dimanche 28 décembre 2008

Brèves

Le Comité Théodule formé des mieux élus de chaque liste à la Constituante a adopté le texte de la prestation de serment (il ne s'en est donc trouvé aucun-e, de ses " meilleurs élus ", pour se rendre compte du ridicule de l'exercice) et renoncé à une retransmission en direct, sur Léman bleu, de la séance d' " installation ". Mais l'installation sera tout de même filmée pour la postérité. Parce qu'on suppose qu'elle va s'y intéresser ?

J.-F. Mabut rappelle dans la Tribune du 14 novembre que la Constituante va entamer ses travaux en 2009, année du demi-siècle de la naissance de Calvin, pour les terminer (en principe) en 2012, année du tricentenaire de la naissance de Rousseau. On fait pas plus genevois que ces deux figures tutélaires, même si l'une d'elles n'est que d'un immigrant. On ne fait pas non plus moins féministe. Ni plus ancien (à part Clotilde et Adhemar Fabri). Bref, la Constituante est placée sous le patronage de deux vieux mâles. Au moins les patrons ressembleront-ils aux patronnés. A un étranger près.

Lors de la première " vraie " réunion de la Constituante, le 20 novembre, celle-ci s'est dotée d'un bureau provisoire composé d'un-e membre par groupe. Et comme il y a onze groupes, le bureau provisoire sera composé de onze personnes. C'est beaucoup, pour un bureau. Mais ça devrait au moins permettre d'éviter le jeu déprimant du " cherchez la femme et les jeunes " : faut bien " gonfler " le nombre des membres du bureau pour qu'on puisse le féminiser et le " jeunir " un peu, parce que vu la composition de la Constituante, si on se contentait d'un bureau de cinq membres, on aurait toute les chances d'avoir un petit Männerchor.

Avant même d'avoir entamé ses travaux, la Constituante genevoise a donné deux signaux forts de sa capacité de renouveler les formes du fonctionnement politique de la République, avant, n'en doutons pas, d'en renouveler le fond : Elle a été " installée " le 20 novembre à 17 heures dans la salle du Grand Conseil et du Conseil municipal de la Ville (voilà pour le renouvellement symbolique et géographique), et en février, on ne sait pas où, une cérémonie se tiendra, avec à l'appui une prestation de serment que personne ne demandait aux constituante de prêter, serment dont le texte écrit écrit par deux jeunes constituants connus pour leur ouverture aux idées nouvelles, Soli Pardo et Christian Grobet, voilà pour le renouvellement du personnel et du discours politique. On se demande pourquoi on n'impose pas aux Constituants le port de la queue-de-pie et du haut-de-forme, et aux quelques Constituantes celui du corset et de la robe baleinée, tant qu'à faire...

" Pourrais-je oublier cette précieuse moitié de la république qui fait le bonheur de l'autre, et dont la douceur et la sagesse y maintiennent la paix et les bonnes mœurs ? Aimables et vertueuses citoyennes, le sort de votre sexe sera toujours de gouverner le nôtre. Heureux ! quand votre chaste pouvoir, exercé seulement dans l'union conjugale, ne se fait sentir que pour la gloire de l'Etat et le bonheur public. C'est ainsi que les femmes commandent à Sparte, et c'est ainsi que vous méritez de commander à Genève. " Voilà. C'était le message de Jean-Jacques Rousseau à la République de Genève, en introduction à son " Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes ". Message qu'on adresse ici, avec le minimum d'ironie qui sied à une telle adresse, aux Constituants genevois fraîchement élus, et à celles et ceux qui les ont élus. Il faut honorer le Citoyen de Genève. Il le mérite. Mais il n'était pas forcément indispensable de le prendre à la lettre, jusque dans sa doucereuse misogynie.

"Huit femmes sur dix se tapent encore l'entier des tâches ménagères", résume "Le Matin Bleu" du 4 novembre...
... on sait donc qui va nettoyer la salle où se réuniront les papys de la Constituante.

Si on en croit les comptes publics des campagnes des deux candidats à l'élection présidentielle américaine, Barak Obama a dépensé plus de 763 millions de francs pour obtenir finalement plus de 63 millions d'électeurs, et John McCain a dépensé plus de 431 millions de francs pour obtenir un peu moins de 56 millions d'électeurs. Ce qui fait 12,10 franc s par électeur d'Obama et 7 francs 70 par électeur de McCain. A titre de comparaison, pour obtenir moins de 5000 électeurs, la liste patronale GEavance a dépensé, pour l'élection à la Constituante, plus de 40 balles par électeur (ou trice). Ce qui ne fait pas des patrons genevois des investisseurs particulièrement performants. Surtout si on les compare à l'AVIVO (4 francs par électeur)...

samedi 27 décembre 2008

Vive la Commune !

La Nation et l'Etat peuvent être des obstacles à la réalisation de la démocratie ; il y a deux manières de dépasser cet obstacle, ou de la contourner : le nomadisme ou la commune. Le dépassement de l'Etat et de la Nation, cela peut être le camp tzigane, qui ignore les frontières et se moque du droit territorial de l'Etat, ou la commune, qui ne prétend pas être une nation mais permet l'exercice immédiat, direct et permanent du contrôle démocratique. A l'Europe des tribus (" modernisées " en nations) et à l'Europe des appareils (l'Union européenne, qui additionne des Etats et leur juxtapose sa propre bureaucratie) peut ainsi être opposée, comme une alternative, l'Europe des Cités. A l'organisation de la stabilité s'oppose celle de la mouvance : la " République moderne " est à concevoir non comme un organisme, mais comme un réseau dont les villes et les communes forment la trame, et dont la logique institutionnelle se fonde sur le principe de subsidiarité et sur le plus " bas " niveau existant de l'institution politique démocratique : le niveau municipal.
La tradition politique occidentale est celle de la souveraineté territoriale de l'Etat, de l'exclusivité de ses compétences à l'intérieur de son territoire. Cette tradition a fait son temps : la souveraineté démocratique, qui lui fut longtemps liée, lui est aujourd'hui contradictoire, et ne peut plus s'exercer pleinement qu'au prix d'un renversement de la logique institutionnelle. C'est à une critique de l'Etat qu'il nous faut nous atteler -une critique qui soit celle de ses racines, et non de ses apparences. L'Etat est aujourd'hui la norme de l'organisation politique des sociétés humaines, mais il en est de cette norme comme de toute autre : arbitraire et contingente, elle est contestable, et contestables sont aussi les conditions de sa réalité, à commencer par cette prétention à l'exercice exclusif d'un pouvoir sans autres limites que celles qu'il se fixe lui-même, par son propre Droit. Au fond, il s'agit de conjuguer deux principes, l'un de légitimité et l'autre d'organisation : le principe de légitimité est celui de la souveraineté populaire, le principe d'organisation est celui de la subsidiarité institutionnelle.

Principe de légitimité et principe d'organisation

La légitimité populaire, d'abord : il ne s'agit pas seulement de proclamer que l'Etat ne doit rien pouvoir faire sans l'acquiescement des citoyens, mais aussi et surtout de proclamer que l'acquiescement ou le mandat de la majorité n'oblige que les institutions et cette majorité elle-même et donc, en d'autres termes, que celles et ceux dont le chois est autre que celui de la majorité ont un droit égal à celle-ci, et tout aussi fondamental, à concrétiser ce choix, si minoritaire soit-il, la seule distinction se faisant sur le mandat donné aux institutions politiques et sociales : ce mandat est donné par la majorité, et son contenu est celui que définit ou que soutient la majorité. Les institutions exécutent ce mandat, ce qui ne signifie nullement que ce mandat épuise la totalité des possibles sociaux et politiques.
La subsidiarité, ensuite : c'est poser comme règle que toute compétence publique est d'abord attribuée au plus " bas " niveau de l'organisation politique, que l'Etat ne doit avoir que les compétences que lui laissent les cités et les communes, qui elles-mêmes n'en doivent avoir que celles que leur laissent les citoyennes et les citoyens librement associés, et qu'au faîte de la structure politique, l'institution " supranationale " (c'est-à-dire supra-étatique, l'Union Européenne, par exemple) ne doit avoir ni plus, ni moins de pouvoir à l'égard des Etats qui la composent que ceux-ci n'en ont à l'égard des instances qui le composent (communes, régions, Etats fédérés etc.). Chaque niveau institutionnel n'abandonnant au niveau " supérieur " que ce que lui-même n'est pas en état d'assumer, le contrôle démocratique peut s'exercer réellement, sur des enjeux réellement maîtrisables par les citoyens, à des niveaux accessibles à un contrôle direct. Une telle règle vaut pour les rapports entre les individus et les groupes, les groupes et les institutions, les différents niveaux institutionnels. Son caractère mouvant, mobile (cette répartition des pouvoirs ne peut être fixée a priori et doit pouvoir être modifiée en tout temps, en fonction des enjeux) assure la sauvegarde de la souveraineté populaire -d'une souveraineté réelle, non d'une souveraineté théorique et rhétorique se réduisant, par le jeu des délégations et des représentations, au fur et à mesure que s'élargir le champ territorial de la compétence de décision : on voit bien en effet à quel point les possibilités de contrôle démocratique direct sont inégales selon qu'il s'agit du niveau municipal ou du niveau national, voire continental. La règle de la subsidiarité est enfin une règle de partage : si l'on part du principe que toute compétence politique est d'abord une compétence de l'échelon premier de l'institution politique, il n'est aucune compétence que cette échelon premier aurait déléguée qu'il ne puisse à tout moment récupérer : ainsi, par exemple, des relations extérieures, de la politique de sécurité ou de la politique monétaire, que l'on ne confiera à l'Etat central ou à une structure continentale (ou mondiale) qu'en gardant par devers soi la capacité de les établir soi-même si besoin est ou si ce qu'en fait l'échelon auquel on les a déléguées ne convient pas, ou plus.
C'est à ces conditions que la souveraineté populaire pourra à tout moment s'exercer réellement sur ce qu'elle est en droit et en mesure de déterminer, et que le pouvoir de l'institution sera ce qu'il ne devrait jamais cesser d'être : un mandat donné, et donc révocable, à un instrument politique. L'institution politique en effet n'est qu'un instrument, et l'Etat, comme toute autre institutions politique (comme la Commune, notamment) n'a de légitimité que dans sa capacité à faire ce que le " peuple souverain " lui enjoint de faire. Or, on sent bien aujourd'hui que toutes les institutions politiques atteignent les limites de leur efficacité, et donc de leur légitimité, qu'elles sont en passe de devenir des obstacles et respect et à l'exercice des droits démocratiques et des libertés fondamentales, et qu'il importe désormais de concevoir des formes d'organisation politique capables de les dépasser -et de dépasser aussi leurs soubassements territoriaux : la paix, le développement, l'équilibre écologique, l'universalité des libertés individuelles et collectives sont autant d'enjeux communs à toutes les nations existantes -et toutes les nations possibles, dès lors que la nation n'est pas une donnée des faits mais le produit d'une volonté.

L'urgence de la réforme

Ainsi voit-on à quoi l'exercice de la réforme institutionnelle peut et doit aboutir : non à " moderniser ", c'est-à-dire à rénover, les formes anciennes d'exercice de la responsabilité collective, mais à en changer fondamentalement. Et il y a urgence : l'exigence d'abolition des frontières territoriales des Etats -qui ne signifie nullement l'abolition du pluralisme des nations- suscite, partout, des oppositions irréductibles, fondées soit sur la vieille identification de l'Etat et de la nation, soit sur l'illusion, plus vieille encore, et infiniment plus dangereuse, de " spécificités nationales " (pour ne pas écrire : " ethniques ") si fondamentales que toute dilution de la souveraineté de l'Etat nation serait un péril collectif. Il se trouve depuis des années une majorité de Suissesses et de Suisses pour considérer, à chaque consultation populaire sur des thèmes liés à la souveraineté de l'Etat dans ses rapports avec " l'extérieur " (son extérieur à lui, l'Etat), que " plus de Monde, c'est moins de Suisse ". Et quand bien même serait-ce, qu'en faudrait-il conclure ? Que la défense de la Suisse telle qu'elle est (ou de la France, du Danemark ou de l'Irlande tel qu'il et elles sont) justifie un refus a priori de tout abandon de quelque pan de la souveraineté nationale ? C'est précisément parce que " plus de Monde ", c'est " moins de Suisse " telle que la Suisse est que nous avons à soutenir les propositions d'intégration continentale et internationale, pour peu qu'elles permettent une ouverture au monde des humains et pas seulement à celui des marchandises et des capitaux. Moins d'Etat-nation, plus de République, nous conduit à dire " oui " à l'Union Européenne ; moins de marchandise, plus de citoyenneté nous conduit à dire " oui " à une autre Europe que celle qu'on nous propose, et ce second " oui " n'annule pas le premier : il le précise.

Ouvrir un débat sur un changement des institutions politiques, c'est ouvrir un débat sur ce qui fonde ces institutions. Les mots de ce débat peuvent être de vieux mots, mais les réalités qu'ils revêtent sont bien de notre temps, et les projets qu'ils expriment sont toujours nôtres. D'entre ces réalités, la moins inquiétante n'est pas l'affadissement de la démocratie, son désarmement face aux puissances financières. Nous savons d'expérience historique à quoi mènent cet affadissement et ce désarmement : à l'emprise de populismes d'autant plus efficacement mobilisateurs qu'ils se fonderont sur cela même qu'ils menacent -la démocratie, précisément, en ce qu'elle suppose non l'adhésion à des mythes nationaux mais au contraire la permanente remise en question de ces mythes et de leur héritage. La réforme institutionnelle est donc bien autre chose qu'une rénovation des appareils de pouvoir, des structures administratives et des répartitions de compétence (et la révision de la constitution, par conséquent, bien plus que la modernisation d'un texte) : elle est une redéfinition, à partir des droits fondamentaux des personnes et des groupes, des règles du jeu politique. C'est en quoi, et seulement en quoi, elle doit nous requérir.

mercredi 17 décembre 2008

Brèves

L'Office cantonal de la statistique a produit une première analyse de l'élection de la Constituante. Une analyse qui porte sur la participation électorale en fonction de l'âge. Et c'est sans surprise (surtout si on garde le résultat de l'élection à l'esprit) : les vieux votent plus que les jeunes, la participation électorale croît constamment de 18 à 79 ans (elle décroît ensuite, mais reste supérieure chez les plus de 80 ans à ce qu'elle est chez les moins de 50 ans. La seule classe d'âge décennale où la majorité des personnes disposant du droit de vote ont effectivement voté est celle des 70-79 ans (50,4 % de participation, alors qu'on stagne à 20 % chez les moins de 30 ans). Comme les vieux votent plus que les jeunes, les hommes plus que les femmes (on a dit " plus ", on a pas dit " mieux "), sauf dans la classe d'âge des moins de 30 ans, et les universitaires plus (on n'a toujours pas dit " mieux ") que les prolos, faut pas s'étonner de se retrouver avec une Constituante de vieux mâles universitaires…

La Constituante a tenu sa première réunion. Bon, d'accord, pas toute la Constituante, seulement les élus et l'élue en tête de chaque liste, et la présidente de la première séance plénière, mais on va pas chipoter, c'est déjà une première réunion. Au bistrot. Ce qui résout par avance la grave question de savoir où donc va se réunir la Constituante. Après tout, faire la tournée des bistrots, de séance en séance, à raison d'une séance par bistrot, ça pourrait répondre à la proposition des Verts d'une Constituante " nomade "..

Les emplacements des groupes à la Constituante seront tirés au sort, comme le proposait l'AVIVO, histoire d'éviter un face-à-face gauche-droite. Avec un peu de pot, on retrouvera donc SolidaritéS entre l'UDC et les patrons, et le MCG entre les socialistes et les associations. A défaut de faire la révolution, la Constituante aura au moins réussi à faire bouger les fronts. En jouant aux chaises musicales.

La " Tribune " annonce que deux frétillants constituants, Christian Grobet et Soli Pardo, qui ont surtout en commun d'avoir été l'un et l'autre opposés à la révision de la Constitution et d'être aussi allergique l'un que l'autre à la liberté de circulation, ont été " chargés " (mais par qui ?) de rédiger le texte d'une prestation de serment (prévue nulle part dans la loi instituant la Constituante) pour les membres de la Constituante. On se réjouit de le lire, le texte du serment grobétopardiste ou pardogrobétiste. Surtout le passage sur la libre-circulation et la constitution d'une région franco-genevoise. Cela dit, vu que la loi n'oblige aucun-e constituante à prêter serment, que la Constituante elle-même n'a aucune compétence pour obliger ses membres à prêter serment, et qu'aucune instance légitime n'a mandaté Grobet et Pardo pour rédiger quoi que ce soit, celles et ceux qui ne voudront pas de leur texte, ou ne voudront pas prêter serment, pourront toujours s'abstenir, ou prêter serment sur le texte qu'ils veulent.

La comparaison entre les résultats de l'élection à la Constituante et ceux des élections cantonales de 2005 signale (compte tenu des spécificités du scrutin d'octobre) la possibilité de reconstituer une force parlementaire de gauche correspondant à la force électorale réelle de la gauche à Genève. Lors de l'élection à la Constituante, les trois partis de l'Entente ont, ensemble, reculé de 11,7 points par rapport au Grand Conseil et les deux partis populistes de droite ont reculé de 3,7 points. Tempéré par les résultats des listes " associatives " de droite (la liste patronale, Pic-Vert, Propositions.ch) et des Evangéliques, le recul de la droite entre 2005 et 2008 s'établit en gros à 3,5 points. A gauche, le recul des socialistes et des Verts (5.3 points ensemble), du PdT et des communistes (5.3 points) et de SolidaritéS (1.5) est plus que compensé par les scores des listes associatives de gauche (Avivo, associations, femmes, Expression citoyenne), la gauche au sens large progressant dans la mesure du recul de la droite. Si la " gauche de la gauche " arrive à joindre les forces de ses diverses composantes pour dépasser l'obstacle du quorum, elle a toutes les chances de faire son retour au parlement cantonal.

mardi 9 décembre 2008

Brèves

" Les élue-e-s du PS (à la Constituante) feront des propositions (pour garantir) effectivement une égalité de représentation des deux sexes " dans les institutions genevoises, annonce le PS dans un communiqué après l'élection de la Constituante. Vu le résultat de l'élection et la composition par genre du groupe socialiste (une seule femme pour dix hommes), par quelle proposition concrète le PS va-t-il entamer son long combat pour l'égalité des représentations dans les institutions en général et la Constituante en particulier ? L'élection d'une femme à la présidence de la Constituante ? La démission forcée de la moitié des élus socialistes pour laisser place aux femmes " viennent-ensuite " ? La dissolution et la réélection de la Constituante ?

Toute émoustillée par son succès à la Constituante, l'AVIVO envisage de présenter une liste au Grand Conseil en 2009. On craignait que la Constituante ressemble à un " Grand Conseil bis " ? On devrait se préparer à un Grand Conseil qui serait une " Constituante bis "…

La secrétaire permanente des syndicats patronaux genevois, Sabine von der Weid, déplore (dans " Le Courrier " du 20 octobre) que la campagne de la liste patronale " G[E]avance " pour l'élection de la Constituante ait été " gênée par les récents développements de la crise financière et ses retombées en Suisse " (dont les soixante milliards pompés pour sauver l'UBS)... Certes, mais on pouvait compter sur le masochisme des électeurs pour que le naufrage de l'UBS n'entraîne pas la noyade des chantres du libéralisme : la liste patronale a quand même décroché six sièges (en y mettant le prix : en gros cinquante mille balles par élu). Ajoutés aux treize sièges libéraux, ça fait tout de même une belle proportion de cocus et fiers de l'être dans l'électorat.

L'AVIVO demande que la première séance de la Constituante se tienne dans la " cathédrale Saint-Pierre ". Voilà ce que c'est que d'élire des vieux : ils ne se souviennent même plus que ça faiot bientôt 500 ans qu'il n'y a plus de cathédrale à Genève…

Sur son blog de la " Tribune ", Philippe Souaille fait un constat intéressant : le résultat de l'élection à la Constituante met en évidence la sous-représentation des grandes communes urbaines (Vernier, Onex, Meyrin, Lancy etc...), non pas tant à l'égard de la Ville (qui représente 42 % de la population du canton et où résident 49 % des élu-e-s) que des petites et moyennes communes rurbaines (il n'y a plus de communes rurales à Genève), qui, comme au Grand Conseil, sont sur-représentées. Ce qui ne les empêche pas de pleurer sur leur marginalisation. Faut croire que, déversés dans les urnes, ces sanglots longs se transforment en bulletins de vote.

" Pour la Constituante genevoise, le temps des préliminaires est terminé ", écrit Pierre Weiss dans l'hebdo patronal " Entreprise romande " du 24 octobre. Le temps des préliminaires étant terminé, on en déduit, logiquement, que celui du passage à l'acte est venu. La question est donc de savoir qui va se faire baiser, et par qui.

Souhail Mouhanna, élu à la Constituante sur la liste de l'AVIVO a fort justement constaté que le succès de sa liste avait eu pour effet de réduire de moitié le score de l'UDC et du MCG dans les quartiers populaires. Souhail a oublié d'ajouter que le succès de l'AVIVO avait aussi entraîné la chute du Parti du Travail, mais on pourra considérer cela comme une sorte de dommage collatéral. Parce que, toute ironie bue sur le côté légèrement gérontocratique de la Constituante, on préfère de beaucoup y voir neuf élu-e-s de l'AVIVO (dont un tiers de femmes) que vingt élus de l'UDC et du MCG (qui n'ont finalement fait élire que des hommes)...

" Le Courrier " relève " le succès des candidats protestants " (ou plutôt des candidats ayant exercé une fonction au sein de l'Eglise genevoise) à la Constituante, tels Michel Grandjean chez les Verts, Olivier Fatio chez les libéraux, Maurice Gardiol et Laurent Extermann chez les socialistes. Ben quoi, on va bien célébrer le 500e anniversaire de la naissance de Calvin, non ?

mardi 2 décembre 2008

Brèves

On aime bien le commentaire de Catherine Gaillard (dans le " Courrier " du 21 octobre) à propos de la composition (mûre et masculine) de la Constituante : " L'électorat est allé chercher les patriarches pour écrire les tables de la loi ". Bon, y'a aussi quelques matriarches, mais en 3000 ans, on a progressé dans la laïcité : ce n'est plus Dieu Soi-même qui écrit la loi, ce sont des hommes, et même, vade retro satanas, des femmes. Mais généralement d'âge canonique, tout de même. Les racines judéo-chrétiennes sont sauves.

Cruelle double page dans la " Tribune " du 22 octobre : les photos des 80 élu-e-s à la Constituante. On dirait le tableau d'honneur d'un EMS. Mais ça a donné à une camarade (qu'on ne dénoncera pas) l'idée d'un jeu : vous prenez la double page, vous la collez sur un carton et vous en faites la cible d'un jeu de fléchette. Si vous arrivez à planter votre fléchette sur une femme, vous obtenez un point; sur un-e jeune, deux points; sur un-e immigrant-e, dix points. Eh oui, la Constituante, c'est comme le Marché : la rareté créée la valeur.

On nous a abondamment ressorti, à la faveur des commentaires sur les résultats de l'élection à la Constituante, l'absurde expression de " société civile " pour désigner les listes déposées par d'autres acteurs politiques que les partis politiques. Comme si les partis politiques étaient autre chose que les instruments dont la " société civile " se dote pour agir dans le champ politique. Et comme si la liste de l'AVIVO ou la liste patronale étaient des listes apolitiques. Avant de rédiger une constitution, la Constituante pourrait peut-être éclairer les lanternes des commentateurs…

L'Assemblée générale de l'ONU a voté le 8 octobre une résolution sollicitant un avis juridique de la Cour internationale de justice sur la déclaration d'indépendance unilatérale prononcée par le Kosovo le 17 février 2008, l'Assemblée du Kosovo ayant adopté ensuite une " Constitution de la république du Kosovo ", entrée en vigueur le 15 juin. La CIJ, qui est le plus haut tribunal des Nations Unies, chargé de trancher des conflits et différends juridiques entre Etats, devra donc se pencher sur la question de savoir " si la déclaration unilatérale d'indépendance du Kosovo est conforme au droit international " et rendre un avis, qui n'est pas juridiquement contraignant pour les Etats membres de l'ONU. Si l'avis admet la légitimité du choix unilatéral de l'indépendance comme une conséquence du droit à l'autodétermination, on se fera un plaisir, à Genève (comme en Ossétie, en Abkhazie ou en Euzkadi) de s'y référer pour proposer à la Constituante une déclaration unilatérale d'indépendance (ou de restauration de l'indépendance) de la République...

Les vieilles marmites dans laquelle se fera la soupe constituante en ont marre de se faire traiter de vieilles marmites. Quatre d'entre elles, interrogées par " Le Matin ", se défendent: " Ce n'est pas parce que nous avons dépassé un certain âge que nous ne sommes plus capables d'ouverture ", plaide Françoise Saudan (68 ans), qui semble oublier qu'on ne fait jamais, une fois né, que dépasser un " certain âge "; Christian Grobet (67 ans) " signale qu'on peut être jeune et rétrograde " et qu'il se battait déjà pour le suffrage féminin quand il n'avait que onze ans. Ce qui ne nous rajeunit guère. Jacques-Simon Eggly (66 ans) se défausse sur " les citoyens genevois qui ont choisi " d'élire des vieux, alors que les deux tiers des citoyens genevois n'ont rien choisi du tout, sinon de s'abstenir de choisir. Beat Bürgenmeier (64 ans, un gamin) estime (modestement) que " les gens (ont voté) pour ceux qu'ils pensent capable de trouver une solution à la modernisation de la constitution " (ce qui n'explique pas le triomphe de l'AVIVO) et rappelle que " l'ancienne Constitution a tenu cent soixante ans ". Oui, mais en étant continuellement rafistolée pendant 160 ans. Bref, prenez garde, v'la la jeune garde…