samedi 23 août 2008

Institutions et citoyenneté : les termes d'un débat

Par la révision globale des constitutions de nos Etats, nous voulons en changer les institutions ; mais peut-on croire que par cette intention exprimée nous suffisons aux exigences d'un projet de changement de la société, comme si une société et ses règles du jeu pouvaient être démocratiquement " changées " par le faîte ? A la vérité, il s'agit moins d'opérer un changement social par un changement institutionnel que de rendre le premier possible par le second. Car " nos " institutions politiques nous sont un obstacle -et faire sauter cet obstacle est sans doute une condition nécessaire pour s'en aller plus loin, et plus profond : aux règles sociales elles-mêmes.
Nos institutions politiques nous viennent d'un temps qui, s'ils furent de naissance de la démocratie (ou plutôt : d'une certaine forme, tronquée, de démocratie) furent aussi ceux de la contention de la démocratie dans des limites qui ne furent pas fixées par les citoyens (et moins encore par les citoyennes), ou par les peuples, mais par les pouvoirs politiques eux-mêmes. Ces institutions (l'Etat et ses appareils, la nation et ses idéologies) sont d'une démocratie vieillie, partielle, tronquée ; d'une démocratie fondée sur la nation par crainte du peuple, le territoire par crainte de l'étranger et l'Etat par crainte des citoyens (et plus encore, sans doute, des citoyennes). Ces institutions sont de fermeture. A l'égard des étrangers, d'abord (les droits politiques restent pour l'essentiel le privilège d'un indigénat déterminé par la naissance et le territoire, ou l'octroi à bien plaire de la nationalité par naturalisation -il n'est pas sans ironie que le même terme signifie l'octroi de la nationalité et l'empaillage) ; à l'égard des jeunes et des femmes ensuite ; des marges sociales, culturelles et politiques, enfin. Et des pauvres, surtout, de ces " classes dangereuses " que par mille moyens l'on tenait éloignées de l'exercice des droits que l'on proclamait par ailleurs.
De vieux mots cependant peuvent encore dire de nouveaux projets : Nation, République, Commune, et même souveraineté… De ces mots, il y a meilleur usage possible que celui qu'en font aujourd'hui, en Suisse comme dans toute l'Europe, des forces politiques qui, réduisant la Nation à la tribu, la République à la communauté, la Commune au folklore et la souveraineté au pouvoir, ne s'adressent aux citoyens qu'avec la volonté d'en refaire des sujets.

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