samedi 31 mai 2008

Constituante : les partis se mettent en ordre de bataille. Mais pour quelle bataille ?
Le Désert des Tartares ou le Rivage des Syrtes ?

Dans le " Désert des Tartares ", une garnison perdue attend en vain que l'ennemi consente à montrer le bout de sa lance. Dans le " Rivage des Syrtes ", le narrateur provoque le conflit pour se libérer de l'oppressante angoisse d'une telle attente. Se préparant à l'élection de la Constituante, les partis politiques genevois pourraient choisir entre la morale de la fable de Buzzati et la morale de celle de Gracq, entre le pourrissement de l'attente sans objet et la provocation salvatrice. Ils ne choisiront vraisemblablement ni l'une, ni l'autre, se contenant eux-mêmes entre la recherche à tout prix d'un consensus et l'acceptation de la contradiction comme condition d'un travail constituant.

Dis-moi qui tu constituhantes
Le PS a donc désigné hier soir les quarante candidates et candidats de sa liste pour l'élection de la Constituante genevoise, cet automne -et nous en sommes. Réformer les institutions, et pour cela changer la Constitution : ce projet est le seul qui vaille que l'on s'engage dans l'élection d'une Constituante, et que l'on y pose candidature. Peu devrait donc nous chaloir que la constitution genevoise datât de 1847 ou de la dernière averse : on n'a pas besoin d'une Constituante pour moderniser la Constitution : à cet ouvrage insignifiant, un dictionnaire et un séminaire de juristes suffisent. Que les institutions genevoises soient ou non en crise devrait pareillement nous indifférer, sauf à regretter que tel ne soit pas le cas ou que la gravité de cette crise ne soit pas telle qu'elle remette en cause des institutions dont il convient de rappeler qu'elles ne sont pas les nôtres -s'il est vrai que nous en avons hérité et y avons fait notre nid. Nous avons à défendre un projet de changement des institutions, non pour les mettre dans un " air du temps " que nous ne pouvons respirer qu'avec quelque répugnance, mais pour en faire tout autre chose que ce qu'elle sont. Si être de la Constituante peut y concourir, alors il vaut la peine d'en être. Si être de la Constituante ne devait être qu'œuvrer dans un salon de toilettage de la constitution comme il en est pour chiens, il conviendrait de recommander aux citoyennes et citoyens de ce canton de bien se garder -et nous garder- de nous y envoyer.

vendredi 2 mai 2008

REECRIRE LE CONTRAT SOCIAL

La Constitution est le texte d'un contrat : le contrat social, passé non entre les citoyens et le pouvoir, mais entre les citoyens eux-mêmes (et elles-mêmes), et entre eux (et elles) seuls. Le pouvoir politique, les institutions, ne sont pas partie au contrat, signataires du contrat : il est et elles sont créées par le contrat. D'où l'importance du débat constitutionnel, et d'où la nécessité de le mener dans un espace politique indépendant de toute institution politique existante. Cet espace politique, c'est la Constituante.

La Constituante est donc cet espace politique indépendant, spécifique, voué à la seule tâche de reformuler le contrat social passé entre celles et ceux qui sont Genève -qui sont la République. Cet espace est le lieu où les débats de sociétés, les enjeux du moment, les exigences des habitants, peuvent s'exprimer et se traduire en un texte fondateur, sans les intermédiaires institutionnels habituels, sans les médiations et les habitudes parlementaires, hors des codes, des conventions, des prudences du " milieu politique " -au point qu'il n'aurait pas été absurde de réserver le droit d'être élu-e à la Constituante à celles et ceux qui ne siègent dans aucune instance institutionnelle. La Constituante ne sera pas l'affaire des seuls partis (s'ils y seront, évidemment représentés, et s'il ne saurait être ici question de contester que le pluralisme démocratique implique le pluralisme partisan, et des partis politiques forts, actifs et présents), mais aussi, et peut-être surtout, l'affaire de la " société civile ", du mouvement social, des citoyennes et des citoyens eux-mêmes.

Pendant tout le travail constituant, et au terme de ce travail, la question posée sera d'inscrire la démocratie dans un espace politique, et de transcrire les exigences formulées par la société dans un édifice institutionnel qui ne soit pas en rupture, comme l'est celui décrit par l'actuelle constitution, avec ces exigences. La démocratie, aujourd'hui, s'inscrit dan s un espace normé par l'Etat -et structuré par le droit de l'Etat. Cet espace n'est pas un espace social, mais un espace géographique. Le droit n'est plus un droit personnel mais un droit territorial ; il n'est plus le droit défini par la communauté culturelle à laquelle on appartient -un droit différent de celui de mon voisin, pour peu que nous participions de communautés culturelles différentes- mais il est le droit défini par l'endroit où l'on vit -le même droit que celui de mon voisin, même si nous participons de deux communautés culturelles différentes. La dissociation, flagrante à Genève, des territoires politiques d'habitation, de travail, de loisirs, impose la constitution d'un réseau d'espaces politiques, qui ne peuvent qu'être les espaces municipaux puisque eux seuls existent sur tous les territoires politiques cantonaux, départementaux, régionaux, nationaux) sur lesquels la région genevoise déborde.