mercredi 10 octobre 2012

A cambiare, radicalmente e da capo

Le moins que l'on puisse écrire est que le projet de nouvelle constitution genevoise a du plomb dans l'aile (surtout dans l'aile gauche, mais l'aile droite est également touchée), et qu'il serait vraiment fort surprenant qu'il soit accepté dans deux semaines par la majorité de la petite minorité de Genevoises et de Genevois qui non seulement auront le droit de voter, mais auront consenti à en user. Après quelques semaines d'attente précautionneuse, et ayant pris le temps de humer le vent pour déterminer sa direction, les résistants de la dernière heure sont sortis du bois et, à visage découvert, flinguent désormais sans risque le texte de la Constituante et le dernier carré (héroïque : les chants désespérés sont les chants les plus beaux) de ses défenseurs. Bref, tout indique que le 15 octobre, Genève se retrouvera avec la même constitution  que l'avant-veille. Et qu'il faudra remettre l'ouvrage (car il en a besoin) sur le métier. Mais cette fois, notre ouvrage, sur notre métier. Radicalmente e da capo.

Ecrivez vous-même votre propre constitution


Le comité unitaire de gauche contre le projet de nouvelle constitution genevoise (y'a pas le MCG et l'UDC dedans, ces deux partis étant d'une étonnante discrétion dans le débat, ce qui n'exclut d'ailleurs pas que ce soit eux qui capitaliseront politiquement le probable refus du texte de la Constituante)  appelle (lundi 1er octobre à 18 heures place Saint-Gervais, si ça vous dit) à un rassemblement en hommage à la constitution de 1847. Née d'une révolution, certes, mais tout de même, faut pas en rajouter sur la nostalgie : ce qui était révolutionnaire en 1847 a largement eu le temps de devenir réactionnaire en 2012. Heureusement qu'on n'a plus que dix jours à tenir avant le vote sur le projet de nouvelle constitution, parce que sinon, la gauche de la gauche aurait encore le temps de nous organiser une manif de soutien aux Franchises d'Adhémar Fabri... après tout, elles n'ont qu'à peine un peu plus de six siècles, et quand on aime le patrimoine politique, on l'aime d'autant plus qu'il est plus ancien.

Tout ça pour vous rappeler, au cas peu probable où vous l'auriez oublié, que le 14 octobre, Genève aura choisi de garder sa vieille constitution ou d'y substituer celle que lui propose l'assemblée constituante élue il y a quatre ans.
Enfin... quand on dit que c'est Genève qui aura choisi, disons, le 15 % de la population qui dispose du droit de voter (la moitié de la population n'en dispose pas), qui aura décidé d'en user (la majorité de celles et ceux qui en disposent n'en useront vraisemblablement pas), et d'en user en votant pour le projet de la constituante, ou de voter contre, c'est-à-dire de voter pour la constitution actuelle, mais pas en votant blanc ou nul.
Dans ses conditions, elle va peser quoi, et de quel poids de légitimité démocratique, la constitution, ancienne ou nouvelle, qui sortira des urnes le 14 octobre à midi ? Le poids des invectives que ses partisans ont déversées sur ceux de la constitution concurrente ?

On n'exprimera donc ici à nouveau que ce souhait, puisque ni la vieille ni la jeune constitution ne nous agrée, que la différence entre les « oui » et les «non» soit si ténue qu'elle soit inférieure au nombre de bulletins blancs -et que ceux-ci aient alors, dans un sens ou dans un autre, fait la décision. Ce qui serait la meilleure des entrées en matière pour une véritable réécriture de la constitution, comme y appelle la Jeunesse Socialiste (www.js-ge.ch/?page_id=1533&fb_source=message): « écrivez-vous même votre propre constitution ». On notera d'ailleurs avec gourmandise que si elle était acceptée, la nouvelle constitution n'entrerait en vigueur que le 1er juin 2013. Et qu'on aurait donc huit mois pour lancer et faire aboutir une initiative populaire prévoyant son abrogation à la même date. De même, les modifications législatives requises par la nouvelle constitution auraient cinq ans pour être adoptées, et seraient toutes soumises à référendum populaire. De quoi s'amuser encore un moment...

Le vrai travail constituant, celui qui reste à faire et que la Constituante a été incapable de faire, commence le 15 octobre. Et il devra être fait, d'une manière ou d'une autre, par une révision globale ou une succession de révisions partielles de l'actuelle constitution ou du projet de la Constituante, par les citoyennes et les citoyens eux-mêmes. Parce que ce texte doit être le leur, ce que n'est aucun des deux qui leur sont soumis le 14 octobre. L'un est un bricolage patrimonial, l'autre un bricolage politique, les deux se situent quelque part entre le Palais du Facteur Cheval et une machine à Tinguely. On aime les deux. Mais comme œuvres artistiques, pas comme charte politique fondamentale, qui ne vaut que par la possibilité donnée au peuple de se l'approprier.

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