lundi 15 octobre 2012

Genève : Molle adoption d'une constitution molle...

Et d'une ! (reste l'autre...)

Verre à moitié vide ou à moitié plein ? On pariait, ici, sur le rejet de la nouvelle constitution -pari perdu : elle a été acceptée. On pariait sur une abstention de l'ordre des deux tiers, pari gagné : on y est, largement. On voulait des votes blancs plus nombreux que la différence entre les « oui » et les « non », on y est en Ville de Genève mais pas au plan cantonal (où la proportion de votes blancs est tout de même trois fois supérieure à l'habituelle)... Il y avait deux constitutions auxquelles faire le sort qu'elles méritent : l'une était en vigueur, l'autre était proposée pour remplacer la première. On ne pouvait les refuser les deux, on devait en accepter ou en confirmer une, et refuser ou accepter l'autre. C'est fait : la constitution proposée a été acceptée, la constitution en place transférée aux archives et la dépouille de James Fazy enfin laissée à la paix des dépouilles.


On n'a pas sauvé le Palais Idéal du Facteur Cheval...


Dali avait inventé la montre molle, Genève a mollement inventé la constitution molle. Déception quand au projet soumis ? Indifférence au choix proposé ? Disons que le « paquet ficelé » qu'est forcément un projet de constitution n'a pas emballé grand monde -juste un peu plus que celui qu'il va remplacer. En 2003, les Vaudois avaient approuvé leur nouvelle constitution avec une participation de 44,4 %, neuf ans après, les Genevois acceptent la leur avec une participation de treize points inférieure. Il est vrai qu'en 2008, ce ne fut qu'avec une participation de 33 % que la Constituante genevois fut élue  : le résultat des travaux de la constituante n'a donc pas plus intéressé que son élection. Qui est allé voter ? La base militante et les élu-e-s des partis, les militant-e-s et les cadres des associations et des mouvements qui ont fait campagne (ou au nom desquelles leurs directions ont fait campagne), sans doute. Et puis ? Et puis, pas grand monde, notamment dans les quartiers populaires (les bastions du « non »). Et on ne peut, par définition, rien dire de l'abstention, sinon qu'elle ne dit rien par elle-même et qu'elle laisse donc les autres dire à sa place. C'est la différence avec le vote blanc que nous recommandions, voire avec le vote nul quand il n'est pas le fruit d'une erreur : les 1600 votes blancs disent un refus du processus, ou un refus du système, ou un refus du choix...  et en Ville de Genève, à Carouge et à Lancy, le vote blanc a sans doute permis au « non » de prendre un léger ascendant sur le « oui »... Avec un enseignement au passage, à l'intention de la gauche de la gauche : quand on construit une campagne sur des arguments foireux, on obtient des résultats foireux, car nous n'avons pas, de notre côté du champ politique, le talent de l'UDC à faire passer de sombres conneries pour vérités d'Evangile (ou de Coran) : la Constitution n'a pas été prise pour un minaret... Mais quelle moquette quelques un-e-s de nos camarades avaient bien pu fumer pour croire (peut-être) et tenter de faire croire qu'avec la nouvelle constitution, la chasse allait être rétablie, les centrales nucléaires autorisées, l'armée mobilisée contre nos manifs et les curés mettre la main au panier de la République ?


31 % de participation d'un corps électoral ne représentant que la petite moitié de la population, cela nous fait dans les 15 % de participation de la population. La « charte fondamentale de la République » n'aura donc été approuvée que par 8 % de sa population... On en est ainsi revenu au temps de l'oligarchie, au temps, avant 1794, où 2000 citoyens décidaient pour les 20'000 habitants de la République, lorsque les femmes n'avaient pas le droit de vote, ni les « natif », ni les étrangers, ni les indigents, ni les catholiques, ni les juifs... On devait par le projet de nouvelle constitution « entrer dans le XXIème siècle » ?  A s'en tenir au taux de participation, on est plutôt revenu au début du XVIIIème...


La Constitution de 1847 et ses 130 modifications n'ont pas survécu à leur première (gageons qu'elle ne sera pas la seule...) révision globale. Elle ne le méritait pas, mais ce que l'on proposait à sa place ne méritait pas non plus de s'y retrouver, et Genève ne l''a sans doute approuvé que pour renoncer à garder en guise d « charte fondamentale » un texte illisible, boursouflé, contradictoire, fait de couches politiques empilées, de bricolages, d'inserts de textes législatifs, voire réglementaires, dans un texte constitutionnel.

Le texte que la gauche de la gauche et la droite de la droite voulaient confirmer ce dimanche n'avait plus grand chose d'une constitution : c'était un élément patrimonial inutilisable politiquement par les citoyennes et les citoyens elles et eux-mêmes. Une sorte de Palais Idéal constitutionnel. comme il en est un anarchitectural. En fait, ce que la gauche de la gauche a échoué à sauver hier, c'est l'équivalent politique du Palais du Facteur Cheval. Un monument très décoratif, et totalement inhabitable. Un geste artistique, pas un programme politique.

Genève s'est dotée hier d'une constitution 100 % légale mais à moins de 10 % de légitimité, et des deux constitutions dont nous souhaitions la défaite sans pouvoir l'obtenir pour les deux,  il nous en reste une, la plus récente, à refaçonner...

samedi 13 octobre 2012

Fonds de tiroirs

Le comité unitaire (de gauche, y'a pas le MCG et l'UDC dedans) contre le projet de nouvelle constitution genevoise appelle (lundi 1er octobre à 18 heures place Saint-Gervais, si ça vous dit) à un rassemblement en hommage à la constitution de 1847. Née d'une révolution, certes, mais quand même : ce qui était révolutionnaire en 1847 a largement eu le temps de devenir réactionnaire en 2012. Heureusement qu'on n'a plus que trois semaines à tenir avant le vote sur le projet de nouvelle constitution, parce que sinon, la gauche de la gauche aurait encore le temps de nous organiser une manif de soutien aux Franchises d'Adhémar Fabri ou à l'arrivée de Jules César sur le pont du Rhône...

« Six partis déclarent leur flamme à la Constitution », titre la « Tribune » d'aujourd'hui. Sur les six, les quatre partis gouvernementaux, plus le parti pirate et les Verts libéraux. Avec comme argumentation : « le projet (...) fruit d'un compromis offre un contrat social renouvelé». Déjà que « déclarer sa flamme » à un compromis, ça respire pas franchement la passion romantique... c'est pas franchement mobilisateur tout ça... quoique... en fait, ça mobilise, mais contre le projet de la Constituante, toutes les oppositions possibles et imaginables, vu qu'en ce moment, les coalitions de gouvernementaux, même garnies de quelques plumes marginales, ça suscite pas vraiment l'enthousiasme populaire... mais bon, hein, nous ce qu'on en dit, on est contre les deux constitutions, alors que ça soit l'une ou l'autre qui se gaufre, on aura gardé une bouteille de blanc au frais pour fêter cette (forcément) demi-victoire avec la Jeunesse Socialiste... et oublier le déferlement de conneries que nous promet la campagne avant le 14 octobre.

Le Manifeste pour la fermeture du centre de rétention de Frambois et l'arrêt des expulsions forcées est disponible sur www.itprojects.org/stop-dead/ Et au cas où le projet de nouvelle constitution genevoise était accepté (ce qui n'est pas l'hypothèse la plus vraisemblable) on notera que son article 18 prescrit que « nul ne peut être refoulé sur le territoire d'un Etat dans lequel il risque la torture ou tout autre traitement ou peine cruels et inhumains ou toute autre atteinte grave à son intégrité ». Sur ce point, l'actuelle constitution genevoise est d'un silence... fédéral...

La couverture du journal du Groupe pour une Suisse sans armée (GSSA), illustrée d'une photo d'un poste de mitrailleuse après le massacre du 9 novembre 1932, nous sert ce titre : « 9 novembre 1932, plus jamais ça ! - NON à la nouvelle constitution qui fait appel à l'armée pour la «sécurité intérieure » (article 112)». Eh, les gars, faudra vous le rappeler combien de fois que le massacre du 9 novembre 1932, c'est la constitution actuelle, celle que vous voulez garder, qui l'a permis ? Quant à l'évocation du projet de nouvelle constitution que vous combattez (et qui me mérite en effet pas d'être soutenu, s'il ne mérite pas non plus d'être combattu), où diable est-ce que vous y avez vu qu'il « fait appel à l'armée pour la sécurité intérieure   (art. 112) ? Dans vos cauchemars ? L'article 112 autorise seulement le Conseil d'Etat à « solliciter l'appui de l'armée, d'autres services fédéraux ou d'autres cantons à des fins civiles » ... pas à tirer dans le tas de manifestants antiofacistes comme l'autorisait (et, formellement, l'autorise toujours) l'actuelle constitution...  Des arguments contre le projet de nouvelle constitution, il y en a assez, et d'assez pertinents, pour qu'on évite d'en bidouiller d'insanes. Non ? Ah bon. ben on va se servir un coup de blanc pour oublier que des copains ont décidé de prendre les gens pour des cons...

Hier matin, dans un geste résiolument jobinesque, 900 ballons multicolores ont été lâchés par les partisans du projet de nouvelle constitution sur la jetée qui mène au Jet d’eau, pour «  redonner des couleurs à notre République ». Ouais. Ben on voudrait pas médire, c'est pas notre genre, mais lâcher des ballons pour soutenir une baudruche, c'est pas un peu faire campagne avec du vent ?

Or donc, sur les douze juristes de l'Asloca, onze, dont le député socialiste Christian Dandrès, ont pris position publiquement contre le projet de nouvelle constitution genevoise, l'Asloca elle-même s'étant prononcée en faveur de la liberté de vote. Liberté dont les onze juristes ont donc fait usage (comme d'ailleurs le président d'honneur de l'organisation, Grobitou, qui appelle à voter «non», et le vice-président, Calimero Velasco, qui appelle à voter « oui », qui reproche (dans la « Tribune »  de mercredi) aux onze juristes d'appeler à voter «non», mais autorise l'abstention. Le vote blanc, on sait pas. Voilà, on a fait (provisoirement) le tour. Et dire qu'il y a des gens à gauche qui craignent que si la gauche occupait les cinq sièges du Conseil administratif de la Ville, on se retrouverait avec une Municipalité «monocolore»  alors que polychromes, on l'est à nous tout seuls et qu'on n'a même pas besoin de la droite pour ça...

On constatera que le Conseil d'Etat a pris les devants, dans la perspective de l'annonce du résultat, le 14 octobre vers midi, du vote sur la future ex-nouvelle constitution genevoise :
« Alliance contre la dépression : aide financière aux Hôpitaux universitaires de Genève
Le Conseil d’Etat a accordé une aide financière de 66'000 francs aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) dans le cadre du programme cantonal «Alliance contre la dépression».
Cette aide financière permettra au département de psychiatrie des HUG de poursuivre ses activités dans le cadre du programme cantonal de lutte contre la dépression, qui vise à favoriser la détection précoce de cette maladie, faciliter l'accès aux soins et informer la population sur cette maladie. Un site Internet dédié à la problématique viendra ainsi compléter le dispositif existant et notamment la ligne téléphonique d'écoute, de conseil et d'orientation (022 305 45 45) à destination des personnes concernées, de leur entourage ainsi que des professionnels de la santé.»

La section genevoise du Touring-Club n'est pas contente du projet de nouvelle constitution : elle lui reproche d'avoir renvoyé à la loi la disposition de la constitution actuelle qui impose d'organiser le stationnement des bagnoles « de manière à répondre aux besoins propres des divers types d'usagers». Le front du refus s'étend donc à un nouvel argument fondamental : le droit constitutionnel à parquer sa caisse.


jeudi 11 octobre 2012

Constitution genevoise : Ce n'est qu'un débat, continuons le confus !

On s'était promis de ne pas y revenir pendant une semaine, et puis voilà, mille excuses, mais on craque. Parce que le débat constitutionnel genevois commence sérieusement à nous gonfler. Non par ce qui devrait être son objet et son enjeu, mais par la forme qu'il prend. Celle, qu'on nous pardonne la vulgarité de la métaphore, d'un débat de merde, mené à coup d'invectives, et de procès d'intentions, de caricatures des enjeux et de prédictions paranoïaques. ça pleurniche d'un côté, ça agonit de l'autre, et ça nous pompe l'air des deux.

Qu'est-ce que j'ai fait de mon linceul de réserve, moi ?


Et encore un argument massue pour nous faire voter le projet de la Constituant, un ! Celui-là nous est servi en édito par la Tribune d'hier : «Entrons dans le XXIe siècle», nous enjoint son red-en-chef ... ... voui, bon, d'accord, mais on n' y est déjà entré il y a bientôt douze ans, dans le XXIe siècle : le 1er janvier 2001 dans le calendrier vulgaire... A enfiler ce genre de perles de rhétorique creuse, les partisans du projet de la Constituante croient-ils pouvoir convaincre quelque hésitant de la nécessité d'aller voter (et d'aller voter « oui » ?)...
Donc, on vous le résume, l'état de ce débat où partisans et adversaires du projet de constitution se valent en se dévaluant :
Si le projet de la constituante passe, la chasse sera rétablie, Genève sera cernée de centrales nucléaires, des bandes de curés armés ratisseront la ville à la recherche des mécréants et tout rassemblement de plus de trois personnes sera dispersé par les mitrailleuses.
Si la constitution actuelle est confirmée, on reviendra au XIXème siécle, on s'éclairera à la bougie, on communiquera par le télégraphe de Chiappe, on se soignera sous le portrait de James Fazy avec les tisanes de mémé et on défuntera de la goutte à 50 ans après avoir fait huit enfants (dont quatre morts-nés) à son épouse défunte en couches à 35 ans.
Est-ce que par hasard, on ne nous prendrait pas un peu pour des cons ?

Nous avons ici à réitérées reprises conviés celles et ceux qui tenaient à produire ce vote « informé » dont Rousseau considérait qu'il était la condition d'un prononcement démocratique, à lire le texte qui leur était soumis, à le comparer avec le texte qu'il prétend remplacer, et à se souvenir des engagements politiques clairs pris au moment de l'élection de la Constituante. A lire les prises de positions qui nous tombent dessus comme la vérole sur le bas-clergé breton, à voir les affiches prônant le « oui » ou le « non », un intense et inhabituel sentiment de modestie nous étreint : on a prêché notre méthode socratique dans le désert déserté de la raison raisonnante. Et on finit par se dire que peu importe le résultat qui tombera dimanche en dix : le travail sera à refaire complètement.
Il y a d'ailleurs à cela un précédent : celui de la Constitution de 1847,  révisée 120 fois en 165 ans. Quelle que soit la constitution dont Genève se (re)trouvera affublée le 14 octobre à midi, le rythme de ses révisions ne se ralentira pas, et quelles que soient les conditions posées par l'une ou l'autre des deux constitutions en lice à l'exercice des droits démocratiques, on ne se fera pas faute d'user de ces droits pour proposer ce qui a été refusé par la Constituante et qui était pour nous autant de revendications fondamentales, ou pour extirper de la constitution ce qui mérite de l'être (et qui est sous une forme ou une autre généralement présent dans les deux textes). Mais en écrivant cela, on écrit à peu près rationnellement d'un travail politique rationnel. Or le débat qui s'est instauré depuis quelques semaines sur l'enjeu constitutionnel cantonal est largement sorti du rationnel -disons qu'il s'en est émancipé vers le bas, l'approximation, le procès d'intention, voire l'injure, et une louche de paranoïa. On ne débat plus des textes pour ce qu'ils contiennent, mais, sans les avoir lus, pour ce qu'on croit qu'ils contiennent, ou qu'on suppose qu'ils contiennent, ou qu'on a dit qu'ils contenaient entre les lignes, ou derrière les textes...
On ne débat d'ailleurs plus, on anathémise (se dit-ce ?), on excommunie, on instruit les procès en trahison... tel député socialiste est menacé d'exclusion et condamné au silence parce qu'il a appelé à voter « non », les partisans du vote blanc sont convoqués sur le front des troupes pour y être châtiés de leur désertion, les partisans de gauche du projet sont présentés par les adversaires du projet comme les « idiots utiles » de la droite, les opposants de gauche du projet comme des Néanderthaliens par les partisans du projet...  Genève, terre de contrastes politiques : tu dois considérer le texte qui est soumis au vote comme le meilleur texte possible même s'il ne contient rien de ce tu voulais y trouver, ou le pire texte possible même si ce qui t'y déplaît est déjà présent dans le texte actuel... C'est l'enfer, ou le paradis. Le Purgatoire ? On y est, pas besoin de nous le promettre... et puis Calvin le nie...
Et pour nous, qui ne croyons ni à l'un, ni à l'autre, ni au troisième, ni à Dieu ni à Diable, on nous promet quoi ? le châtiment réservé aux traîtres... Après tout, pourquoi pas? Rien jamais ne s'est fait qui vaille sans trahison de ce qui s'était fait avant et que cela remplace...

Qu'est-ce que j'ai fait de mon blanc linceul de réserve, moi? Ah oui : un bulletin de vote...

mercredi 10 octobre 2012

A cambiare, radicalmente e da capo

Le moins que l'on puisse écrire est que le projet de nouvelle constitution genevoise a du plomb dans l'aile (surtout dans l'aile gauche, mais l'aile droite est également touchée), et qu'il serait vraiment fort surprenant qu'il soit accepté dans deux semaines par la majorité de la petite minorité de Genevoises et de Genevois qui non seulement auront le droit de voter, mais auront consenti à en user. Après quelques semaines d'attente précautionneuse, et ayant pris le temps de humer le vent pour déterminer sa direction, les résistants de la dernière heure sont sortis du bois et, à visage découvert, flinguent désormais sans risque le texte de la Constituante et le dernier carré (héroïque : les chants désespérés sont les chants les plus beaux) de ses défenseurs. Bref, tout indique que le 15 octobre, Genève se retrouvera avec la même constitution  que l'avant-veille. Et qu'il faudra remettre l'ouvrage (car il en a besoin) sur le métier. Mais cette fois, notre ouvrage, sur notre métier. Radicalmente e da capo.

Ecrivez vous-même votre propre constitution


Le comité unitaire de gauche contre le projet de nouvelle constitution genevoise (y'a pas le MCG et l'UDC dedans, ces deux partis étant d'une étonnante discrétion dans le débat, ce qui n'exclut d'ailleurs pas que ce soit eux qui capitaliseront politiquement le probable refus du texte de la Constituante)  appelle (lundi 1er octobre à 18 heures place Saint-Gervais, si ça vous dit) à un rassemblement en hommage à la constitution de 1847. Née d'une révolution, certes, mais tout de même, faut pas en rajouter sur la nostalgie : ce qui était révolutionnaire en 1847 a largement eu le temps de devenir réactionnaire en 2012. Heureusement qu'on n'a plus que dix jours à tenir avant le vote sur le projet de nouvelle constitution, parce que sinon, la gauche de la gauche aurait encore le temps de nous organiser une manif de soutien aux Franchises d'Adhémar Fabri... après tout, elles n'ont qu'à peine un peu plus de six siècles, et quand on aime le patrimoine politique, on l'aime d'autant plus qu'il est plus ancien.

Tout ça pour vous rappeler, au cas peu probable où vous l'auriez oublié, que le 14 octobre, Genève aura choisi de garder sa vieille constitution ou d'y substituer celle que lui propose l'assemblée constituante élue il y a quatre ans.
Enfin... quand on dit que c'est Genève qui aura choisi, disons, le 15 % de la population qui dispose du droit de voter (la moitié de la population n'en dispose pas), qui aura décidé d'en user (la majorité de celles et ceux qui en disposent n'en useront vraisemblablement pas), et d'en user en votant pour le projet de la constituante, ou de voter contre, c'est-à-dire de voter pour la constitution actuelle, mais pas en votant blanc ou nul.
Dans ses conditions, elle va peser quoi, et de quel poids de légitimité démocratique, la constitution, ancienne ou nouvelle, qui sortira des urnes le 14 octobre à midi ? Le poids des invectives que ses partisans ont déversées sur ceux de la constitution concurrente ?

On n'exprimera donc ici à nouveau que ce souhait, puisque ni la vieille ni la jeune constitution ne nous agrée, que la différence entre les « oui » et les «non» soit si ténue qu'elle soit inférieure au nombre de bulletins blancs -et que ceux-ci aient alors, dans un sens ou dans un autre, fait la décision. Ce qui serait la meilleure des entrées en matière pour une véritable réécriture de la constitution, comme y appelle la Jeunesse Socialiste (www.js-ge.ch/?page_id=1533&fb_source=message): « écrivez-vous même votre propre constitution ». On notera d'ailleurs avec gourmandise que si elle était acceptée, la nouvelle constitution n'entrerait en vigueur que le 1er juin 2013. Et qu'on aurait donc huit mois pour lancer et faire aboutir une initiative populaire prévoyant son abrogation à la même date. De même, les modifications législatives requises par la nouvelle constitution auraient cinq ans pour être adoptées, et seraient toutes soumises à référendum populaire. De quoi s'amuser encore un moment...

Le vrai travail constituant, celui qui reste à faire et que la Constituante a été incapable de faire, commence le 15 octobre. Et il devra être fait, d'une manière ou d'une autre, par une révision globale ou une succession de révisions partielles de l'actuelle constitution ou du projet de la Constituante, par les citoyennes et les citoyens eux-mêmes. Parce que ce texte doit être le leur, ce que n'est aucun des deux qui leur sont soumis le 14 octobre. L'un est un bricolage patrimonial, l'autre un bricolage politique, les deux se situent quelque part entre le Palais du Facteur Cheval et une machine à Tinguely. On aime les deux. Mais comme œuvres artistiques, pas comme charte politique fondamentale, qui ne vaut que par la possibilité donnée au peuple de se l'approprier.

vendredi 5 octobre 2012

Brèves

On a sous les yeux la liste des prises de position des partis politiques, associations et groupements sur le projet de nouvelle constitution genevoise, pour le vote du 14 octobre, et c'est jouissif. 80 prises de positions (une cinquantaine pour le OUI, une trentaine pour le NON, une (la JS) pour le vote blanc et une (les associations) pour le vote, mais sans consigne de vote. Dans les trucs rigolos, on a par exemple les deux positions du MCG, celle du parti qui dit NON et celle du groupe constituant qui dit OUI... celle dite « 9 novembre 1932, plus jamais ça!» n'est pas mal non plus, qui dit NON, alors que la constitution qui a permis le 9 novembre 1932 est celle qui sera maintenue si le NON est majoritaire... on a pas moins de huit positions (toutes pour le NON) des amis des animaux... on a l'UDC qui dit NON alors que son groupe à la Constituante a dit OUI... on a deux prises de positions «laïques», qui disent NON, comme les Evangéliques... Ce n'est qu'un débat, continuons le confus, comme on ne disait pas en mai 68...

La Constituante genevoise aura donc finalement coûté moins de 15 millions de francs pour produire les 237 articles de son projet de nouvelle constitution genevoise soumise au vote le 14 octobre prochain. Le PLR Thomas Büchi est plutôt fier de la performance: « On est loin des 20 millions que prédisaient de vilaines rumeurs au printemps 2009 ». C'est en effet juste un peu plus (mais pour trois ans) que ce ce coûte le Grand Conseil en un an. Et c'est grosso modo, mais toujours pour trois ans, trois fois moins que ce que coûte le Grand Théâtre chaque année à la Ville... Bon évidemment, le spectacle n'était pas forcément à la hauteur, mais au Grand Théâtre aussi, y'a des spectacles un peu chiants, non? Cela dit, ça nous fait quand même dans les 60'000 balles par article du projet... à ce prix là, nous, une nouvelle constitution, on vous en pond une tous les matins... D'ailleurs, on vous en avait pondu une : elle est sur www.perso.ch/troubles/constitution.pdf. Quant au projet issu de la Constituante, on le saluera comme il le mérite : par un chti coup de blanc (www.js-ge.ch/?p=1435)...

 Intéressant papier de la Communauté Genevoise d'Action Syndicale, dans « Le Courrier » de lundi, sur les raisons de l'appel lancé par la CGAS, qui réunit tous les syndicats du canton, à refuser le projet de nouvelle constitution cantonale. Intéressant papier, et intéressants arguments, sauf un, qui, pour expliquer ce refus du projet malgré que celui-ci introduise le droit de grève dans la Constitution (l'actuelle constitution ne ne reconnaît pas), mais en le limitant à ce qui se rapporte aux « relations de travail », nous assène qu' « on ne pourrait plus aujourd'hui faire une grève générale comme en 1918 »... ce qui est doublement idiot : d'abord parce que la grève générale de 1918 était nationale et pas cantonale, mais surtout parce qu'elle avait à l'époque été déclarée illégale, et réprimée comme telle, la constitution fédérale pas plus que la constitution cantonale ne reconnaissant le droit de grève... Des fois, camarades, faut faire attention à ce qu'on écrit si on ne veut pas passer pour des amnésiques...

 La dernière livraison du journal des socialistes de la Ville de Genève, « Causes Communes » est consacrée au vote du 14 octobre sur le projet de nouvelle constitution genevoise, et à la défense du « oui » à ce projet. Elle s'ouvre sur une première page portant en titre : « Constituante : oui ». Quelqu'un pourrait-il rappeler aux socialistes de la Ville de Genève qu'on ne vote pas le 14 octobre sur la Constituante (ça, ça a été fait il y a quatre ans déjà) mais sur la Constitution ?