jeudi 24 mai 2012

Fonds de tiroirs


L'Assemblée constituante genevoise lance une campagne d'information pour sensibiliser la population à ses travaux et à leur (glorieux) résultat en vue de la votation populaire du 14 octobre prochain, sur le projet de nouvelle constitution cantonale. Six « soirées thématiques » sont donc prévues pour permettre aux constituants de rencontrer la population (ah bon, il faut leur organiser des soirées pour qu'ils rencontrent la population ?) et à la population de rencontrer les constituants. Et pour commencer : d'apprendre leur existence.  Les deux premières de ces soirées sont organisées à Genève : la première, le 10 mai, à Uni Bastions, la seconde, le 23 mai, à la Maison de retraite du Petit-Saconnex.  Et c'est un excellent choix, le bac à sable et l'EMS. Directement du producteur au consommateur, en somme...

Elle pensait avoir trouvé un truc infaillible pour faire passer son projet de nouvelle constitution, la Constituante genevoise : en sortir les deux propositions qui susciteraient le plus d'oppositions (l'éligibilité municipale des étrangers, qui donne des boutons à la droite de la droite, et l'imposition au seul lieu de domicile, qui mobilise contre elle les communes et la gauche), et les soumettre aux citoyens et yennes en un vote séparé. Ben non, a rétorqué le Conseil d'Etat, c'est pas possible, vous n'avez pas le droit de tronçonner le résultat de vos cogitations, la loi vous oblige à ne présenter qu'un seul projet, en une seule votation. Bref, vous ne pouvez pas vous défiler : soit les deux propositions contestées sont définitivement sorties du projet, et pas question de voter sur elles ensuite, soit elles y sont réintégrées (les deux, ou une seule des deux) et elles sont votées avec le reste. Non mais, qu'est-ce que c'est que cette constitution en kit que la Constituante voudrait proposer ? Du droit constitutionnel façon Ikéa ?

Bon, finalement, on ne votera pas sur les deux dispositions (le droit d'éligibilité municipale des étrangers et la fin de l'imposition au lieu de travail que la Constituante a sorties de son projet de Constitution parce qu'elles risquaient d'ajouter deux oppositions à ce projet au moment de sa soumission au peuple. Les deux dispositions ont donc été sorties du projet une fois pour toutes.  De mauvaises langues de gauche (si, si, y'en a) se sont empressées d'ajouter que si on devait sortir du projet toutes les dispositions qui risquaient de susciter une opposition, il n'y resterait plus grand chose de neuf, dans le projet. Des mauvaises langues, on vous dit...
 

Nouvelles de la Constituhante : Le groupe « Radical Ouverture » regrette l'acceptation du droit d'éligibilité municipale des étrangers par la Constituante, en deuxième lecture. Le groupe « Radical Ouverture » a l'ouverture congrue. Il a surtout peur, le groupe Radical Entrebaillement que cette disposition «  avant-gardiste »  (tu parles d'une avant-garde : donner le droit d'éligibilité à des gens qui avaient déjà le droit de vote...) risque de faire échouer tout le projet de constitution. Dans lequel y'a des dispositions auxquelles le groupe Radical Pied dans la porte tient mordicus. Notamment celle qui prive la Ville de Genève de dizaines de millions de francs de ressources fiscales par an. C'est d'ailleurs pour faire soutenir le projet final par au moins une partie (la plus molle) de la gauche qu'une partie (la plus intelligente) de la droite a laissé passer le droit d'éligibilité des étrangers. Apparemment, le groupe Radical Soupirail ne fait pas partie de la partie la plus intelligente de la droite de la Constituante. C'est Kunz qui a écrit le communiqué du groupe Radical Meurtrière ?

Il y a au moins une institution politique genevoise qui ne nous décevra jamais : la Constituante. Le 9 février, elle a successivement voté la suppression de l'imposition au lieu de travail (pour ne garder que celle au lieu de domicile) et refusé, à l'appel de Longfavre,  de transférer au canton la charge financière des infrastructures culturelles et sportives d'importance cantonale et régionale. Résultat, si on acceptait le pensum de la Constituante : les communes qui assument la charge financière de ces grandes infrastructures (le Grand Théâtre, par exemple cité au hasard) devraient continuer à les payer, mais avec des ressources réduites (la Ville de Genève perdrait 120 millions par la suppression de l'imposition au lieu de travail : en gros, ce qu'elle consacre aux grandes institutions culturelles sises sur son territoire, mais ujtilisées par la population de toute la région). Elle est simple comme un racket, la méthode de la constituante : je décide, tu paies...

La droite avait pensé faire un bon coup, à la Constituante  : elle avait proposé d'inscrire carrément dans la constitution la réalisation d'une traversée routière du lac, comme l'une des tâches de l'Etat. Comme elle est majoritaire à la constituante, la droite, elle pensait que l'affaire était dans le sac. Las ! quelques UDC ont voté contre l'amendement proposé par l'Entente, le MCG et soutenu par le reste de l'UDC (qui vient d'ailleurs de lancer une initiative populaire demandant précisément une traversée routière du lac, ce qui pourrait avoir inciter quelques udécistes à ne pas vouloir lâcher cet os). D'où une grosse grosse colère, sur leurs blogs, du MCG Patrick Dimier et du PLR Pierre Kunz, qui annonce carrément que, du coup, la droite appellera à voter contre le projet de constitution (chiche !)... On n'a pas souvent l'occasion de se marrer, avec la Constituante, alors quand l'UDC nous en donne une aux dépens du reste de la droite, on va pas la louper...

On sait que vous en êtes friands, alors on vous en donne : des nouvelles de la Constituante. Ben si, elle existe toujours, elle siège toujours, et elle va encore siéger. Donc voilà, elle a terminé la deuxième lecture, à haute voix, et même sans images, de son projet de nouvelle constitution genevoise. Elle en a profité pour tirer le projet un peu plus à droite (renforcement du frein à l'endettement, purge des articles relatifs aux établissements de droit public). Elle doit encore le relire une fois, la troisième (elle ne s'en lasse pas), mais ne pourra plus le modifier, sauf décision d'une majorité absolue des membres de l'assemblée, absents compris, pour entamer à nouveau une discussion sur un article. Quatre sessions sont encore prévues pour cette troisième lecture, le vote final aura lieu le 31 mai, le texte sera ensuite remis au Conseil d'Etat, qui dira ce qu'il en pense (le Grand Conseil ne sera pas consulté), puis au peuple. Qui le refusera, le 14 octobre prochain. Soit le 23 vendémiaire, jour des navets. ça ne s'invente pas, ce genre de coïncidences...

Petit marchandages dans le souk constituant genevois : la droite vire l'une des rares avancées du projet de nouvelles constitution,  le droit d'éligibilité communale des étrangers,  et en échange réintègre l'imposition au lieu de travail. But de l'exercice : désarmer deux oppositions potentielles au projet, celle de l'extrême-droite au droit d'éligibilité, celle de la gauche à la réforme de la fiscalité. C'est qu'on ne veut pas se retrouver en octobre avec le résultat de deux ans de palabres balancés à la poubelle par les citoyennes et yens au nom de qui on a palabré. Et qu'on va donc leur servir une bouillasse tiède, « un texte qui manque de souffle », comme le qualifie déjà le Constituant associatif Yves Lador (dont le groupe a (sauf erreur) participé aux négociations avec la droite pour un « accord de convergence ». On sent qu'il va être exaltant, le débat sur le projet final. Et qu'on va pouvoir se dire qu'après tout, elle aura au moins servi à une chose, mais une seule, la Constituante : à alimenter les caisses des partis grâce aux jetons de présence des constituants. De là à en tirer la conclusion politique qu'il faudra dire «oui» à ce qui en est ressorti, même par gratitude financière, on hésite...


Aucun commentaire: