dimanche 10 juin 2012

Projet de nouvelle constitution genevoise : Tout ça pour ça ?




La troisième débat sur le projet de nouvelle constitution genevoise est terminé et l'Assemblée constituante lance une campagne d'information pour sensibiliser la population à ses travaux et à leur (glorieux) résultat en vue de la votation populaire du 14 octobre prochain. Six « soirées thématiques » sont donc prévues pour permettre aux constituants de rencontrer la population (au nom de qui ils ont pondu leur texte) et à la population d'apprendre leur existence et de rencontrer les constituants qu'elle a élus, ou, plus majoritairement, laissé élire. Les deux premières de ces soirées sont organisées à Genève : la première, hier soir, la seconde, le 23 mai, à la Maison de retraite du Petit-Saconnex. Vu la composition générationnelle de la Constituante, directement du producteur au consommateur.... Mais on n'ironisera pas plus, c'est pas notre genre, sur le choix du lieu. Ce genre d'ironie n'est d'ailleurs plus de notre âge. 

Produire du confit pour éviter le conflit ?

Le 31 mai, l'Assemblée constituante a voté l'ensemble du projet de constitution qui sera soumis au vote populaire le 14 octobre. Et si les fronts ne sont pas encore connus dans leur détail, au sein de l'assemblée le vote ne faisait aucun doute : le texte a été accepté à une forte majorité (la droite démocratique, le PS et les Verts, en tout cas). Mais des oppositions sont déjà annoncées : le groupe AVIVO, par exemple, n'aura pas attendu la fin de la troisième lecture du projet de constitution pour dire tout le mal qu'il en pense -et en pensait depuis longtemps : il appelle d'ores et déjà à refuser ce qui sortira le 31 mai de l'assemblée.

Les efforts pour gommer les aspérités possibles du texte et désarmer les oppositions prévisibles ont été nombreux, et deux propositions faisant conflit politique, de celles qui permettraient réellement de distinguer à la fois une constitution de gauche d'une constitution de droite, ont été sorties du projet : le droit d'éligibilité des étrangers au niveau communal, la taxation fiscale sur le seul lieu de domicile. La droite ne voulait pas de la première, la gauche ne voulait pas de la seconde, le projet sera expurgé des deux et on attend de cette purge le désarmement de deux oppositions qui, additionnées, menaçaient de condamner purement et simplement le résultat du travail de la Constituante. Pour des raisons semblables (désarmer les oppositions), plusieurs autres propositions ont été purement et simplement abandonnées : le transfert des grandes institutions culturelles et sportives au canton, la réduction de l'autonomie des communes, la radicalisation du « frein à l'endettement ». Enfin, des articles concernant la politique énergétique et l'engagement antinucléaire du canton, que la droite avait initialement refusés vont être réintégrés dans le texte, histoire d'amadouer une partie de la gauche. Sur ces points, comme sur le droit d'éligibilité des étrangers et l'imposition au lieu de travail, on en revient donc à la constitution actuelle. Pas de régression, pas de progrès, le statu quo. Pour éviter le conflit, la constituante a produit du confit.

Des reculs, cependant, les opposants déjà déclarés au projet de nouvelle constitution en pointent : la réduction des droits et des possibilités de contrôle démocratiques (élections plus espacées, chefferie quinquennale du Conseil d'Etat, augmentation programmée du nombre de signatures requises pour les référendums et les initiatives populaires), le rôle de l'Etat défini comme complémentaire de celui de l'«initiative privée», la suppression de la garantie de couverture des déficits des établissements publics médicaux, l'absence du rôle de l'Etat dans la concrétisation du principe d'égalité entre femmes et hommes...  Et puis, en sus des reculs, il y a le refus des avancées : le quorum électoral n'est pas abaissé, la parité femmes-hommes sur les listes électorales n'est pas imposée, l'égibilité municipale des étrangers n'est pas accordée.

Et nous, alors, qu'en diras-t-on, de ce projet ? On en dira qu'il faut en juger en le comparant à la fois à la constitution actuelle (quels sont les progrès, quels sont les reculs, qui l'emporte des progrès et des reculs ?) et aux engagements pris lors de l'électiion de la constituante (pour les socialistes : leur « feuille de route ») : quels engagements ont été tenus, quels engagements ont été oubliés, quels reculs proclamés comme inacceptables ont été effectués, quelles avancées proclamées comme nécessaires ont été refusées ? C'est le résultat de ces comparaisons qui devrait dicter nos mots d'ordres : un NON clair si le projet de nouvelle constitution est, sur le fond, plus mauvais que la constitution actuelle, un OUI s'il est meilleur, une indifférence polie et un vote blanc si la seule différence entre les deux textes tient de la cosmétique ou du ravalement de façade. Parce qu'enfin, si mal élue qu'elle ait été, on n'a pas élu une constituante pour passer du ripolin sur la constitution actuelle, mais pour en changer. Pour produire un texte véritablement neuf. Qu'il soit de gauche ou de droite, mais qu'il tienne debout tout seul, qu'on puisse en débattre sur le fond, et pas sur la forme, et qu'on puisse débattre de propositions fortes, et pas de compromis mollachus.
Mais à nous qui voulions du piment, on sert de la guimauve...

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