dimanche 5 décembre 2010

Fonds de tiroirs

Comme prévisible, la Constituante a enterré jeudi dernier l'une des rares avancées démocratiques que son avant-projet de nouvelle constitution comportait : la réduction du nombre de signatures nécessaires pour faire aboutir un référendum cantonal : on en reste à 7000 signatures. Et la droite est bien contente de cette piteuse reculade de la gauche (ou de la majorité des groupes de gauche à la Constituante). Elle aurait tort de se gêner d'être contente, la droite, d'avoir affaire à une gauche prête à avaler son chapeau avant de présenter devant les citoyennes et citoyens avec un projet de constitution faisant « consensus »...

On s'en souvient, notre illustre assemblée constituante avait voté le remplacement de la disposition antinucléaire, et contraignante, de la constitution genevoise, par une disposition minimaliste, pour ne pas dire creuse, n'invitant la République qu'à « participer » aux efforts « tendant à » se passer, peut-être, un jour, si tout va bien, de l'énergie nucléaire. Ce vote n'étant pas du goût des antinucléaires, Contratom, qui fédère les mouvements anrtinucléaires genevois (un peu endormis ces derniers temps, mais que le vote de la Constituante a quelque peu réveillés) va mettre sur pied une sorte de comité de veille, ou de liaison, ou de surveillance de la Constituante, pour faire sur celle-ci une pression suffisante à la con vaincre de revenir en arrière et, sous peine d'apèpeler à combattre le projet de nouvelle constitution, de réintégrer dans son projet une disposition aussi concrètement antinucléaire que peut l'être un prédicat constitutionnel. Et Contratom promet d'aller à chaque plénière de la Constituante. faire du bruit sous ses fenêtres. Bande de galapiats, va ! C'est pas bien de faire du tapage devant un EMS, non, c'est pas bien...

On ne s'en lasse pas, de la Constituante genevoise : le 21 octobre, elle a, pour la deuxième fois, refusé de réintégrer le droit au logement, proclamé par l'actuelle constitution, dans le projet qui sera soumis au peuple dans deux ans. Elle a expliqué que maintenir le droit au logement dans la Constitution n'avait aucun sens, et « trompait » le peuple, puisque que ce droit ne pouvait pas être concrétisé sans logements disponibles... et pour être sûre que ce soit le cas, la droite a sorti de la constitution les dispositions qui, précisément, permettaient cette concrétisation. Cerise sur la gâteau, la majorité constituante a supprimé le référendum obligatoire en matière de logement. A gauche, évidemment, on s'est récrié et on a protesté ( « la majorité de l'Assemblée constituante a remplacé le droit au logement par le droit à la spéculation et les logements bon marché et de qualité par de futures cages à lapins hors de prix », dénonce le groupe socialiste). Le droit au logement, c'est le peuple qui l'avait inscrit dans la constitution, comme quatorze objets, en votation populaire.. La gauche a donc, sans succès, tenté de réinscrire le droit au logement dans la constitution, et même d'en faire un droit opposable, justiciable, sur lequel les personnes sans logis puissent s'appuyer pour exiger des collectivités publiques qu'elles leur trouve où se loger. Bref, après les féministes et les antinucléaires, la constituante s'est farcie les locataires. Et c'est pas fini, d'autres droits fondamentaux, sociaux ou politiques, sont dans le colimateur. Ce délire réactionnaire va si loin qu'au sein même de la droite, quelques bons esprits commencent à s'en inquiéter: à force de coups de force, la majorité de la Constituante est en train de l'amener plein pot dans le mur et de transformer le projet qu'elle doit soumettre au peuple en torchon dont le peuple fera précisément l'usage qui convient à un torchon : se torcher. Jusqu'à présent, cette droite revancharde a pu compter sur une certaine pusillanimité de la gauche, qui continue à essayer de limiter les dégâts, et à mouliner son mécontentement dans les media en alignant les déclarations vengeresses jamais suivies d'effets. Dernière déclaration en date, celle du socialiste Alberto Velasco, par ailleurs vice-président de l'Asloca (qui a ajouté à la longue liste des avertissements déjà donnés celui qu'elle ne fera plus aucune concession) : « nous n'accepterons de nous remettre à la table des discussions que si la totalité des droits sociaux qui existent aujourd'hui sont conservés ». Chiche ? Le vice-président du parti radical, et constituant lui-même, Murat Julian Alder, a justement proposé « une réunion d'urgence entre partis gouvernementaux » (avec une gauche réduite au PS ert aux Verts, donc, sans solidaritéS, l'AVIVO et les associations, histoire de rester entre gens convenables) pour sauver ce qui peut encore l'être. Si ça peut encore l'être. Le PS et les Verts sauront-ils résister à cet appel du pied ? On ne voudrait être ni pessimistes, ni désagréables, mais on a des doutes...


La Constituante a refusé d'inscrire dans le projet de nouvelle constitution le droit fondamental de toute personne à disposer des moyens de mener une existence conforme à la dignité humaine, et a préféré demander à l'Etat d'assurer des conditions minimales, et sans doute très minimales, d'existence aux plus démunis. La gauche défendait le droit justiciable aux moyens d'existence. A ce droit, qu'il aurait été possible de faire valoir devant un tribuinal, la droite a substitué une « tâche de l'Etat » dont il ne sera pas possible d'exiger la traduction en actes concrets. Pourquoi n'en est-on pas surpris ?