pour le coup...) qui a pondu la constitution cantonale de 1847. Avec tous ses défauts et tous ses archaïsmes. C'est dire si, pour prometteur qu'il était au départ, l'exercice constituant genevois se sera (ou s'est déjà) révélé vain. A l'automne, on votera sur le résultat de cet exercice. Or ce n'est pas parce que le vain est tiré qu'il faut se sentir obligé de le boire...

dimanche 18 décembre 2011

Fonds de tiroir

La droite baisse un peu pavillon à la Constituante, histoire de sauver les quelques chances qui reste à cette auguste assemblée de faire passer le produit de ses cogitations en votation populaire l'année prochaine : elle a ainsi accepté de réintégrer dans le texte de son projet une partie des dispositions anti-nucléaires de la constitution actuelle et les principes (mais pas les textes) issue des initiatives contre les chiens dangereux et contre la « fumée passive ». Elle a aussi admis que l'accès aux rives du lac soit ouvert au public, mais en respectant « les intérêts publics et privés prépondérants ». Au nombre desquels, sans doute, celui des propriétaires de villas « pieds dans l'eau » peu désireux de voir la plèbe déambuler sous les fenêtres de leurs boudoirs. « Le Courrier » résume : «les Constituants mettent un peu de vert dans leur projet» . Qu'est-ce qu'il faut pas faire pour donner aux Verts et au PS l'occasion de se dire qu'ils ont servi à quelque chose dans la Constituante....

vendredi 16 septembre 2011

Au prétexte du naufrage annoncé de la Constituante genevoise

Le lien politique : adhésion ou contrat ?

Ce qui est en cause dans tout débat sur la réforme des institutions politiques, et ce que la Constituante genevoise, si elle avait fait son boulot, aurait du s'attacher à réformer, est la nature du lien ou du contrat politiques, et l’identité de qui le tisse ou le conclut. Qui est le Souverain ? Sur quoi s’exerce sa souveraineté ? Le choix se fait entre l’adhésion et le contrat: l’adhésion qui se fait à ce qui déjà existe, et le contrat qui créée ce qui sans lui n’existerait pas et avant lui n’existait pas. De la nature de ce choix découle la nature du lien politique, le type d’institutions matérialisant ce lien, l’étendue des droits et des libertés des individus formant le corps politique.

2012 : année Rousseau -et du naufrage constituant.

On aurait pu célébrer l'année Rousseau, en 2012, par le vote d'une nouvelle Constitution réécrivant le contrat social et politique qui fonde la République -on la célébrera vraisemblablement par le refus d'un projet stupidement revanchard, bâclé, indigne du temps passé et des moyens octroyés à sa ponte -mais que la Constituante va tout de même passer 14 séances à raboter, avant sans doute que le peuple n'en fasse des copeaux. Le débat fondamental n'aura pas eu lieu, et nous sommes toujours confrontés à la nécessité d’un choix entre deux conception antagoniques du politique, et donc des institutions : celle qui privilégie l’appartenance, et celle qui privilégie l’autonomie. Nous choisissons la seconde, mais nous savons vivre dans un monde bâti sur la première, cela seul suffisant à justifier la volonté de le changer –et d’en changer les institutions. L’adhésion ou le contrat fondent des rapports très différents aux institutions politiques, et au corps politique lui-même –deux types idéaux qui sont un peu l’un à l’autre ce que la communauté est à la société, ou la détermination à l’autonomie. Là où l’adhésion entraîne l’appartenance, le contrat établit un rapport d’autonomie ; quand l’appartenance fonde une communauté ou une nation, le contrat crée une république. Ainsi est-on membre de ce à quoi l’on adhère et sujet du pouvoir qui y règne, quand on est citoyen de ce que l’on a créé par contrat : le sujet est un composant du corps politique, le citoyen constitue ce corps. Il s’agit bien de deux logiques différentes, contradictoires : dans le première, l’individu n’est rien sans ce à quoi il adhère, nation ou tribu ; il n’est quelque chose politiquement que par ce dont il est membre. Sa liberté, ses droits, son identité politique lui sont octroyés en échange de son adhésion, et sont le prix du lien qu’est cette adhésion. En revanche, la logique du contrat est d’autonomie individuelle et collective : l’individu est fondateur d’un ordre politique dont il reste, pour tout ce qui le concerne, le maître, comme il est maître de son association aux autres ; il est seul juge de son propre respect des termes du contrat qu’il a passé, qu’il peut renégocier ou rompre. On reconnaît certes ici la différence entre des régimes politiques fondés sur le principe de soumission et des régimes politiques fondés sur le principe d’autonomie, mais plus profondément encore, à l’intérieur même des normes formelles de la démocratie et des régimes qui s’y réfèrent, une contradiction radicale entre l'Etat et la cité : l’apparente submersion historique de la seconde par le premier, depuis plus de deux siècles, n’a rien résolu de cette contradiction, pas plus que la « supranationalité » continentale (l’Union Européenne), mondiale (l’ONU) ou économique (l’ordre marchand et financier) n’en est le dépassement. La démocratie, en somme, reste à inventer.