Et d'une ! (reste l'autre...)
Verre à moitié vide ou à moitié plein ? On pariait, ici, sur le
rejet de la nouvelle constitution -pari perdu : elle a été acceptée.
On pariait sur une abstention de l'ordre des deux tiers, pari gagné
: on y est, largement. On voulait des votes blancs plus nombreux que
la différence entre les « oui » et les « non », on y est en Ville de
Genève mais pas au plan cantonal (où la proportion de votes blancs
est tout de même trois fois supérieure à l'habituelle)... Il y avait
deux constitutions auxquelles faire le sort qu'elles méritent :
l'une était en vigueur, l'autre était proposée pour remplacer la
première. On ne pouvait les refuser les deux, on devait en accepter
ou en confirmer une, et refuser ou accepter l'autre. C'est fait : la
constitution proposée a été acceptée, la constitution en place
transférée aux archives et la dépouille de James Fazy enfin laissée
à la paix des dépouilles.
On n'a pas sauvé le Palais Idéal du Facteur Cheval...
Dali avait inventé la montre molle, Genève a mollement inventé la
constitution molle. Déception quand au projet soumis ? Indifférence
au choix proposé ? Disons que le « paquet ficelé » qu'est forcément
un projet de constitution n'a pas emballé grand monde -juste un peu
plus que celui qu'il va remplacer. En 2003, les Vaudois avaient
approuvé leur nouvelle constitution avec une participation de 44,4
%, neuf ans après, les Genevois acceptent la leur avec une
participation de treize points inférieure. Il est vrai qu'en 2008,
ce ne fut qu'avec une participation de 33 % que la Constituante
genevois fut élue : le résultat des travaux de la constituante n'a
donc pas plus intéressé que son élection. Qui est allé voter ? La
base militante et les élu-e-s des partis, les militant-e-s et les
cadres des associations et des mouvements qui ont fait campagne (ou
au nom desquelles leurs directions ont fait campagne), sans doute.
Et puis ? Et puis, pas grand monde, notamment dans les quartiers
populaires (les bastions du « non »). Et on ne peut, par définition,
rien dire de l'abstention, sinon qu'elle ne dit rien par elle-même
et qu'elle laisse donc les autres dire à sa place. C'est la
différence avec le vote blanc que nous recommandions, voire avec le
vote nul quand il n'est pas le fruit d'une erreur : les 1600 votes
blancs disent un refus du processus, ou un refus du système, ou un
refus du choix... et en Ville de Genève, à Carouge et à Lancy, le
vote blanc a sans doute permis au « non » de prendre un léger
ascendant sur le « oui »... Avec un enseignement au passage, à
l'intention de la gauche de la gauche : quand on construit une
campagne sur des arguments foireux, on obtient des résultats
foireux, car nous n'avons pas, de notre côté du champ politique, le
talent de l'UDC à faire passer de sombres conneries pour vérités
d'Evangile (ou de Coran) : la Constitution n'a pas été prise pour un
minaret... Mais quelle moquette quelques un-e-s de nos camarades
avaient bien pu fumer pour croire (peut-être) et tenter de faire
croire qu'avec la nouvelle constitution, la chasse allait être
rétablie, les centrales nucléaires autorisées, l'armée mobilisée
contre nos manifs et les curés mettre la main au panier de la
République ?
31 % de participation d'un corps électoral ne représentant que la
petite moitié de la population, cela nous fait dans les 15 % de
participation de la population. La « charte fondamentale de la
République » n'aura donc été approuvée que par 8 % de sa
population... On en est ainsi revenu au temps de l'oligarchie, au
temps, avant 1794, où 2000 citoyens décidaient pour les 20'000
habitants de la République, lorsque les femmes n'avaient pas le
droit de vote, ni les « natif », ni les étrangers, ni les indigents,
ni les catholiques, ni les juifs... On devait par le projet de
nouvelle constitution « entrer dans le XXIème siècle » ? A s'en
tenir au taux de participation, on est plutôt revenu au début du
XVIIIème...
La Constitution de 1847 et ses 130 modifications n'ont pas survécu à
leur première (gageons qu'elle ne sera pas la seule...) révision
globale. Elle ne le méritait pas, mais ce que l'on proposait à sa
place ne méritait pas non plus de s'y retrouver, et Genève ne l''a
sans doute approuvé que pour renoncer à garder en guise d « charte
fondamentale » un texte illisible, boursouflé, contradictoire, fait
de couches politiques empilées, de bricolages, d'inserts de textes
législatifs, voire réglementaires, dans un texte constitutionnel.
Le texte que la gauche de la gauche et la droite de la droite
voulaient confirmer ce dimanche n'avait plus grand chose d'une
constitution : c'était un élément patrimonial inutilisable
politiquement par les citoyennes et les citoyens elles et eux-mêmes.
Une sorte de Palais Idéal constitutionnel. comme il en est un
anarchitectural. En fait, ce que la gauche de la gauche a échoué à
sauver hier, c'est l'équivalent politique du Palais du Facteur
Cheval. Un monument très décoratif, et totalement inhabitable. Un
geste artistique, pas un programme politique.
Genève s'est dotée hier d'une constitution 100 % légale mais à moins
de 10 % de légitimité, et des deux constitutions dont nous
souhaitions la défaite sans pouvoir l'obtenir pour les deux, il
nous en reste une, la plus récente, à refaçonner...
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire