jeudi 11 octobre 2012

Constitution genevoise : Ce n'est qu'un débat, continuons le confus !

On s'était promis de ne pas y revenir pendant une semaine, et puis voilà, mille excuses, mais on craque. Parce que le débat constitutionnel genevois commence sérieusement à nous gonfler. Non par ce qui devrait être son objet et son enjeu, mais par la forme qu'il prend. Celle, qu'on nous pardonne la vulgarité de la métaphore, d'un débat de merde, mené à coup d'invectives, et de procès d'intentions, de caricatures des enjeux et de prédictions paranoïaques. ça pleurniche d'un côté, ça agonit de l'autre, et ça nous pompe l'air des deux.

Qu'est-ce que j'ai fait de mon linceul de réserve, moi ?


Et encore un argument massue pour nous faire voter le projet de la Constituant, un ! Celui-là nous est servi en édito par la Tribune d'hier : «Entrons dans le XXIe siècle», nous enjoint son red-en-chef ... ... voui, bon, d'accord, mais on n' y est déjà entré il y a bientôt douze ans, dans le XXIe siècle : le 1er janvier 2001 dans le calendrier vulgaire... A enfiler ce genre de perles de rhétorique creuse, les partisans du projet de la Constituante croient-ils pouvoir convaincre quelque hésitant de la nécessité d'aller voter (et d'aller voter « oui » ?)...
Donc, on vous le résume, l'état de ce débat où partisans et adversaires du projet de constitution se valent en se dévaluant :
Si le projet de la constituante passe, la chasse sera rétablie, Genève sera cernée de centrales nucléaires, des bandes de curés armés ratisseront la ville à la recherche des mécréants et tout rassemblement de plus de trois personnes sera dispersé par les mitrailleuses.
Si la constitution actuelle est confirmée, on reviendra au XIXème siécle, on s'éclairera à la bougie, on communiquera par le télégraphe de Chiappe, on se soignera sous le portrait de James Fazy avec les tisanes de mémé et on défuntera de la goutte à 50 ans après avoir fait huit enfants (dont quatre morts-nés) à son épouse défunte en couches à 35 ans.
Est-ce que par hasard, on ne nous prendrait pas un peu pour des cons ?

Nous avons ici à réitérées reprises conviés celles et ceux qui tenaient à produire ce vote « informé » dont Rousseau considérait qu'il était la condition d'un prononcement démocratique, à lire le texte qui leur était soumis, à le comparer avec le texte qu'il prétend remplacer, et à se souvenir des engagements politiques clairs pris au moment de l'élection de la Constituante. A lire les prises de positions qui nous tombent dessus comme la vérole sur le bas-clergé breton, à voir les affiches prônant le « oui » ou le « non », un intense et inhabituel sentiment de modestie nous étreint : on a prêché notre méthode socratique dans le désert déserté de la raison raisonnante. Et on finit par se dire que peu importe le résultat qui tombera dimanche en dix : le travail sera à refaire complètement.
Il y a d'ailleurs à cela un précédent : celui de la Constitution de 1847,  révisée 120 fois en 165 ans. Quelle que soit la constitution dont Genève se (re)trouvera affublée le 14 octobre à midi, le rythme de ses révisions ne se ralentira pas, et quelles que soient les conditions posées par l'une ou l'autre des deux constitutions en lice à l'exercice des droits démocratiques, on ne se fera pas faute d'user de ces droits pour proposer ce qui a été refusé par la Constituante et qui était pour nous autant de revendications fondamentales, ou pour extirper de la constitution ce qui mérite de l'être (et qui est sous une forme ou une autre généralement présent dans les deux textes). Mais en écrivant cela, on écrit à peu près rationnellement d'un travail politique rationnel. Or le débat qui s'est instauré depuis quelques semaines sur l'enjeu constitutionnel cantonal est largement sorti du rationnel -disons qu'il s'en est émancipé vers le bas, l'approximation, le procès d'intention, voire l'injure, et une louche de paranoïa. On ne débat plus des textes pour ce qu'ils contiennent, mais, sans les avoir lus, pour ce qu'on croit qu'ils contiennent, ou qu'on suppose qu'ils contiennent, ou qu'on a dit qu'ils contenaient entre les lignes, ou derrière les textes...
On ne débat d'ailleurs plus, on anathémise (se dit-ce ?), on excommunie, on instruit les procès en trahison... tel député socialiste est menacé d'exclusion et condamné au silence parce qu'il a appelé à voter « non », les partisans du vote blanc sont convoqués sur le front des troupes pour y être châtiés de leur désertion, les partisans de gauche du projet sont présentés par les adversaires du projet comme les « idiots utiles » de la droite, les opposants de gauche du projet comme des Néanderthaliens par les partisans du projet...  Genève, terre de contrastes politiques : tu dois considérer le texte qui est soumis au vote comme le meilleur texte possible même s'il ne contient rien de ce tu voulais y trouver, ou le pire texte possible même si ce qui t'y déplaît est déjà présent dans le texte actuel... C'est l'enfer, ou le paradis. Le Purgatoire ? On y est, pas besoin de nous le promettre... et puis Calvin le nie...
Et pour nous, qui ne croyons ni à l'un, ni à l'autre, ni au troisième, ni à Dieu ni à Diable, on nous promet quoi ? le châtiment réservé aux traîtres... Après tout, pourquoi pas? Rien jamais ne s'est fait qui vaille sans trahison de ce qui s'était fait avant et que cela remplace...

Qu'est-ce que j'ai fait de mon blanc linceul de réserve, moi? Ah oui : un bulletin de vote...

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