mercredi 23 février 2011

Constituante genevoise : Chouette, on est consultés !


Le 5 février prochain s'est ouverte la consultation (la seule et unique) organisée pour soumettre à l'appréciation de qui aura quelque chose à en dire l'avant-projet de nouvelle Constitution issue des travaux de la Constituante, outre un questionnaire plus général. Cette consultation (qui comprendra des stands dans la rue et des soirées débats) se terminera le 25 mars. En d'autres termes, elle se déroulera parallèlement aux élections municipales, sans que l'on puisse prédire laquelle des deux campagnes parasitera l'autre, ou sera submergée par elle... L'avant-projet de constitution genevoise est disponible sur internet (www.ge.ch/constituante/doc/constitution/avant_projet_130111_version_finale.pdf), comme d'ailleurs les thèses refusées et acceptées par la Constituante, et les rapports des 5 commissions thématiques. Quitte à le comparer à ce qu'aurait pu être une constitution de gauche (www.perso.ch/troubles/constitution.pdf) ou aux bonnes intentions des partis désireux de participer à l'exercice constituant (par exemple : www.ps-ge.ch/constituante), On ne saurait trop vous inciter à lire cet avant-projet, et à participer à la consultation (tout le monde peut le faire, sans condition d'âge ou de nationalité, puisqu'une constitution s'applique à tout le monde sur le territoire qu'elle norme).

Les feuilles de route, qu'on ramasse à la pelle

Mal élue, avec une abstention massive par un corps électoral réduit à ce qu'il est pour les élections cantonales (pas de droit d'élection, ni d'ailleurs d'éligibilité, pour les étrangers et les moins de 18 ans), reproduisant dans sa composition celle du « milieu politique » traditionnel (masculin, indigène, âgé, ayant siégé ou siégeant encore dans moult institutions publiques), la Constituante genevoise est arrivée, malaisément, et sans grande audace, au bout de la première étape de son travail : elle a pondu un avant-.projet de constitution, qui vaut ce qu'il vaut, c'est-à-dire pas grand chose, mais qu'elle a au moins décidé de soumettre à une consultation plus large qu'à celle des quelques dizaines de milliers de personnes qui l'avaient élue. Ecartés de l'élection, les étrangers et les étrangères, comme d'ailleurs les Genevois-es et les Confédéré-es de moins de 18 ans, pourront donner leur avis sur le résultat du travail constituant. A lire cet avant-projet, on n'est ni surpris, ni horrifiés. Ni surpris de sa médiocrité, ni horrifiés de son contenu : après avoir montré ses muscles, la droite majoritaire s'est souvenue qu'elle (ou du moins une partie d'entre elle) avait aussi un cerveau, et a fait quelques concessions à la gauche -des concessions indispensables si elle voulait garder pour le projet de nouvelle constitution un petit espoir d'être accepté par le peuple, et éviter de se retrouver responsable d'une foirade historique. Mais des concessions largement insuffisantes pour que ce projet vaille la peine, en l'état, d'être soutenu. Et des concessions sur lesquelles la droite s'apprête à revenir (les radicaux et les libéraux menacent ainsi de refuser le texte si l'abaissement du nombre des signatures pour les référendums et les initiatives y était maintenu). Mais, toute unie, Entente, liste patronale, UDC et MCG caporalisés par quelques nostalgiques de la constitution de 1815, la droite a réussi à faire pondre par la constituante une constitution qui, en l'état, ne mérite qu'un refus clair et net. La « consultation » organisée parallèlement aux élections municipales peut-elle changer le contenu de ce texte au point de nous le rendre acceptable? On ne risque ni ne perd rien, en tout cas, à y prendre part, et à s'y faire entendre, les plus nombreux, et le plus clairement, possible. Reste qu'une occasion a déjà été gâchée : celle d'écrire une « constitution pour la Genève du XXIe siècle ». Traduire un projet politique en règles institutionnelles, en droits (et, conséquemment, en devoirs, puisque chaque droit énoncé implique un devoir qu'il n'est plus besoin d'énoncer, puisqu'il est contenu dans le droit) : c'est à cela que sert une Constituante, et c'est cela seul qui peut la légitimer. Sinon, quoi ? lisser un texte existant, le moderniser, le « dépoussiérer » ? c'est un exercice de commission d'experts. En revenir à un état constitutionnel antérieur ? c'est l'exercice auquel s'est livré la droite genevoise. Sauver les meubles, faire la chaîne pour éteindre un début d'incendie politique avec ses petits seaux tout pleins de bonne volonté consensuelle, ce fut à quoi s'astreignit la gauche. Les constituant-e-s socialistes, pour ne citer qu'eux, n'avaient pourtant pas été élu-e-s pour ravauder les chaussettes trouées de 1847 ou napper de quelques gadgets technocratiques le brouet que touillait la droite : ils et elles avaient été élu-e-s sur un projet politique, qu'exprime la « feuille de route » qu'ils avaient reçue de l'assemblée générale qui avait accepté leur candidature. Comparer cette « feuille de route » au résultat du travail de la constituante, c'est pour les socialistes aujourd'hui, mesurer ce travail. Et le juger. Et, s'il n'est pas revu fondamentalement, le condamner, et lorsqu'il sera soumis au peuple, appeler à le refuser.